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De l'indigotier à l'indigo

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L’indigo est un des plus anciens colorants textiles. Il est utilisé dans de nombreuses civilisations. Il provient de l’indigotier, plante originaire d’Inde. L’industrie chimique va supplanter l’indigo naturel à la fin du XIXe siècle. C’est la couleur des jeans par excellence.

Semis fond indigo : toile imprimée, 1760, Bibliothèque Forney

L'indigotier

C'est un petit arbuste originaire d’Inde d’où son nom. L’indigotier est une plante tropicale de la famille des Fabaceae (légumineuses). Plante vivace ou annuelle à tige unique et cylindrique droite ou rampante, elle atteint, à sa maturité, un à deux mètres de haut. Ses fleurs en grappes roses, rouges, blanches ou bleues, exhalent une forte odeur. Elles attirent les insectes et particulièrement les abeilles. A maturité, elles se transforment en gousse contenant des graines. Ses feuilles oblongues sont utilisées par macération pour produire une teinture bleue des tissus nommée indigo.

  Indigofera cytisoides L, Cap, Redouté (Pierre-Joseph), MNHN

Histoire de la Louisiane / Le Page du Pratz, 1758

Le genre Indigofera compte de nombreuses espèces dont la plus répandue est l’indigofera tinctoria ou indigo des teinturiers qui fournit la matière colorante.

Ervum aegyptiacum, argenteum, flore coccineo D. Lippi, MNHN

Origine

Sa culture en Inde daterait de 4 000 ans avant notre ère. On trouve, aussi, des traces de la plante en Mésopotamie et en Egypte ancienne 2 500 ans av. J.-C. Les Romains l’appelaient indicum, les Arabes anil (= du Nil). En perse ou en sanskrit, elle est nommée Nilah. Le médecin, pharmacologue et botaniste grec, Dioscoride la décrit dans De materia medica en 77 après J.C.

Dans l’Amérique précolombienne, les Mayas utilisaient l’indigo bâtard en le mêlant à de l’argile pour faire des poteries ou de la peinture de couleur bleue. Il est nommé « bleu maya ».

La légende raconte que, vers 1300, le Vénitien Marco Polo serait le premier à avoir parlé de l’usage de l’indigo au cours de ses voyages.

Lorsque les Portugais arrivent en Asie au XVIe siècle, l’indigo est vendu sur les marchés indiens sous forme de poudre. Comme elle est transformée, la substance est longtemps considérée comme appartenant au règne minéral. C’est le naturaliste Georg Eberhard Rumpf (1627-1702) qui représente  le premier l’Indigofera tinctoria comme une espèce nouvelle. En 1753, le botaniste suédois, Carl Von Linné (1741-1783)  décrit la plante en reprenant la description de Rumpf.

Histoire universelle des Végétaux / par Pierre-Joseph Buchoz, seconde partie, 1773

Culture de l’indigotier en Inde et dans le Nouveau Monde

Henri IV interdit aux teinturiers d’utiliser l’indigo sous peine de mort. Ces prohibitions empêchent son introduction en Europe car il vient concurrencer le pastel qui est utilisé en France depuis le Moyen-Âge pour la teinture bleue. Le pastel des teinturiers ou guède est cultivé en Languedoc et en Picardie. Il produit un bleu plus clair que l’indigo de couleur bleue-violacée suivant la teneur en indigotine. Colbert (1619-1683) prend des mesures protectionnistes et son emploi reste limité car l’indigo est alors considéré de mauvaise teinture. L’importation d’indigo d’Inde en Europe ne commence que vers 1631 et va jouer un rôle économique important jusqu’au XIXe siècle.

La culture de l’indigotier est liée aux colonies et à l’esclavage. Une révolte anti-indigo, « The Blue Mutiny », se déclenche, notamment au Bengale, en 1859 contre les planteurs anglais et pour dénoncer l'emprise que prend cette culture sur les terres anciennement dédiées aux rizières.

Pour assurer ses approvisionnements, la France implante la culture de l’indigotier dans ses colonies, en Afrique et en Amérique, notamment aux Antilles françaises et en Louisiane. En 1803, lors de la vente de la Louisiane aux États-Unis, les champs d’indigotier en Louisiane sont abandonnés, laissant place à des marais ou à la culture de la canne à sucre plus rémunératrice.

Indigo d’Amérique : ballots d’indigo et de tabac pour la France, dans le destin molestant les Anglais, 1780  

De la manière de faire de l’indigo

Les feuilles de l’indigotier - qui bleuissent à maturité - et son écorce, renferment de l’indican, un principe qui, au moment de la fermentation de la plante, donne l’indigo. La récolte se fait en été au moment de la floraison. Les feuilles sont macérées pour en extraire les pigments. Elles sont entassées dans des cuves contenant de l’eau puis elles sont pressées. Au bout de quelques heures, elles fermentent et un liquide jaune s’écoule qui devient bleu indigo au contact de l’oxygène. Le liquide est bouilli pour éviter toute fermentation. Il est ensuite mis à sécher, réduit en poudre et emballé dans des boîtes pour être commercialisé. Il faut 1000 kg de feuilles pour avoir entre 1 à 7 kg de poudre. La qualité de l’indigo diffère suivant son origine. L’indigo d’Égypte, du Bengale ou de Java sont parmi les plus réputés.

Traitement de l'Indigo en Hindoustan dans Les Hindoux / François-Balthazar Solvyns, tome 4, 1808-1812

La culture de l’indigotier, comme d’autres plantes tinctoriales, s’arrête à la fin du XIXe-début XXe siècle avec la mise au point des teintures chimiques.

Amorpha, Redouté (Pierre-Joseph), MNHN

L'indigo synthétique

À la fin du XIXe siècle, la chimie naissante va permettre la mise au point de colorants synthétiques. C'est Adolf Von Baeyer (1835–1917) qui met au point l'indigo de synthèse en 1878. Ce dernier est commercialisé par la société allemande BASF (Badische Anilin & Soda-Fabrik, groupe chimique allemand créée en 1865) à partir de 1897 sous le nom Indigo pur BASF. Ayant un prix de revient inférieur, il supplante rapidement l’indigo naturel sur le marché international.

Progrès de l'industrie des matières colorantes artificielles / par A. Wurtz, 1876

Malgré tout, l'indigo est l'un des rares colorants naturels encore utilisés de nos jours. Comme la plupart d'entre eux, il manque de solidité au lavage. L'indigo ne fait pas exception, mais cet inconvénient peut devenir un avantage. Le blue-jean usé et délavé est devenu un incontournable de la mode et fait la popularité de l’indigo aujourd’hui.

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Exposition sur le jean, Cité des sciences

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