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Le Tour de France de Gallica 2018, étape 9 Arras-Roubaix

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16 juillet 2018

Après une échappée de trois semaines l’an passé, le blog de Gallica reprend la route du Tour, avec un billet sur les pionnières du cyclisme et deux arrêts sur des territoires emblématiques de l’édition 2018. Profitons du jour de repos des coureurs pour repasser par les lieux et les cartes de la symbolique étape dominicale Arras-Roubaix.

Les coureurs cyclistes et leur caravane de suiveurs sont souvent passés par les routes septentrionales de la France, sans que les paysages du nord ne soulèvent chez les observateurs de commentaires autres que sportifs : ainsi Albert Londres, dans sa fameuse couverture du Tour 1924 pour le quotidien Le Petit Parisien, profite de l'escale à Dunkerque lors des deux étapes finales uniquement pour célébrer ses "forçats de la route", dont les français Alavoine et Tiberghien, le belge Thys et le cahmpion italien Ottavio Bottechia, grand vainqueur de cette édition. Près d’un siècle plus tard les organisateurs du Tour de France 2018, désormais mus par une conscience patrimoniale, choisissent de cheminer d'Arras à Roubaix. Ce tracé prend les allures d’hommage aux géographies historiques successives et constitue une véritable célébration du territoire, en se référant à dessein aux patrimoines sportifs, miniers, et architecturaux du Nord. 

Plan de la citadelle d'Arras, capitale du comté d'Artois

Car le dimanche 15 juillet, le peloton ne file pas vers Arras, il en part : le kilomètre zéro du parcours donne en cela une utilité nouvelle à sa citadelle, désignée point de départ. Construite de 1668 à 1672 dans la partie Sud-Ouest de la ville et sous la supervision de Vauban, elle ne connut pas le siège et fut donc plus esthétique que dissuasive. Avec la même logique, les coureurs font la jonction avec le département du Nord et la citadelle de Cambrai au kilomètre 42, en respectant strictement la deuxième ligne de défense du pré carré imaginée par Vauban à la fin du XVIIème siècle. Et si la poliorcétique, ou art du siège, évoque avant tout des techniques de défense, elle concerne aussi l'attaque, point en commun avec la science de la course, où celle-ci s'effectue aussi bien en danseuse qu'en facteur.

D'attaque, les coursiers le sont pour oser se frotter aux 22 kilomètres de route en secteurs pavés, souvent disjoints, prévus en 2018. Autant de chocs sur les pavés que d'hommages à l'autre épreuve majeure à laquelle se réfère l’étape du jour, la classique Paris-Roubaix. Un « dimanche dans l’enfer du nord » tous les printemps depuis l’an 1896. En passant de Paris-Roubaix à Arras-Roubaix, la ville-départ est remplacée, le kilométrage raccourci, mais le pavé rugueux et la dure allitération du titre demeurent. Sonorités symboliques de la souffrance endurée par les coureurs ? Ou échos au dur labeur des mineurs des concessions environnantes ? En effet, cette traversée convoque le passé industriel à chaque secteur, à chaque coron; dès le kilomètre 65, où se situe la ville minière et verrière d'Aniche ; ou en passant non loin de Wallers, village d’un haut lieu de Paris-Roubaix, la "tranchée d'Arenberg", surplombée par les chevalets de l’importante concession de la compagnie des mines d'Anzin. Les passages dans les localités de Beuvry (secteur pavé du chemin des abattoirs km 96), de Templeuve (secteur du moulin de Vertain, km 124) et de Camphin-en-Pévèle (secteur dit « du carrefour de l’arbre », km 139) sont des moments décisifs pour la course tout en étant des lieux de mémoires de ce vaste bassin houiller.

Carte industrielle et géologique du bassin houiller du Nord de la France, zone d’Aniche

Enfin, il y a parmi les cyclistes professionnels qui ont un jour rallié une arrivée cycliste à Roubaix, au cours de la Classique d’avril ou des nombreux passages du Tour de France, d’anciens travailleurs de l’industrie du charbon : de Jean Stablinski, qui a participé à renouveler le parcours de la Classique en 1967 en découvrant de nouveaux pavés, à l’ancien mineur César Marcelak. Celui-ci fut un vainqueur d’une autre course variante de Paris-Roubaix : une épreuve sportive « travailliste » organisée à partir de 1935 par le maire socialiste de Roubaix Jean Lebas, futur ministre de Léon Blum. Alors couverte par le Populaire, journal-revue hebdomadaire de propagande socialiste et internationaliste, la course est réservée aux cyclistes amateurs et travailleurs,  des « sportifs […] qui font du sport pour l’amour du sport et qui n’ont rien du cabotinage des coureurs professionnels qui, tout en roulant, tiennent à leurs suiveurs de véritable discours ».
 

 Le Populaire : journal-revue hebdomadaire de propagande socialiste et internationaliste, 15 avril 1935

Lors du Tour 1948 un autre taiseux, Gino Bartali gagne une autre variante de "l'enfer du nord", en le parcourant  à l’envers lors de la dernière étape du Tour allant de Roubaix à Paris. « Gino le pieux », devenu juste parmi les nations pour ses actes d’héroïsme durant la seconde guerre mondiale, remporte sur le vélodrome du Parc-des-Princes son dernier Tour de France, 10 ans après celui de 1938 gagné dans les Pyrénées et 70 ans avant l’étape allant -non sans cahots- d’Arras à Roubaix.
 

Tour de France 1948, 21e étape Roubaix-Paris : tour d'honneur de Gino Bartali sur le vélodrome du Parc-des-Princes / Agence de presse Meurisse

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