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Zoonoses ou les liaisons dangereuses : le typhus

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Médiatisé par la pandémie de Covid 19, le terme "zoonose" est imaginé par le médecin prussien  Rudolf Virchow (1821-1902). Du grec zôon (animal) et nosos (maladie), le mot désigne une maladie ou infection qui se transmet des animaux à l’homme et vice-versa. Selon une vision anthropocentrée, les animaux hébergeant des micro-organismes (bactéries, virus, parasites...) sont accusés d'être à l'origine, voire de propager, certaines maladies contagieuses, comme le typhus.

Typhus, ce nom seul est un cauchemar !

Le typhus (du grec τῦφος tuphos: « stupeur, torpeur ») désigne plus particulièrement le typhus exanthématique (appelé aussi pétéchial à cause des taches rougeâtres qui peuvent se montrer sur la peau au cours de son évolution), transmis par le pou de corps, et le typhus murin, transmis par la puce du rat. Il s'agit d'infections provoquées par les bactéries de la famille des rickettsies.
Lorsque la maladie apparaît, elle se caractérise par l'abattement et une certaine expression du regard qui donne à l'animal un air sombre; sa tête est tendue, fixe, portée bas, le dos voûté, le poil terne, la peau couverte de sueur.

Avant que les travaux de Pasteur n'ouvrent les voies de l’antiseptie, la propagation du typhus était facilitée dans toutes les agglomérations malpropres. Appelée fièvre des vaisseaux, fièvre des camps, fièvre des prisons, elle touche principalement les lieux confinés où se rassemblent une population fragilisée car précaire et sous-alimentée.

La maladie paraît être connue depuis l’Antiquité, comme en témoigne la présence de poux sur des cadavres de pharaons momifiés dans l'ancienne Égypte. Au XVème siècle, Frascator, médecin italien du XVIème siècle, en donne une définition claire.
Dans toutes les guerres de ces époques, le typhus exanthématique cause des ravages effroyables parmi les blessés.
Le typhus est la cause d'un grand nombre de morts. Il oblige les généraux à modifier leurs plans de bataille. Charles Quint doit lever le siège de Metz, en 1552. Au dix-septième siècle, pendant la guerre de Trente ans, il décime les armées et les habitants des villes.
L’épidémie la plus terrible enregistrée est sans doute celle de Leipzig, pendant la campagne de Bonaparte. On compte jusqu’à 14 mille morts sur 20 000 malades.
Pendant la campagne de France, en 1814, l'évacuation par l’eau des malades chargés sur des bateaux provoque de nouveaux foyers d'infection et de contagion. C'est ainsi que la maladie gagne Rouen et Tours, où 860 malades meurent à l'hôpital.

Avec le vent Nord, nous avons aussi le typhus ! Le typhus à Paris !

La Russie paye un lourd tribu à la maladie. Dès l'automne 1914, l'armée puis la population civile sont contaminées. On estime qu'en 1919-20, il y a deux à trois millions de décès dus au typhus.


Transport des victimes du typhus / Agence Meurisse - 1915

Pour éviter la maladie, des mesures d’hygiène s’imposent : l’épouillage et l’activité physique !


Conférence sur le typhus de Madame Delanöe à Mazagan. In : Le Petit Marocain, 16 mai 1938

Les traitements sont variés. Des médecins s'appuyant sur les travaux d’Hippocrate et d’Avicenne font manger les malades à cause de leur grande faiblesse. D'autres, prétendant que la maladie s'accorde mal avec un état de plénitude, prescrivent au contraire une diète sévère. On tente de généreuses saignées mais comme elles tuent de très nombreux malades, on s'abstient.
En 1909, Charles Nicolle découvre la transmission du typhus par des arthropodes (poux, puces, tiques, etc.). Dans les années 1930, Rudolph Weigl développe un vaccin. Il est utilisé un certain temps mais il est difficilement applicable. En effet, il faut tout d’abord constituer un élevage de poux, les nourrir deux fois par jour.  Puis, les Rickettsias (ou Rickettsies) sont injectés aux poux, par l’anus.  Les intestins sont par la suite broyés. Avant la vaccination, la virulence des Rickettsias est atténuée avec de l'acide phénique. Mais pour procéder à la vaccination complète d'un seul sujet, environ 90 intestins de poux sont nécessaires.
Paul Giroud développe alors l'idée suivante : propager les bactéries de typhus sur des poumons de lapin. Les recherches en laboratoire s’effectuent en collaboration avec Hélène Sparrow et Paul Durand. Le laboratoire est hautement sécurisé, afin d’éviter tout  risque de contagion.  Un article paru dans Regards le 8 mars 1946 explique l’inoculation du typhus aux lapins. Ces derniers sont tués. L'opérateur prélève ensuite les poumons de quelque 40 grammes contenant des millions de microbes, les rickettsies. Afin de les conserver, ils sont enfermés dans une boite de verre spéciale. La préparation du vaccin effectuée, les ampoules sont alors livrées à l'Institut Pasteur à Paris.
Au total 50 000 lapins sont inoculés par voie pulmonaire, permettant ainsi la préparation de 7 000 000 de doses.


Source : Médecine tropicale, Janvier 2005

De l’autre côté de l’Atlantique, dans le Montana, en 1938, un  bactériologiste américain, Herald Rae Cox, a de son côté mis au point une nouvelle technique : la culture des rickettsies sur des œufs embryonnés. Ce vaccin à germe tué, et donc inactivé, est homologué en 1941. Des tests comparés réalisés en 1943 démontrent, de source américaine, la supériorité du vaccin de Cox sur celui de Durand-Giroud-Sparrow.
Durant la campagne d’Italie, une autre méthode, radicale, est utilisée pour lutter contre les poux. Le D.D.T. [Dichlorodiphényltrichloroéthane] est employé pour la première fois de façon massive, en vue de prévenir une épidémie de typhus. Durant l'hiver 1945-1946, près de deux millions de Japonais et de Coréens sont débarrassés de leurs parasites avec des quantités relativement minimes de produit et, là encore l'effet est jugé excellent. Cependant, lors de la guerre de Corée, en 1950, les médecins américains constatent la toute nouvelle résistance des poux au DDT, en Extrême-Orient, mais aussi en Afrique, en Amérique latine, et même en Europe.

Aujourd'hui, le typhus exanthématique est circonscrit et les vaccins historiques contre la maladie ont été abandonnés. On trouve cependant quelques foyers endémiques en Afrique de l'Est (Burundi, Rwanda, Éthiopie), ainsi qu'en Amérique latine (Mexique, Guatemala, Équateur, Pérou, Bolivie).

Pour aller plus loin :
Les zoonoses : un sujet qui interroge les relations homme-animal (Octobre 2020)
Les épidémies en France (Janvier 2013)

 

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