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L’Oréal bulletin, un journal d’entreprise pour les coiffeurs

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15 avril 2020

Créé par la société L’Oréal en 1923 pour aider à la diffusion de ses teintures pour cheveux, L’Oréal bulletin est un des premiers magazines d’entreprise lancé en France. Le 14 novembre 1907, le jeune chimiste Eugène Schueller dépose une demande de brevet pour une teinture pour cheveux et poils. Il fonde en 1909 la Société française de teintures inoffensives pour cheveux, qui deviendra la société L’Oréal.

    L'Oréal bulletin. Revue technique mensuelle dédiée aux clients de l'Oréal, septembre 1923
 

L'alliance avec les coiffeurs

Sous-titré « Revue technique mensuelle dédiée aux clients de L’Oréal », L’Oréal bulletin ne s’adresse pas aux clients finaux mais aux coiffeurs eux-mêmes, à qui la maison L’Oréal expédie gratuitement son journal. L’idée d’Eugène Schueller est de fonder la publicité de son entreprise sur une alliance avec les professionnels qui utilisent et diffusent ses produits.

L’Oréal bulletin leur donne des conseils techniques sur l’utilisation des produits, mais aussi sur les moyens de convaincre la clientèle d’essayer ces produits.

 

Les dix arguments pour vendre, L’Oréal bulletin n°2 ; Plus de cheveux blancs, L’Oréal bulletin n°26

 

Les techniques de mélange et d’application des produits occupent la plus grande part de chaque numéro : deux séries d’articles, une sur La technique du henné et une autre sur « Le liquide » se développeront sur tous les numéros de l’année 1923. Mais la technique de vente est également abordée dès le premier numéro. Dans Comment on amène une cliente à la teinture, une conversation imaginaire met en scène un coiffeur qui découvre le premier cheveu blanc de sa cliente et cette cliente. Comment réagir ? Lui révéler la vérité ou dire seulement que « certaines parties de sa chevelure passent de couleur » ? Pas d’inquiétudes, dans les deux cas il y a des arguments qui la convaincront de se lancer dans la teinture. Dans le même ordre d’idées, Les dix arguments pour vendre de l’Oréal, présentés comme les tables de la loi ; un exemple parmi d’autres :
Seuls les jeunes peuvent prétendre à vivre heureux, recherchés et aimés. C’est pourquoi il faut conserver l’aspect jeune et ne jamais grisonner.
 

 

 

Campagnes publicitaires

Un des leitmotivs de L’Oréal bulletin est la rencontre des intérêts de L’Oréal et de ceux des coiffeurs. Chaque numéro s’ouvre sur la reproduction d’une publicité parue dans les journaux, comme ici pour une page entière parue dans L’Illustration, ou pour des encarts publiés dans les « meilleurs journaux de France » ; les légendes qui commentent ces reproductions : « L’Oréal fait de la publicité pour vous aider à vendre davantage », ou « nos petits clichés de rappels vous aident à vendre ». Des conseils pour mettre au point un « étalage d’Oréal » se concluent par : « Mettez donc de l’Oréal en vitrine : cela "paie" ».
 

 

L’Oréal bulletin se défend d’être un organe de publicité pour ses produits auprès des coiffeurs. Il se présente comme « un petit organe technique écrit pour nos clients afin qu’ils retirent de la teinture toutes les ressources possibles ». Le journal reconnaît cependant qu’il peut lui arriver de citer quelquefois les qualités de l’Oréal, « non point par esprit de réclame, mais parce que cela est notre conviction ».

L’Oréal avertit les coiffeurs avant de lancer des campagnes publicitaires en direction du grand public, afin de pouvoir en tirer le meilleur parti. En octobre 1923, L’Oréal bulletin présente quelques « types de clichés qui doivent paraître prochainement dans plus de deux cents journaux et revues de plus de vingt-trois pays étrangers », avec ce commentaire : « sa publicité n’est pas seulement la publicité de L’Oréal, elle est aussi la publicité de chaque coiffeur ».  Le numéro de janvier 1924 annonce une grande campagne publicitaire d’un million de francs : « jamais marque de teinture n’aura consacré un budget aussi considérable – un million – au profit des coiffeurs ». L’Oréal bulletin rend également compte du succès de ces campagnes, comme dans le numéro d’avril 1924 qui annonce « de belles affaires en perspective pour les coiffeurs qui vendent ou appliquent l’Oréal » ; « dès maintenant, la plupart de nos clients, grâce à notre campagne, enregistrent des chiffres en hausse de 12 à 37% ».

 

 

Evolutions

À sa création, L’Oréal bulletin est diffusé à 30 000 exemplaires. En janvier 1924 le journal est édité en italien, espagnol, allemand et tchécoslovaque ; des éditions en anglais et en portugais sont prévues. En janvier 1925, « 40 000 applicateurs l’Oréal, sur les cinq continents, le reçoivent régulièrement ». Désormais le bulletin sera envoyé uniquement sur demande.

1925 est l’année du rajeunissement de la couverture : la naïade qui plongeait sa longue chevelure dans une vasque symbolisant une fontaine de jouvence laisse la place à deux têtes de femmes enserrées dans un médaillon, aux cheveux plus courts : l’une aux cheveux blancs, affligée, l’autre aux cheveux foncés, sûre d’elle. Le graphisme est plus moderne et vigoureux, dans un style qui évoque le progrès industriel.

 


L'Oréal bulletin n°1, juillet 1923 ; L'Oréal bulletin n°24, janvier 1925

 

L’Oréal renforce sa présence publicitaire dans les salons de coiffure en créant en janvier 1925 un nouveau titre, cette fois-ci destiné aux clients finaux. Il s’agira d’un « organe attrayant, illustré » qui « convaincra dans votre propre maison l’acheteur potentiel » : L’Oréal humoristique (titre fera l’objet du deuxième billet de cette série sur les premiers journaux d’entreprise L’Oréal).

Après avoir publié 32 numéros, L’Oréal bulletin annonce en décembre 1925 sa cessation de parution et le report de ses efforts vers L’Oréal humoristique. « Mieux renseignés des choses du métier, forts d’une expérience sans cesse renouvelée », les coiffeurs ont acquis une expérience suffisante en matière de teinture. Par ailleurs l’époque où il fallait convaincre les clients et clientes réticents est révolue, le fait de se teindre les cheveux est désormais pour beaucoup passé dans les mœurs.

Commentaires

Soumis par Malaval Catherine le 06/09/2020

Dommage que vous n'évoquiez pas plus globalement l'intérêt d'Eugène Schueller pour la presse et le paysage éditoriale dans lequel s'inscrit cette publication. Eugène Schueller est également à l'origine de revues grand public, gérées par sa maison d'édition, la Société d'éditions moderne, notamment La Coiffure de Paris, crééé en 1909, dont le supplément La coiffure et les modes, deviendra Votre Beauté.

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