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Le ricin

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20 novembre 2023

Le ricin est une plante facile à cultiver. Elle offre un effet ornemental remarquable avec son feuillage rouge pourpre très agréable à regarder ! Attention toutefois à sa beauté redoutable, aurait-elle un secret à nous cacher ?

Johann Wilhelm Weinmann, Phytanthoza-iconographia, sive Conspectus aliquot millium tam indigenarum quam exoticarum, Ratisbonne, 1737-1745

De son nom scientifique Ricinus communis – un nom lui venant de la ressemblance de sa graine avec la tique – le ricin commun est originaire d’Afrique tropicale et appartient à la famille des Euphorbiacées. Il est arborescent et vivace sous les climats chauds et même tempérés, mais ne supporte pas les gelées hivernales. Il peut atteindre 5 mètres de haut en France et jusqu’à 14 mètres dans les régions tropicales. Il possède de longues feuilles palmées vertes ou pourpres selon la variété, qui peuvent atteindre 20cm de diamètre.

Les fleurs sont situées à l'extrémité des rameaux et forment des grappes, en haut les fleurs femelles, vertes à pistils rouges et en bas les fleurs mâles, ensemble d'étamines jaunes : c’est donc une espèce dite monoïque, c’est-à-dire qu’un même pied porte à la fois des fleurs mâles et femelles. Les fruits sont des capsules tricoques hérissées et à pointes molles. Les graines, de couleur marron clair, striées de marron foncé, contiennent entre 40 et 60 % d'huile riche en triglycérides, principalement la ricinoléine.

La totalité de la plante est toxique, en raison de la présence d'une lectine glycoprotéique, appelée ricine par le chimiste allemand Hermann Stillmark en 1888, et dont la concentration est maximale dans les graines. Ce qui n’est pas le cas de l’huile qui en est extraite, en raison de la propriété hydrosoluble de la ricine : cette dernière n’est donc pas présente dans l’huile.  Après broyage des grains et extraction de l’huile, la ricine se trouve dans le tourteau résiduel dont elle peut alors être facilement isolée. Pourtant, si l’huile est insuffisamment purifiée, elle peut contenir des concentrations importantes de ricine. Elle reste l’un des poisons naturels les plus mortels au monde.

L’utilisation de l’huile de ricin est mentionnée pour la première fois dans les papyrus médicaux de l’ancienne Egypte. Le papyrus Ebers, à ce jour le traité médical le plus ancien qui nous soit parvenu et daté du 16e siècle av. J.-C., met déjà en avant les vertus de cet arbuste, nommé « kiki ». On l’utilisait principalement, comme combustible pour l'éclairage, comme purgatif ou encore comme soin capillaire. En 2016, une équipe de scientifiques a découvert un atelier d’embaumement, datant de l’an 664 à 525 avant av. J.-C., où ont été mis au jour des résidus d’huile de ricin, utilisée pour oindre les bandelettes lors de la momification.

L’embaumement de Jacob [Genesis Cap. L. v.2.3. Jacobus aromate conditus], dans Jean-Jacques Scheuchze, Physique sacrée, ou histoire naturelle de la Bible, P. Schenk et P. Mortier, Amsterdam, 1732.

Hérodote, Diodore ou encore Pline en font également mention. Aujourd’hui, elle est utilisée partout dans le monde, principalement pour ses propriétés cosmétiques, antibactériennes, antifongiques ou encore anti-inflammatoires.

Ricin : différents types de graines / Institut national d'agronomie coloniale, 1930.

La toxine contenue dans les graines de la ricine constitue, comme certaines toxines bactériennes, un outil potentiel du bioterrorisme. Vers la fin de la première guerre mondiale, les Etats-Unis avaient pour projet l’utilisation de la ricine comme arme de guerre sous le nom de code « W ». Une collaboration avec les Britanniques leur permit de mettre au point au cours de la seconde guerre mondiale une bombe « W », mais celle-ci ne fut jamais utilisée. Digne des plus grands romans d’espionnage, l’empoisonnement à la ricine est responsable de l’assassinat en 1978 du dissident bulgare Georgi Markov. Journaliste à la BBC, il fut empoisonné par cette toxine au moyen d’un parapluie trafiqué et en mourut trois jours plus tard. Cet épisode est resté célèbre dans les annales de la police londonienne sous le nom de « parapluie bulgare ».

ricin_mnhn_1.jpg

Ricinus Americanus, Robert (Nicolas), Portefeuille 60, folio 45
Muséum national d'histoire naturelle (Paris) - Direction des bibliothèques et de la documentation

Pourtant, sa qualité de poison confère également à la ricine des propriétés anticancéreuses qui ont été exploitées ces dernières années dans la recherche contre le cancer. L’une des utilisations les plus prometteuses est la production d’immuno- toxines : des anticorps contre les cellules d’une tumeur sont attachés à la ricine. Cette méthode permet d’amener la toxine directement sur le site de la tumeur chez un patient cancéreux. Ainsi, la ricine peut détruire les cellules cancéreuses sans endommager les cellules saines du patient. Une véritable « torpille » miniature qui permettrait d’atteindre les cellules métastasées ou de pénétrer à l’intérieur de tumeurs solides inopérables.

L’utilisation de l’huile de ricin et ses dérivatifs ne s’est en outre pas limitée à la période antique. La plante possède aujourd’hui un nombre impressionnant d’applications : lubrifiants industriels, savons, vernis, peintures, nylon, pommades contre les coups de soleil ou les plaies ouvertes, cosmétiques et même gelées contraceptives pour n’en citer que quelques-unes. L’huile de ricin est ainsi l’une des huiles végétales industrielles les plus cultivées au monde. Finalement, n’est-ce pas un poison qui nous veut du bien ?

Pour poursuivre l’enquête :

https://www.science-et-vie.com/science-et-culture/une-etude-revele-les-ingredients-necessaires-a-la-conservation-des-momies-98487.html

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