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Charles-Marie de La Condamine (2/2)

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22 mars 2024

Si, en 1743, Godin reste au Pérou pour occuper la chaire de mathématiques à l’Université de Lima, si Bouguer rentre en France dès janvier, La Condamine, quant à lui, décide de rester au Pérou afin de descendre l'Amazone.

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Carte du cours du Maragnon ou de la grande route des Amazones dans sa partie navigable depuis Jaen de Bracomoros jusqu'à son embouchure et qui comprend la Province de Quito, et la côte de la Guiane depuis le Cap de Nord jusqu'à Essequebè / levée en 1743 et 1744 et assujetie aux observations astronomiques par M. de La Condamine ; G. N. Delahaye sculpsit

La Condamine part le 11 mai 1743  de Cuenca (au sud de Quito sur la carte ci-dessus) pour rejoindre Jaèn (au sud de Cuenca sur la carte) située sur le Río Amojú, un affluent du Río Marañón. Ce dernier rejoint et fusionne avec le Rio Ucayale (ou Ucayali), près de Yameos (à l’est de Jaèn sur la carte) près de la ville actuelle de Nauta, dans la région de Loreto, en Amazonie péruvienne. Ensemble, les deux rivières donnent naissance à l'Amazone, que la Condamine va descendre jusqu’à son embouchure dans l’Atlantique, pour rejoindre Para (aujourd’hui Belém du Pará). De là, il gagne Cayenne, en Guyane française, où il arrive le 26 février 1744 et où il effectue notamment de nouvelles mesures géodésiques et des relevés cartographiques des côtes de la région. Puis c’est le Surinam hollandais où il embarque pour Amsterdam. Il arrive enfin à Paris le 23 février 1745, près de dix ans après son départ de La Rochelle, dans ce qui reste le premier voyage scientifique français en Amérique latine.

Carte du Détroit appelé Pongo de Mansériché dans le Maragnon ou la Rivière des Amazones entre Sant-Yago et Borja où le lit du fleuve se rétrécit de 250 toises à 25 toises, 1745

Le voyage de Quito à Cuenca, puis jusqu’à Para, par terre et par les différentes rivières se fait dans des conditions de terrain et de climat difficiles, sur des embarcations de type pirogue ou radeau. Toutes ces péripéties sont relatées dans Relation abrégée d’un voyage fait dans l’intérieur de l’Amérique méridionale, […] en descendant la rivière des Amazones […]. L’Abbé Delille en fera un récit épique dans son discours de succession à La Condamine à l’Académie royale des sciences de Paris. Au cours de ces dix années d’aventures passées en Amérique latine, La Condamine rapporte non seulement de nombreux résultats astronomiques, mathématiques ou de physique, mais aussi de multiples observations ethnographiques et des études sur la faune et la flore, ainsi qu’une cartographie riche et détaillée des régions explorées.

Quinologie des quinquinas, 1854. (Coll. Bibliothèque HIA Sainte-Anne Toulon)
Médecine tropicale, 01/10/2008

Parmi ces apports, mentionnons la description du quinquina, un arbre dont est extraite la quinine, mais dont il ne put ramener en France ni graines ni plants. Cet arbre fut découvert par Joseph de Jussieu, botaniste de l’expédition, qui ne put faire paraître son mémoire écrit en 1737, avant la mention par La Condamine en 1745, car il resta jusqu’en 1771 en Amérique latine et rentra très affaibli en France (il faudra attendre 1936 pour que ce mémoire soit édité). La Condamine ramène également l’arbre à caoutchouc dont parle Buffon, ainsi que des flèches empoisonnées avec du curare, qu’il nomme poison des Ticunas, du nom d’un des peuples amérindiens rencontré. Finalement, Il rentre à Paris avec de très nombreux objets d'histoire naturelle, qu'il offre à Buffon. Observateur insatiable de la nature, La Condamine décrit et fait découvrir aux Européens de nombreux animaux peu connus, dont le colibri de Quito, le condor des Andes, le mico d’Amazonie, le lamantin d’Amérique, le jaguar du Brésil, l’oiseau trompette de Guyane et le tapir.

[Le Mico.] : [dessin] / De Sève. 1764

Autres apports et contributions honorifiques

Après son retour d’Amérique et au cours de ses vingt-neuf dernières années de vie, La Condamine ne cesse jamais de voyager, d’explorer, d’assouvir sa soif de connaissances et de mettre tout son savoir au service des sciences pour les rendre utiles au plus grand-nombre. Lors de son séjour en Italie en 1754-1755, il est à Pise pour l'éclipse de Lune du 27 mars 1755. Il y mesure le défaut d'aplomb de la tour de Pise qu’il évalue à treize pieds de Paris, soit à un peu plus de quatre mètres. Puis, à Florence, il s'intéresse à la restauration de la méridienne de la cathédrale Santa Maria del Fiore, par l'astronome Leonardo Ximenes. Il s'agit d'une ouverture circulaire sur le dôme de la cathédrale, qui donne une image du soleil sur la ligne méridienne tracée par une bande de marbre du pavement, et sert à déterminer les points solsticiaux et les variations de l'écliptique.

 [Illustrations de Nouveau voyage d'Italie] / [Non identifié] ; Maximilien Misson, aut. du texte, 1731

Un des buts principaux de ce voyage en Italie est de demander une bulle au Pape, en faveur de l’inoculation de la variole ou petite vérole, une maladie qui l’a atteint dans sa jeunesse, lors de sa courte carrière militaire. Depuis de nombreuses années, La Condamine, est en faveur de l’inoculation de la variole, un traitement préventif à la maladie, défendu en Angleterre par la Royal Society de Londres au début du 18ème siècle et pris en considération après une intense campagne de divulgation par Lady Mary Wortley Montague. L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, dans son édition de 1778, consacrera 40 pages à l’inoculation et en fera « la plus belle découverte qui ait été faite en médecine », faisant honneur à tous ses premiers défenseurs. On retrouve la ferveur et la volonté de la Condamine dans la défense, la divulgation publique et la mise en œuvre de ce traitement, ancêtre de la vaccination, dans plusieurs documents dont :

Mémoires sur l'inoculation de la petite vérole, lus aux assemblées publiques de l'Académie des sciences, les 24 avril 1754 et 15 novembre 1758 / par M. de La Condamine, 1763

Suite de l'Histoire de l'inoculation de la petite vérole [par C.-M. de La Condamine] depuis 1758 jusqu'en 1765. 3e mémoire

Lettres de M. de La Condamine à M. le Dr Maty sur l'état présent de l'inoculation en France...,1764 

Mémoires de l'Académie des sciences, agriculture, commerce, belles-lettres et arts du département de la Somme, 1910

[Bras d'un enfant auquel on a inoculé le virus de la variole. Présence de pustules], 1798
(image BIU Santé)

De son temps, La Condamine est honoré pour sa vie et ses travaux, en étant membre de l’Académie royale des sciences de Paris, de l’Académie française, de la Société Royale de Londres, des Académies de Berlin, de Saint-Pétersbourg, de Bologne, de Cortone, et de l’Académie de Stanislas à Nancy. Infatigable travailleur, il participe aussi à L’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, tout en continuant à écrire de la poésie, dont on trouve trace de l’écriture d’un couplet qu’il fait à un ami sur l’opération qui entraînera deux jours plus tard son décès, le 4 février 1774.

Laissons le dernier mot à Buffon dans sa réponse au discours  de La Condamine le jour de sa réception à l’Académie française, en janvier 1761 

Avoir parcouru l’un et l’autre hémisphère, traversé les continents et les mers, surmonté les sommets sourcilleux de ces montagnes embrasées où des glaces éternelles bravent également et les feux souterrains et les feux du midi, s’être livré à la pente précipitée de ces cataractes écumantes, dont les eaux suspendues semblent moins rouler sur la Terre que descendre des nues, avoir pénétré dans ces vastes déserts et dans ces solitudes immenses, où l’on trouve à peine quelques vestiges de l’homme, où la nature, accoutumée au plus profond silence, dut être étonnée de s’entendre interroger pour la première fois ; avoir plus fait, en un mot, par le seul motif de la gloire, que l’on ne fit jamais par la soif de l’or : voilà ce que connaît de vous toute l’Europe, et ce que dira la postérité »

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