Charles-Marie Flahault : de Montpellier au Mont Aigoual
A l’occasion de son cent soixante-dixième anniversaire, rendons hommage à l’un des grands botanistes français, Charles-Marie Flahaut (1852-1935), au travers de deux de ses apports majeurs : l’Institut botanique de Montpellier et le reboisement du Mont Aigoual.
Né le 3 octobre 1852 à Bailleul, Charles-Marie Flahault entre au Jardin des plantes de Paris en 1872 comme jardinier. Il y suit l’enseignement de Joseph Decaisne, titulaire de la chaire de culture, qui remarque son sérieux, son assiduité et son intérêt pour la botanique. Puis en 1874, il est admis à la Sorbonne où, sous l’égide de Philippe Van Tieghem, il mène des études de biologie végétale jusqu’au doctorat en 1878.
Nommé en 1875 préparateur de botanique à la faculté des sciences de Paris, il mène plusieurs missions de 1879 à 1880, en Norvège, Suède, Laponie et Angleterre et y fait la connaissance du botaniste Gaston Bonnier. A son retour, Flahault est répétiteur à l’Ecole pratique des hautes études de Paris. En 1881, il intègre la Faculté des sciences de Montpellier comme chargé de cours en botanique, puis comme professeur de botanique en 1883. Dès lors, il ne cesse de voyager, d’herboriser ou d’enseigner, participant à l’enrichissement des collections botaniques et à la formation d’autres botanistes. Tissant des liens aves d’autres universités, notamment scandinaves. Il est vice-président du premier congrès international de botanique en 1900 (puis président en 1905), membre titulaire de l’Académie des sciences de Paris en 1918 et réorganise la faculté des sciences de Strasbourg de 1919 à 1927.
L’institut botanique de Montpellier
L’une des œuvres principales de Charles-Marie Flahault est la fondation de l’Institut botanique de Montpellier, inauguré le 14 avril 1890. Il est situé dans une des parties attenantes au jardin des plantes, premier jardin botanique de France, créé en 1596 par Pierre Richer de Belleval.
Installé dans trois bâtiments mitoyens, l’Institut réunit les trois instituts de recherche sur la botanique relevant des facultés de médecine, pharmacie et sciences. Il regroupe locaux scientifiques, laboratoires et ateliers. Il permet à Flahault de rassembler en un seul lieu les différents herbiers universitaires et constitue ainsi le deuxième herbier de France après celui du Muséum national d'histoire naturelle, constitué de plusieurs millions d'échantillons à partir des collections des médecins Pierre Chirac et François Chicoyneau à la fin du XVIIe siècle. S’y ajoutent des collections iconographiques (dont les vélins du peintre François-Toussaint Node-Véran).
Esquisse d'une carte de la distribution des végétaux en France / par Ch. Flahault, 1901
Grâce à Charles-Marie Flahault, l’institut s’enrichit d’un nouveau domaine d’études scientifique : la phytogéographie (géographie botanique ou géobotanique). Au cours de ses nombreux voyages et collectes de plantes, il étudie la répartition des plantes à la surface du globe, et les causes de cette répartition, en relation avec les différents milieux de récoltes. Pour cela, il observe les relations existant entre les espèces végétales ou entre les végétaux et tous les autres organismes vivants, en fonction de critères géographiques (mer, campagne, montagne, reliefs), climatiques (température, hygrométrie, pluviométrie) ou géologiques (différents types de sols). Il suit les pas de Jean-Baptiste Lamarck, Augustin Pyrame de Candolle ou Alexander Von Humboldt et Aimé Bonpland. Il contribue à dresser en France les premières cartes phytogéographiques.
En 1922, Charles-Marie Flahault rencontre Henri Gaussen, de quarante ans son cadet, avec qui il arpente les Pyrénées et dresse les cartes du massif. Il effectue à pied, des relevés floristiques et écologiques dans le midi de la France et patronne des programmes de reforestation en lien avec la Commission départementale pour le reboisement de l’Hérault (CRH). Il guide des excursions d’herborisation au Mont Aigoual et dans les massifs proches de Montpellier.
L’institut de botanique de Montpellier, devenu trop vétuste, est démoli après la Deuxième guerre mondiale. Les collections, les laboratoires et les équipements sont transférés dans de nouveaux bâtiments.
Le reboisement du massif de l’Aigoual et l’arboretum de l’Hort Dieu
Carte du massif de l'Aigoual
Bulletin de la Société de topographie, 01-01-1939
Au milieu du XIXème siècle, le massif de l’Aigoual, à une soixantaine de kilomètres au nord de Montpellier, connaît érosion et fortes crues. Pour les combattre, Georges Fabre entreprend en 1865 la reforestation de 7100 hectares au sud du massif (versant méditerranéen). Pour cela, il faut installer des essences adaptées au milieu spécifique de plantation (sol, climat, altitude etc.), ce que Fabre ignore encore. Pour le reboisement, il décide de réinstaller les forêts originelles : des hêtres grandissant sous le couvert d’espèces pionnières se développant sans forêt. Mais les conditions météorologiques et climatiques de l’Aigoual mettent en échec les premiers essais de Fabre pour trouver ces espèces. Afin de mieux les cerner, George Fabre fait appel aux conseils de Charles-Marie Flahault, alors un des premiers à enseigner l’écologie forestière et à établir des liens forts et durables entre botanistes et forestiers. Il est reconnu comme un des pères de la phytosociologie, science écologique étudiant les communautés ou associations végétales (groupement de végétaux qui ont un aspect similaire et qui vivent dans des habitats similaires).
Massif de l’Aigoual. Une draille
Le Chêne : revue trimestrielle, 1er janvier 1934
Afin d’étudier les communautés végétales les mieux adaptées au massif de l’Aigoual, Flahault aménage un laboratoire expérimental avec un jardin botanique. Puis, avec Fabre, il développe ce jardin et en fait le premier arboretum du massif, celui de l’Hort-Dieu (du latin hortus Dei, jardin de Dieu). Ils font venir d’Amérique et du Japon des essences exotiques d’arbres afin d’étudier leur comportement et leur développement ; ils peuvent ainsi sélectionner les espèces limitant l’érosion des sols. Pour ce projet, l’Hort-Dieu présente une exposition plein sud, des précipitations annuelles suffisantes, et au carrefour des influences méditerranéennes et atlantiques. Neuf autres arboretums avec leurs pépinières et jardins botaniques seront installés sur l’Aigoual ainsi qu’un observatoire météorologique dédié en 1883 pour assister les domaines agricoles et forestiers (c’est le seul de ce genre encore en activité en France de nos jours). Cependant, le reboisement avec des résineux s’avère moins résistant aux incendies. Il faut donc associer plusieurs espèces pour tenir compte de tous les paramètres environnementaux et climatiques. Jusqu’en 1914, la forêt de l’Aigoual, passe de 111 à plus de 12 000 hectares. Cela permet de minimiser les grandes crues régionales comme celle de 1890. Vers 1910 Flahault est un des partisans de la création de parcs nationaux qui permettront d’étudier in-situ et à plus grande échelle les meilleures méthodes de reboisement.
Le botaniste Ch. Flahaut dans les bois
Causses et Cévennes : Club cévenol : revue trimestrielle illustrée, janvier 1937
Jusqu’à la fin de sa vie, Charles-Marie Flahault demeure très actif à l’Institut de botanique de Montpellier et dans les comités de reboisement du Languedoc . Il continue d’emmener instituteurs et étudiants dans les garrigues et les massifs. «J’espère bien mourir au travail. Moyennant quoi, je demeure gai et alerte», disait-il en 1928. Il fait un dernier voyage au Maroc en 1927-1928 et décède à Montpellier le 3 février 1935. Un monument lui rend hommage au cœur de l’Aigoual.
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