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Primitivismes

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20 janvier 2023

Le cycle L’art en histoires proposé par le service Art de la Bibliothèque nationale de France propose de questionner les identités artistiques. La conférence du 25 janvier 2023, animée par Philippe Dagen, critique d’art et professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, reviendra sur les mouvements artistiques et intellectuels européens qui font écho aux cultures africaines, amérindiennes, eurasiatiques et océaniques, autour de la notion de primitivisme.

Paul Gauguin, Noa Noa, bois dessinés et gravés, d'après Paul Gauguin, par Daniel de Monfreid, Paris : éditions G. Crès et Cie, 1924, p. 29.
 
Pour revenir sur le terme de « primitivisme », qui considère, en histoire de l’art, les créations culturelles produites par les peuples dits « sauvages », il faut inclure également dans cette expression l’art des enfants, des fous, ou encore des préhistoriques et des rustiques, selon Philippe Dagen. Dans tous les cas, la prise en compte de ces formes de création dites « primitives » implique un croisement de l’anthropologie, de l’ethnographie, de l’archéologie, de la psychiatrie, de la psychanalyse et de l’histoire de l’art. 
 

Exposition d'art africain et d'art océanien, Paris, Galerie Pigalle, 1930.
 

Ainsi, depuis les débuts de la modernité, plusieurs critiques d’art et artistes se sont intéressés à ces formes de culture non-occidentales et non-académiques, découvrant de nouvelles formes et matérialités qui vont contribuer à renouveler les langages artistiques. C’est le cas du cubisme, du surréalisme et du fauvisme, dont les représentants majeurs ont ouvert leurs sources d’inspiration au contact de l’anthropologie. Il faut se rappeler que dans la France des années 1920, le public découvrait les arts d’Afrique et la mode « nègre », notamment les spectacles de Joséphine Baker.


Jean Chassaing, Joséphine Baker, 1931

   
À la même époque, dans l’Allemagne d’avant 1933, le primitif est exploré par de nombreux peintres, critiques d’art et collectionneurs, notamment par l’historien d’art Carl Einstein, qui a introduit les arts d’Afrique :

     
D’autres critiques et historiens allemands publient des ouvrages au début des années 1920 pour faire connaître cet art d’Afrique ou d’Océanie. Des théoriciens évoquent également les arts non-européens comme Herbert Kühn, qui publie en 1923 Die Kunst der Primitiven et se réfère aux œuvres de Picasso, Delaunay, Klee et Kandinsky. Enfin,  l’ouvrage Exotische Kunst. Afrika und Ozeanien publié par Eckart von Sydow en 1921 attire l’attention des surréalistes et propose une nouvelle approche des théories psychanalytiques autour des totems et statuettes non-occidentales :

   
Dès lors, le surréalisme s’applique à réécrire l’histoire des civilisations dans des revues, telle Minotaure, comme dans des expositions, notamment sous l’impulsion de Tristan Tzara, Max Ernst, André Breton, Alberto Giacometti et Michel Leiris.


Minotaure : revue artistique et littéraire, Paris, Editions Albert Skira, 1934

   
Ces premières formulations du primitivisme sont le fait de critiques d’art, d’historiens et d’ethnologues, mais aussi de poètes et d’artistes, comme Apollinaire et Picasso, qui s’emploient à faire connaître les arts d’Afrique, parallèlement au récit des premières avant-gardes artistiques. Derain, Picasso, Matisse et Braque sont en effet les premiers à s’être intéressés à la plasticité des objets d’art africains.


Mémoires de l'Académie nationale de Metz, Metz : Lamort, imprimeur de la société, 1998, p. 132.

   
Durant cette période, des artistes quittent la France à destination de l’Amérique et renouvèlent leur relation au primitif au contact des cultures indiennes de la côte nord-ouest et des réserves du sud-ouest des États-Unis. Ils y découvrent les masques et objets ornés amérindiens ou encore les cultures des indiens Hopis et des Zunis.


"Peaux-Rouges", album de 41 phot. d'Indiens d'Amérique du Nord en 1884, avec indication de leurs noms. Collections anthropologiques du prince R. Bonaparte, 1884.

   
Max Ernst accroît ainsi sa collection de poupées katchinas durant son séjour aux États-Unis, qui inspireront ses peintures, comme La Planète affolée (1942) ou Le roi jouant avec la reine (1944). Ces masques et statues de bois ou katchinas inspirent également Dorothea Tanning et servent à des performances primitivistes, tandis qu’en 1945, André Breton visite les réserves indiennes d’Arizona et du Nouveau-Mexique en compagnie d’Elisa.


Max Ernst, Le roi jouant avec la reine, dans Bulletin de la Société des amis du Vieux Chinon, Chinon, 2007, p. 55.

   
Parallèlement à ces publications et à cet intérêt partagé par des peintres pour les cultures non-européennes, des galeries d’art proposent des expositions de ces collections dès les années 1920. La presse quotidienne s’en fait l’écho, notamment à l’occasion des expositions de la galerie Pigalle.


Exposition d'art africain et d'art océanien, Paris, Galerie Pigalle, 1930.

    
Dès lors, si la supériorité de l’art occidental et des maîtres anciens est encore partagée, il ne fait pas de doute que les cultures primitives et les formes d’expression artistiques non-occidentales prennent une place plus large et apparaissent dans les récits du primitivisme, notamment avec Paul Gauguin. Au final, les primitivismes de Dada et du surréalisme sont aussi le manifeste d’une révolte politique et artistique. Le primitif est une arme qui permet d’ébranler l’ordre social et les repères bourgeois.
 

Pour aller plus loin :

Commentaires

Soumis par Dominique Branger le 06/02/2023

C.est tout simplement génial de trouver des pages internet comme celle-là. Je l’ai trouvé grâce a la newsletter BNF. J’adore. Merci !

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