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Les droits des femmes dans les Essentiels du droit : premiers pas d’un long chemin vers l’égalité

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23 juin 2021

A l’occasion du Forum Génération Égalité entre les femmes et les hommes, événement organisé par ONU Femmes, d’une part au Mexique (mars 2021) et d’autre part en France (juin 2021), une rubrique thématique sur les droits des femmes est créée dans les Essentiels du droit de Gallica.

Les Noces : Répétition à Monte-Carlo (groupe d'hommes et de femmes)
photographie Enriett, 1923

Le corpus Droits des femmes  porte principalement sur le XIXe siècle et sur la France, et sera progressivement enrichi. Devant être libres de droits, les ouvrages sélectionnés ne peuvent rendre compte de l’avancée majeure des droits des femmes tout au long du XXe siècle, en particulier après la seconde guerre mondiale.

Néanmoins, cette sélection de documents sur la situation juridique des femmes au cours du XIXe siècle et sur les premiers signes de son évolution peut rappeler le chemin parcouru depuis cette période.

Arborescence du corpus

Les ouvrages, numérisés à partir des collections patrimoniales de la BnF et de bibliothèques partenaires, sont répartis en plusieurs catégories : ouvrages généraux sur la situation juridique des femmes, par branches du droit (droit romain, droit civil, droit commercial, droit du travail, protection sociale, droits politiques), sur des sujets plus précis (nationalité, droit à l'éducation, femmes avocates) ou plus spécifiques (droit et féminisme). En voici quelques exemples, parmi beaucoup d’autres.

Ouvrages généraux sur les droits des femmes

[Le paysan et sa femme] : [estampe] / AD [A. Dürer] [monogr.]

La sélection des textes proposés permet de retracer la situation juridique des femmes depuis l’Antiquité romaine tels que Recherches sur la condition civile et politique des femmes, depuis les Romains jusqu'à nos jours (1843) d’ Édouard Laboulaye  ou Étude sur la condition privée de la femme dans le droit ancien et moderne et en particulier sur le senatus-consulte velléien (1885)  de Paul Gide.

Avant-garde des femmes allant à Versaille [sic] : [estampe]

Sont également inclus des textes célèbres, jalons marquants de la réflexion sur les droits des femmes, avant ou pendant l’époque de la Révolution française : Egalité des hommes et des femmes (1622) de Marie de Gournay  , De l'égalité des deux sexes, discours physique et moral où l'on voit l'importance de se défaire des préjugez (1673) de François Poullain de La Barre et P. Frelin, Sur l'admission des femmes au droit de cité (1790) de Condorcet , et Les droits de la femme (1791), document incluant la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne  d’ Olympe de Gouges.

Statut de la femme dans le droit civil 

Cet ensemble se décompose en trois rubriques : la situation juridique de la femme mariée, séparée ou divorcée, les régimes matrimoniaux, et d’autres ouvrages portant notamment sur la question de la femme en tant que témoin.

Le code civil de 1804

Discussion sur le Code civil au Conseil d‘Etat
dans : Grands hommes et grands faits de la Révolution française (1789-1804)

 Paris : Combet, [1902]

Après les aspirations égalitaires de la période révolutionnaire, le code civil napoléonien de 1804 consacre la puissance maritale exercée sur l’épouse, qui doit obéissance à son mari (article 213) et l’incapacité juridique de la femme mariée (incapacité d’ester en justice sans l’autorisation de son mari : article 215, incapacité de contracter : article 1124 mais aussi l’impossibilité pour toute femme, mariée ou pas, d’être témoin pour un acte d’état-civil (article 37) ou un acte notarié (article 980) .

La situation juridique de la femme, découlant de ces dispositions, est étudiée dans des ouvrages généraux de droit civil parus au XIXe siècle (Cf. le droit civil dans les Essentiels du droit de Gallica ) mais aussi dans des livres tels que De la condition légale de la femme mariée et en particulier de son incapacité (1855)  d’Antonin Lefèvre-Pontalis ou le Traité des droits des femmes en matière civile et commerciale (1842) de Romain Cubain.

L’évolution au cours du XIXème siècle : le début d’un long chemin vers l’égalité

Extrait de La Fronde : [affiche] / C.H. Dufau Dufau, Clémentine-Hélène (1869-1937). Illustrateur

Le XIXe siècle reste marqué par Code civil de 1804, mais l’évolution de la société et les revendications des femmes ont difficilement mais finalement pour effet des modifications de la législation à l’aube du XXe siècle. Quelques exemples d’ouvrages viennent l’illustrer.

La loi sur le divorce du 20 septembre 1792  avait été abolie sous la Restauration par la loi du 8 mai 1816 , dite loi Bonald. La loi du 27 juillet 1884 rétablit le divorce (uniquement pour faute). Dans la loi du divorce (1903) , Alfred Naquet , à l’origine de ce texte, expose son parcours législatif et ses enjeux. Les livres d’ Ernest Glasson, Le mariage civil et le divorce dans l'antiquité et dans les principales législations modernes de l'Europe (1880)  et de Paul Pic, Mariage et divorce, en droit international et en législation comparée (1885) établissent des comparaisons dans le temps et dans l’espace en matière de divorce peu de temps avant et après la loi de 1884.

Avec la loi du 7 décembre 1897 , les femmes (mariées ou pas) peuvent désormais témoigner dans les actes d'état-civil et dans les actes notariés. Cf. Commentaire de la loi du 7 décembre 1897 sur le témoignage des femmes dans les actes publics (1898) de Désiré Didio.

Dix ans plus tard, la loi du 13 juillet 1907 « sur le libre salaire de la femme mariée et la contribution des époux aux charges du ménage » permet aux femmes mariées sous le régime de la communauté des biens de disposer du produit de leur travail. Raoul de La Grasserie  présente ce texte dans Le Libre salaire de la femme et la contribution des époux aux charges du ménage, loi du 13 juillet 1907.

On rappellera ici pour mémoire qu’il faut attendre la loi du 18 février 1938  pour que l’incapacité juridique de la femme mariée prenne fin, et la loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux  pour qu’une femme mariée puisse travailler et ouvrir un compte en banque sans le consentement de son mari.

Statut de la femme en droit de la nationalité

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[Paris.] Le marchand de drapeaux tricolores, rue de Maubeuge Août 1914
Bibliothèque Historique de la Ville de Paris

En matière de nationalité, en rupture avec la Révolution mais aussi avec l’Ancien Régime, le Code civil de 1804 dispose qu’ une femme suit la condition de son mari : une étrangère épousant un Français devient française (article 12) et une Française épousant un étranger devient étrangère (article 19), à moins que son mariage ne lui confère pas la nationalité du mari, précise la loi du 26 juin 1889 afin d’éviter l’apatridie.

Le principe de l’’indépendance de la femme mariée en matière de nationalité n’est institué que par la loi du 10 août 1927. Le livre de François Varambon , Nationalité de la femme mariée présente la situation existant en 1859. Le livre de Marcel Sauteraud étudie à la date de 1919 le cas du Maintien de la nationalité de la femme française qui épouse un étranger.

Statut de la femme en droit commercial

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[Boutiques parisiennes. Vêtements. A la Nouveauté, 146, rue du Bac ? (7e arr.)], 1908
Bibliothèque Historique de la Ville de Paris

Cette page propose des ouvrages présentant ou développant des dispositions applicables aux femmes en matière de droit commercial. Y figurent par exemple les Conditions requises pour être commerçant. Actes de commerce. Le mineur commerçant. La femme mariée commerçante. Les obligations du commerçant (1912)  ou des thèses sur les droits de la femme en cas de faillite du mari  

Selon l’article 220 du Code civil de 1804, la femme, si elle est marchande publique, peut, sans l’autorisation de son mari, contracter des obligations pour ce qui concerne son négoce, et l’article 7 du Code de commerce de 1807 reconnaît à la commerçante le pouvoir d’engager, d’hypothéquer et d’aliéner les immeubles qui lui appartiennent en propre, à l’exception des biens dotaux.

Néanmoins, sans l’autorisation de son mari, la femme mariée ne peut exercer aucun commerce ni ester en justice même en étant commerçante, (article 4 du Code de commerce et article 215 du Code civil) et l’article 547 du Code de commerce dispose que « sous quelque régime qu’ait été formé le contrat de mariage [...] la présomption légale est que les biens acquis par la femme du failli appartiennent à son mari, sont payés de ses deniers, et doivent être réunis à la masse de son actif, sauf à la femme à fournir la preuve du contraire ».

Droit de la femme à l’éducation

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Roubaix. Collège de jeunes filles. Intérieur
Bibliothèque numérique de Roubaix

Avec le développement de l’instruction, le droit des filles à l’éducation progresse également peu à peu. Sous le Second empire, Victor Duruy, par la loi du 10 avril 1867 sur l'enseignement primaire , impose aux communes de plus de 500 habitants d’ouvrir une école primaire publique pour les filles, et tente également d’ouvrir l'enseignement secondaire public aux filles malgré l’opposition de l'Eglise.

Sous la IIIe République et le gouvernement de Jules Ferry, la loi du 21 décembre 1880 (loi Camille Sée) institue les collèges et lycées publics de jeunes filles Voir les travaux parlementaires et textes d'application de cette loi et un exemple de programme d’études secondaires (1882) pour jeunes filles.

Statut de la femme en droit du travail 

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1923, Poste centrale, rue du Louvre, Agence Rol

La législation limite en 1874 ( loi du 19 mai 1874 ) puis interdit en 1892 (loi du 2 novembre 1892) le travail de nuit des femmes. La thèse de Joseph Vallier  étudie en 1902 le travail des femmes dans l’industrie française . Jeanne Chauvin, première docteure en droit française en 1892, devenue avocate en France en 1900 non sans difficultés face à l’opposition qu’elle rencontra, consacre en 1892 sa thèse de doctorat en droit aux professions accessibles aux femmes en droit romain et en droit français .

Une protection sociale en matière de maternité amorcée à partir de 1909

Mère et son enfant, Agence Meurisse  

Un congé maternité de huit semaines au total, non rémunéré, est instauré en 1909 par la loi du 27 juillet 1909 (loi Engerand ) qui garantit leur travail ou leur emploi aux femmes en couches. Puis la loi du 17 juin 1913 prévoit une indemnité sous l’impulsion de Paul Strauss : un document de 1913 sur l’assistance aux femmes en couches en présente les dispositions et textes d’application. Mais c’est seulement à partir de 1928 et la loi sur les assurances sociales , qu’est véritablement instituée une allocation de maternité (gratuité des soins médicaux, indemnités compensatrices).

Les femmes avocates

Plaidoirie de la première femme avocate en cour d'assise [Hélène Miropolsky], [25] septembre 1908
Agence Rol

Face aux fortes résistances du milieu judiciaire, c’est seulement en 1900, que la loi du 1er décembre 1900 permet aux femmes d'accéder à la profession d’avocat. Le 6 décembre de la même année Sophie Balachowsky-Petit , dite Olga Petit, devient la première femme à prêter le serment d’avocat en France, suivie le 19 décembre par Jeanne Chauvin , qui fut aussi la première Française docteur en droit en 1892.

Parmi les ouvrages témoignant de cette difficile conquête : En cause de Mlle Chauvin. La femme-avocat, exposé historique et critique de la question (1898). Le philosophe et juriste féministe belge Louis Frank y plaide pour l’accès des femmes au barreau et y décrit des exemples précurseurs dans des pays étrangers, dix ans après un premier texte sur le même sujet pour soutenir Marie Popelin en Belgique.

Droits politiques des femmes

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Au secrétariat général de la "Ligue du droit des femmes" : la préparation d'une pochette féministe cliché (1914)
Branger, Maurice-Louis, Bibliothèque Marguerite Durand

Parmi les revendications en matière de droits des femmes, le droit de vote occupe une place essentielle (ainsi que le droit d’éligibilité). Au terme d’une longue lutte militante, il est reconnu en France par l’article 17 de l’ordonnance du 21 avril 1944 portant organisation des pouvoirs publics en France après la Libération.

Mais comme le montre cette rubrique, les arguments débattus au sujet du droit de vote des femmes font l’objet d’études de juristes à partir du XIXème siècle. Exemples : La Femme au point de vue du droit public, étude d'histoire et de législation comparée (1892) de Moiseĭ Iakovlevitch Ostrogorskiĭ ou Le vote des femmes : cours professé à l'École des hautes études sociales (1920) de Joseph Barthélémy.

Droit et féminisme

5-7-14, manifestation des suffragettes, Mme Séverine [en tête du cortège], Agence Rol

L’apparition du féminisme au cours du XIXe siècle interpelle les juristes. Des thèses de doctorat parues au tournant du XXe siècle en témoignent, telles que Le Féminisme et le droit civil français (1899) de Charles Krug ou Le féminisme et les droits publics de la femme (1902) de Maurice Renaudot.

Dans son ouvrage La femme et la loi paru en 1920, l’avocate et militante féministe Maria Vérone fait le point sur la situation juridique des femmes il y a un siècle en matière notamment de droit civil et de droit du travail, montrant le chemin restant à parcourir vers l’égalité des droits.

Pour aller plus loin

Sélection Gallica Personnalités féministes dans les Essentiels de la Politique : corpus de textes écrits par des personnalités féministes qui ont particulièrement marqué l’histoire du féminisme en France par leurs publications et leurs actions, de la fin du XVIIe siècle à la veille de la Deuxième Guerre mondiale.

Billet rédigé dans le cadre du Forum Génération Egalité
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