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Rire de l’organisation du Salon et de ses protagonistes

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Les salons comiques et caricaturaux, genre satirique en vogue à partir des années 1840, prennent pour cible, outre les œuvres, tous les aspects de l’organisation et du déroulement du Salon : préparatifs et indiscrétions, sélection par le jury, dépôt des œuvres, accrochage, vernissage, ainsi que les divers protagonistes. Allons donc rire au Salon…

Le Salon de 1868. L'Image. 1868, 10 mai

 

Un dépôt des œuvres périlleux

Le Salon, c’est tout d’abord un immense convoiement d’œuvres, de toutes tailles, qui convergent vers les salles d’exposition… La précipitation et les embarras du transport des tableaux, les embouteillages et les aléas rencontrés par les commissionnaires, entraînent parfois de fâcheuses conséquences pour les œuvres. L’arrivée dans la cohue est elle aussi propice à scènes prêtant à rire.

 

 

 

Un vernissage pittoresque

Précédant l’ouverture au public, au jour du « vernissage », réception d’inauguration du Salon et de découverte de l’accrochage des œuvres, se presse une foule sélectionnée d’artistes, de critiques et de visiteurs pour ce très grand évènement mondain. Les artistes sont autorisés à apporter de dernières retouches à leurs œuvres et à les vernir in situ.

 


Répétition générale du Salon : le vernissage. Zigzags à la plume à travers l'art. Paris : Vve Cadart, 1876

 

 

Un accrochage toujours contesté par tous

L’accrochage des tableaux sur les cimaises, question sensible, est immanquablement contesté par tous, artistes, visiteurs… et constitue aussi un thème privilégié de moquerie dans les salons caricaturaux.
Le grand nombre de toiles exposées, les cimaises trop chargées du sol au plafond, sont sans cesse objets de critiques, l’opinion généralement admise étant que la quantité nuit à la qualité. Les caricaturistes imaginent des solutions pour parcourir ces kilomètres de peintures sans trop de fatigue... vélocipède, patins à roulettes, chemin de fer de ceinture…

 

 

Un autre reproche constamment exprimé est celui d’une visibilité difficile. Certaines peintures sont accrochées si haut, ou si bas, qu’il faut recourir à des stratagèmes pour les voir… Là aussi les caricaturistes proposent des solutions….

 

 

Les problèmes de visibilité sont aussi dus, au manque d’éclairage qui laisse certaines toiles dans l’ombre…, tout comme à l’excès de lumière qui provoque des reflets.
 
  
Le Salon caricatural, critique en vers et contre tous... Paris : Charpentier, 1846.
Le Salon de 1857 / Cham. Paris : Le Charivari, A. De Vresse. 1857
Le Charivari, 1845, 19 avril

 

Les erreurs d’accrochage ou de numérotation des œuvres (les portraits en particulier), sont aussi une source infinie de plaisanterie On rit aussi des voisinages déconcertants et désobligeants d’œuvres en tout dissemblables, et des réactions du public qui les découvre.

 

 

Le caractère précieux et imposant et pompeux de l’encadrement des tableaux, est aussi moqué.

Un jury à la légitimité remise en cause

Depuis la fin de l’Ancien Régime, c’est un jury qui est chargé de la sélection des œuvres qui seront exposées au Salon. Tout au long du XIXe siècle, on conteste à la fois sa nécessité, sa composition, sa compétence, ses critères de jugement, son intransigeance, ainsi que le tout le fonctionnement du système académique et le goût qu’il impose.

En voici quelques exemples éloquents :
« Tribunal sans Appelles » (référence au peintre grec de l’Antiquité),
« Jury travaillant au classement des œuvres d’art. » :

 

Ce jury est réputé aveugle…     âgé…   terrifiant…        hostile à la modernité…

  
Le Salon de 1847 / ChamLe Charivari, 1er avril 1847
Le Salon caricatural, critique en vers et contre tous. Paris : Charpentier, 1846
Salon de 1868 / Cham. Paris : A. de Vresse, [1868]
 

 

Des gardiens aux aguets

Les gardiens, personnages indispensables au bon déroulement du Salon et acteurs immuables de celui-ci, sont très souvent représentés par les caricaturistes : féroces, en proie à l’ennui, assoupis, aux prises avec des situations cocasses et des comportements inappropriés de visiteurs ou d’artistes…

 

 

Ils sont aussi les premiers témoins des réactions du public, comme l’évoquent ces fictifs et humoristiques Mémoires d’un gardien du Salon, (et suite) parus dans La Caricature en 1883.

Les trois états de l’artiste : exempt, refusé, reçu

Le nombre d’artistes augmente considérablement au cours du siècle, ils sont donc toujours plus nombreux à présenter leurs œuvres au jury dans l’espoir d’être admis, alors que le Salon représente un enjeu considérable pour la réussite d’une carrière. Du rapin (artiste débutant ou artiste médiocre), à l’Académicien de l’Académie des beaux-arts, au sommet du cursus honorum, ils peuplent les salles de l’exposition.

 

 

Si la composition du jury connaît des réformes au cours du siècle (et même l’absence de jury en 1848 et une composition du jury déterminée par les artistes en 1870), son existence entraîne une distinction en trois statuts pour les artistes : exempt, reçu ou refusé…

 


« Les artistes devant le jury ». Le Hanneton, 1867, 28 mars

 

Les artistes « exempts » qui ont le privilège de pouvoir exposer sans être soumis à l’épreuve du jury d’admission sont les académiciens et les médaillés des salons antérieurs. Ces exempts sont souvent jalousés.

 


Le Salon de 1863 et son sous-sol dépeints par Bertall. Le Journal amusant, 1863, 30 mai

 

Ce court Salon comique de Hadol, ci-dessous, présente une sélection d’œuvres, assez sanglantes, du Salon de 1874, encadrées par des bustes d’un artiste reçu au Salon et d’un artiste refusé :

 

 

Les nombreux artistes refusés cherchent une raison à leur échec. Ils l’attribuent à la laideur du modèle, à une maladresse de présentation…

 

 

à des raisons politiques…

 

Ils s’enquièrent de la recette pour être admis, du succès de leur œuvre devant le jury, et font l’objet d’une bien faible considération sociale….

 

  
Le Salon de 1857 / Cham. Paris, Le Charivari, A. De Vresse, 1857
Le Salon de 1869 charivarisé / Cham, 1869
Salon de 1868 : album de 60 caricatures / Cham. Paris : A. de Vresse, [1868]
 
La condition matérielle de l’artiste est souvent très difficile au XIXe siècle, être sélectionné pour exposer au Salon est donc incontournable et indispensable. En 1863, le nombre de refusés est tel, qu’un Salon des refusés est organisé. Puis la disparition progressive du système académique et l’augmentation du nombre de marchands et galeries rendra cette lutte pour l’admission au Salon moins cruciale.
 

 
Les exposants, reçus exempts ou reçus après avoir bravé le jury, hantent les salles du Salon, formant une foule bigarrée aux comportements divers :

 

 

On les représente cherchant à tout prix à attirer l’attention du public sur leur œuvre…
…on moque leur vanité, leur prétention…

 

…leur arrogance, leur propension à dénigrer leurs confrères, leurs plaintes constantes au sujet de l’accrochage, leur tendance à rendre critiques et public responsables de leur échec…

 

 Artistes ! Acceptez que l’on rie de vous !


Revue charivarique du salon de 1846 / Cham . Le Charivari, 1846, 17 avril

 

A suivre prochainement… 
Salons caricaturaux. 8, Rire aux dépens des critiques et des visiteurs du Salon
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