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Le baguier de Pierre Mangot

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15 juillet 2022

Dans cette nouvelle série de billets de blog Gallica, autour des "Trésors de Richelieu", nous vous invitons à découvrir des oeuvres provenant des départements de collections spécialisées, tels que les Monnaies et médailles, les Cartes et plans, les Estampes, les Arts du spectacle ou encore les Manuscrits.Ces œuvres sont exposées dans le cadre du musée de Richelieu.

Exécuté vers 1538, dans des matériaux précieux, d’une grande finesse, le baguier de Pierre Mangot est un objet d’un type peu courant : il s’agit en effet d’une coupe servant à ranger des bijoux de petites dimensions et en particulier des bagues, d’où son appellation. Son histoire comporte des points d’ombre, que des recherches récentes ont permis de lever en partie.

Un chef d’œuvre d’orfèvrerie

Ce baguier prend la forme d’une coupe dotée d’un couvercle, constituée de deux agates, l’une formant le pied et l’autre une coupe, réunies par une monture en argent doré. L’ensemble, de petites dimensions (17 cm de haut), est délicatement orné : filigranes, feuilles, bustes féminins, perles et rubis en cabochon sur le pied ; dauphins et fleurons sur la tige ; frises de fleurons, torsades, godrons émaillés en bleu pour la coupe, surmontée de trois dauphins et couronnée par la petite figure d’une femme assise, tenant un panier dans ses mains.

 
 

La richesse des matériaux employés semble cohérente avec l’usage d’un tel objet, utilisé pour conserver des bijoux. Pour autant, son commanditaire reste inconnu, mais ce précieux baguier doit selon toute probabilité avoir été destiné à une dame de la cour, voire un membre de la famille royale. 

Pierre Mangot, un grand orfèvre au temps de François Ier

La carrière de Pierre Mangot, orfèvre de Louis XII puis de François Ier, est bien établie par les archives : en effet, les comptes des bâtiments du roi le mentionnent à de nombreuses reprises pour des commandes royales ou des réfections, de couronne en or, de lanternes, de vaisselle, de colliers de l’Ordre de Saint-Michel etc. Pour autant, ces objets ont été dispersés, la plupart du temps fondus anciennement afin de récupérer les précieux matériaux qui les composaient. Pierre Mangot est ainsi longtemps demeuré un artiste qu’il était difficile de rapprocher d’un corpus d’œuvres. Celui-ci est désormais en partie reconstitué, grâce à l’identification de son poinçon par Michèle-Bimbenet Privat, conservatrice au Département des Objets d’Art du musée du Louvre sur deux superbes coffrets ((Bimbenet-Privat, Michèle, Les orfèvres parisiens de la Renaissance 1506-1620, Paris, 1992, p.245-247)), l’un conservé au musée du Louvre et l’autre au musée diocésain de Mantoue.


Fig. 4 : Coffret de Pierre Mangot conservé au musée du Louvre © 2020 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

C’est ce poinçon, un M gothique surmonté d’une fleur de lys couronnée, également présent sur le pied du baguier, qui permet de relier cet objet à l’orfèvre de François Ier.

Fig. 5 : Le pied du baguier de Pierre Mangot, avec le poinçon. Photographie : Mathilde Avisseau-Broustet

 

 

Depuis, outre le baguier, plusieurs autres objets ont été rapprochés de l’œuvre de Pierre Mangot, notamment sur une base technique et stylistique, ou grâce à la présence du poinçon : le musée du Louvre conserve ainsi notamment un ciboire, qui fait partie du trésor de l’ordre du Saint-Esprit et dont l’ornementation présente un certain nombre de similitudes avec le baguier. Le British Museum compte dans ses collections un coffret constitué de plaques d’émail représentant les Sibylles, qui rappelle par sa monture celle des coffrets du musée du Louvre et du musée de Mantoue. Enfin, une spectaculairehorloge-salière, conservée par la Corporation des Orfèvres de Londres (The Goldsmiths’ Company), fait écho au baguier, par l’emploi d’argent doré, de rubis et de perles, d’émail bleu et un registre ornemental comparable.


Fig. 6 : L’horloge-salière de la Goldsmiths’ Company © The Goldsmiths’ Company.

Une fortune originale

Exécuté pour un commanditaire inconnu, ainsi qu’il a été mentionné, le baguier est ensuite passé dans les mains de propriétaires successifs dont l’histoire demeure dans l’ombre jusqu’au XVIIe siècle. Une source récemment redécouverte par Maxence Hermant, conservateur du département des manuscrits de la BnF, permet cependant de reconstituer son itinéraire à partir de 1671 ((Hermant, Maxence, Trésors royaux : la bibliothèque de François Ier, Blois , 2015, p. 281, n° 118.)) : en effet, il est signalé à cette date dans un inventaire des biens de la paroisse de Saint-Paul à Paris. Le registre précise qu’il a été donné par Marie Rousseau, veuve de René Fleury, maître général des œuvres de maçonnerie du roi, de 1631 à 1636. René Fleury étant mort vers 1645 et le baguier n’étant pas mentionné  dans l’inventaire après décès de Marie Rousseau, dressé en 1655, il a sans doute été donné à la paroisse du vivant de cette dernière, autour donc de 1650. Aucun élément ne permet cependant de comprendre comment il est arrivé dans cette famille.
La fortune du baguier est par contre ensuite établie : il a été utilisé comme ciboire (un objet liturgique destiné à conserver et à présenter les hosties), un exemple de changement de destination suggestif. C’est sans doute à cette occasion qu’il a perdu une partie de ses éléments, des perles suspendues aux anneaux encore présents sur la coupe et la tige, ainsi que probablement à la base trois pieds en forme de sphères tenues par des serres d’aigle, à l’instar des coffrets ou de l’horloge-salière de la Goldsmiths’ Company. L’œuvre a ensuite connu un nouveau transfert : par conséquence des saisies révolutionnaires, elle a été transmise à la Bibliothèque nationale en 1796, par envoi de la Monnaie de Paris. C’est ainsi que cet objet exceptionnel constitue aujourd’hui l’un des fleurons de la collection du département des Monnaies, médailles et antiques de la BnF.

Bibliographie :

 

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