Les parcs du château de Maisons (1/2)
Construit au milieu du XVIIe siècle sur les plans de François Mansart, le château de Maisons est considéré comme un chef d’œuvre d’architecture, inscrit dans plusieurs centaines d’hectares de parcs en lisière de la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Ce billet revient sur l’évolution des parcs du château jusqu’à leur lotissement au milieu du XIXe siècle.
gravé par Segé, 1858, pour l’ouvrage d'Henri Nicolle, Le château de Maisons.
Installé au bord de l’une des boucles de la Seine, en lisière de la forêt royale de Saint-Germain-en-Laye, à environ vingt kilomètres de Paris, le château de Maisons est considéré comme l’un des chefs d’œuvre de l’architecture française du XVIIe siècle et de son architecte, François Mansart. Perrault dans ses hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (1696-1700) a écrit à son sujet :
« Le château de Maisons dont il a fait faire tous les Bastimens & tous les Jardinages, est d’une beauté si singulière, qu’il n’est point d’Estrangers curieux qui ne l’aillent voir comme une des plus belles choses que nous ayons en France. »
Nous nous attacherons ici davantage aux « jardinages » de Maisons qu’à ses « Bastimens », car ce billet se concentrera sur les cartes et plans disponibles qui montrent le territoire autour du château que le château lui-même.
La construction du château
François Mansart construit le château de Maisons à la demande de René de Longueil (1596-1677) (portrait), issu d’une ancienne famille de la noblesse de robe, qui hérite de la seigneurie de Maisons en 1629. Pour cette construction qu’il veut somptueuse, Longueil peut compter sur l’héritage de son épouse Madeleine Boulenc de Crèvecoeur, sur sa propre habileté financière et peut-être sur un peu de chance, si on en croit de Rouvière qui publie en 1838 une Histoire et description pittoresque de Maisons-Laffitte : « Le marquis de Maisons, René de Longueville, surintendant des finances, sous le cardinal Mazarin, voulut aussi sacrifier à la mode, mais plus heureux que Fouquet, il jouit long-temps de sa propriété, et la légua à ses enfans. Un hasard heureux, il est vrai, le servit dans ses projets. Le marquis de Maisons, qui habitait en 1650 la rue des Prouvaires, ayant fait exécuter quelques fouilles dans l’un des caveaux de son hôtel, y trouva 40,000 pièces d’or au coin de Charles IX. Il crut ne pouvoir mieux employer son argent qu’en faisant construire un château dans son parc de Maisons; et soit qu’un second hasard lui ait offert le maçon François Mansard, soit qu’il ait deviné dans cet ouvrier ignoré le génie qui l’animait, il le chargea de dresser le plan et de surveiller la construction de l’édifice que nous admirons aujourd’hui ; c’est ainsi que le trésor de la rue des Prouvaires valut à la France un de ses plus jolis châteaux et le plus célèbre des architectes. »
C’est assurément pittoresque, le titre ne mentait pas mais les autres sources (voir par exemple : Henri Nicolle, Le château de Maisons : son histoire et celle des principaux personnages qui l'ont possédé, 1858, Paris, Ledoyen et dans un style parfois emphatique Georges Darney, Monographie de Maisons-Laffitte, 1895) ne mentionnent pas ce magot.
On a pu faire des descriptions enthousiastes du territoire sur lequel le château a été construit, entre la Seine et la forêt, comme Henri Nicolle en 1858 :
Le site présente de nombreux avantages, dont une proximité avec le château royal de Saint-Germain-en Laye où la cour se rend fréquemment. René de Longueil pouvait espérer recevoir le roi, signe de prestige. C’est chose faite en avril 1651, « le roi, la reine et leur suite s’en allèrent dîner » dans « la plus belle des Maizons / dudit président de Maizons », la fête semble avoir été somptueuse, d’après le récit qu'en fait Loret dans La Muze historique.
Au moment de la construction du château de Maisons, René de Longueil est en effet un personnage important du royaume à la carrière brillante : président de la cour des aides en 1630, président à mortier en 1642, puis surintendant des finances en 1650. Il est ambitieux et veut profiter de la construction de son nouveau château pour afficher sa réussite ; c’est également un homme de goût : lorsqu’il choisit François Mansart en 1640, la réputation de l’architecte n’est plus à faire ; il a déjà bâti le château de Berny (1623-1627), le château de Balleroy (1631-1637), l’hôtel de la Vrillière à Paris (1635-1650) et le corps neuf du château de Blois (1635-1638) ainsi que l’église du Val-de-Grâce.
Le dispositif paysager dans ses premières années
Le château est achevé en 1646. En 1658, Maisons est élevé en marquisat et Mansart fait bâtir de grandes écuries, réputées magnifiques, aujourd’hui détruites. Des pavillons d’entrée sont édifiés vers 1660 et monumentalisent l’accès au domaine. Des travaux à l’intérieur du château sont également réalisés dans ces années.
Notre connaissance des jardins de Maisons dans leur premier aménagement est assez mince. Les sources sont peu nombreuses : il y a en particulier un poème en latin de 1643, intitulé Maesonium, composé par Ravaud. Nous savons que le château était disposé sur des terrasses le protégeant des crues du fleuve, et ordonnait le paysage autour de lui. Les vues du château faites au XVIIème ou au XVIIIème siècle (par exemple la vignette sur le plan de Paris dressé par Jacques Gomboust en 1652) donnent à penser l’étagement qui mettait alors en valeur le château qui surplombait tout un site : fleuve, forêt, village, garennes,...
Les jardins autour du château correspondent à ce qui sera appelé plus tard le Petit Parc. D’une trentaine d’hectares, il se situe autour du château. À l’époque de René de Longueil, ces jardins s’organisent vraisemblablement en parterres carrés. Le reste du domaine, qui sera par la suite nommé Grand Parc, s’étend au nord sur près de 300 hectares. Il est alors mis en garenne, planté de vignes et d’arbres, parcouru de chemins.
On conserve une représentation du château sur un plan de la forest de Laye et le Parc attaché aux deux Chasteaux de St Germain de 1668 On reconnaît davantage l’idée d’un château que l’architecture de Mansart. Des jardins, on n’a que quelques arbres dispersés. Le château n’était pas le sujet de cette carte.
Quelques années plus tard, sur un plan manuscrit de la forêt, l’allée plantée qui mène au château est le seul élément lisible :
René de Longueil meurt en 1677. Jusqu’en 1731, le château appartient à ses héritiers directs, d’abord son fils aîné, Jean, puis son cadet, Claude, puis le fils de ce dernier, Jean-René. À la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe, le château est entretenu et ses abords aménagés. Les cartes de cette époque en témoignent.
Ainsi sur la carte de la forêt levée en 1704 par Nicolas de Fer, le château organise tout un territoire agro-économique autour de lui : des chemins mènent au village de Maisons, puis aux villages à proximité de Saint-Germain, une longue allée plantée mène à la forêt, un bac relie la rive gauche à la rive droite, où une allée plantée mène à Paris. Il y a à Maisons des vignes, des champs, des garennes, des futaies. Le Parc de Maisons ne semble pas encore avoir été planté entièrement en forêt, cela se fera progressivement tout au long du XVIIIe siècle.
Il existe plusieurs versions de cette carte gravée. Sur l’une d’elles, des traits de plume semblent placer des troupes à proximité du fort Saint Sébastien, dont la légende indique qu’il fut construit en 1670. C’était un fort d’entrainement des armées de Louis XIV.
Le château et la Seine
A proximité de la Seine, le château vit au rythme du fleuve : le bac installé à Maisons est représenté sur presque toutes les cartes, ainsi que son moulin.
Sur une carte de la fin du XVIIIe siècle conservée à la Bibliothèque Historique de la ville de Paris, une vue du château depuis la rive droite de la Seine donne à voir toute l’activité fluviale qui existait : le moulin, le bac, le halage.
Bibliothèque historique de la ville de Paris
Certaines cartes ont été faites pour rendre compte des particularités de la navigation, ainsi celle du cours de la Seine de Delagrive en 1730, annotée et accompagnée d’une description.
Le bac laissera place à un pont, projeté sous l’Empire, comme le montre cette carte du projet d’une route de Paris à Rouen et finalement construit dans les années 1820 :
Le pont de Maisons est achevé en 1822. La première carte à en rendre compte est peut-être celle dressée par A.-H. Brué en 1823. C’est l’une des rares cartes sur laquelle coexistent le bac et le pont :
Dans un second billet, nous suivrons l'évolution du parc au cours du XIXe siècle.
Ajouter un commentaire