La presse des originaires du pays Limousin
Les ouvriers maçons des départements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de la Corrèze ont su cultiver leurs particularismes et leur esprit communautaire, malgré plusieurs saisons de trimard dans la capitale. La presse publiée au 19e siècle par des Limousins établis à Paris, leur ont permis de conserver le lien avec leur région d’origine.
Des titres de presse, tel que Le Limousin de Paris devenu le 13 mai 1894 Le Bonhomme Limousin après sa fusion avec le Petit Perchois ou Le Creusois de Paris couvraient les actualités, les évènements culturels programmés à Paris comme au paï tout en mettant en lumière les talents de leur compatriotes limousin ou creusois. Véritable espace de partage cette presse écrite fut une voix sociale et politique essentielle pour les communautés des migrants de l’intérieur.
Les Migrations saisonnières ou l’arrivé des Hirondelles dans la capitale
La population rurale en cette deuxième moitié du 19e siècle quitte la terre et ses tourments pour la ville et ses chimères. Mais pour quelles villes ? Les chefs-lieux de leur paï : Limoges, Guéret, Tulle, ou Paris, la capitale ?
Pour ces migrants de l’intérieur originaire du Pays Limousin ou Creusois, ouvriers maçons, la capitale représente la Ville de tous les possibles. Un eldorado portant la promesse d’un avenir meilleur. Les travailleurs limousins et creusois, les garçons maçons, limousinants, compagnons et autres "laborieux et rude en enfants de la Creuse" (M. Nadau),et de la Haute-Vienne grossissent ainsi les rangs du peuple parisien tout en restant des migrants temporaires. Durant près de 9 mois les Marchois exercent leur métier de maçon sur les plus grands chantiers de la capitale :
Voyer le Panthéon,
Voyer les Tuileries,
Le Louvre et l’Odéon,
Le Palais de l’Industrie.
De tous ces monuments
La France est orgueilleuse,
Et doit à ces agréments
Aux maçons de la Creuse.
Lorsque l’automne touche à sa fin, et chemin faisant ils "regagnent la creuse et la Haute-Vienne pour y passer l’hiver à l’ombre du clocher natal". La terre et le dure labeur qu’elle exige ne correspond plus au fil des ans à leur nouvelle condition sociale liée à la ville et son urbanisation galopante.
Suite aux événements de la Commune de Paris, chez nombre de ces travailleurs en bâtiment originaires du Lemosin, émerge une conscience de classe, un "esprit de fierté et d’indépendance" (Mémoires de Léonard, ancien garçon maçon/par Martin Nadaud/1895) qui se traduira par leur adhésion à l’idéologie socialiste de Gambetta.
Une presse écrite parisienne pour les originaires du pays Limousin
Mu par un collectif nourri par le sens de l’effort et un esprit communautaire affirmé, le contingent de déraciné Lemosin cherche à conserver un lien avec sa terre d’origine tout en travaillant à Paris.
A ce titre, cette colonie de migrants temporaires a publié divers journaux parisiens qui ont su garder l’esprit et l’identité culturelle de la région qui les a vus naître. Les organes de presse des originaires du Limousin sont bien plus que de simple moyen d’information. Ils sont les témoins de la vie locale qui continue en leur absence, à s’égrener entre les mariages, les banquets et les enterrements. Ils fournissent à leur lectorat issu du monde rural un accès aux actualités et évènements locaux : "Tous les faits limousin de la semaine, qu’ils se produisent à Paris ou dans le département, seront par lui, à leur intention, succinctement mais fidèlement reportés" (Le Bonhomme Limousin n°42 du 16 octobre 1898).
Les originaires du Limousin peuvent ainsi suivre dans des rubriques telles que l’ "Echos Limousin", "A travers le Limousin", "Chroniques Locale et régionale" du Bonhomme Limousin ou l’ "Echos Creusois" du journal Le Creusois de Paris les développements socio-économique, se tenir informés des projets en cours de leur région et rester ainsi en symbiose avec leur communauté d’origine.
En outre, ces titres de presse s’avèrent un espace promotionnel des talents locaux et de leurs réalisations au sein de la capitale comme au pays (Monument de Martin Nadaud). Cette presse dite des originaires sera diffusée avec la parution du Bonhomme Limousin au-delà des portes de Paris. Ce titre de presse sera lu par tous les limousins de Paris, Limoges ou Guéret. Il contribuera à renforcer le sentiment d’appartenance tout en diffusant jusqu’au cœur de la capitale ce qui fait l’identité sociale et culturelle du Limousin.
Pour aller plus loin
- "L'émigration des "maçons creusois" avant le XIXe siècle", Revue d'histoire moderne et contemporaine, Société d'histoire moderne (1976)
- Artisans français : étude historique. Les maçons et tailleurs de pierre / par François Husson, éd. Marchal et Billard (Paris), (1903-1906)
- "Martin Nadaud", Les Hommes d'aujourd'hui / par Champsaur, Félicien (1858-1934). Auteur du texte, éd. A. Cinqualbre (Paris), (1878)
Ajouter un commentaire