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Les Pensées philosophiques de Denis Diderot

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15 janvier 2021

Premier pas philosophique de Diderot, les Pensées philosophiques ouvrent brillamment la carrière de celui qui allait devenir un des plus grands philosophes du siècle des Lumières.

Denis Diderot, de l'Académie des sciences de Berlin, gravure de François-Anne David d'après la toile de Van Loo, 1772 (BnF, EE-11 (D)-boîte fol., f. 24)

Après avoir publié en 1745 sa traduction, avec notes et commentaires, de l’Inquiry concerning Virtue or Merit (1699) du philosophe anglais Anthony Ashley Cooper comte de Shaftesbury (1671-1713) sous le titre Principes de la philosophie morale, ou Essai de M. S*** sur le mérite et la vertu. Avec réflexions, Diderot publie en 1746 son premier livre philosophique : les Pensées philosophiques.
 

Denis Diderot, Pensées philosophiques, La Haye : Aux dépens de la Compagnie, 1746 (BnF, Enfer 65/1)
 
 
L’ouvrage est anonyme et porte une adresse fictive ("La Haye") c’est-à-dire un faux lieu d’édition ainsi qu’un éditeur fictif ("Aux dépends de la compagnie") afin d’échapper à d’éventuelles poursuites judiciaires. En réalité, les Pensées ont été publiées à Paris par le libraire Laurent Durand (1712-1763).
Dans ce premier texte personnel, Diderot critique les dévots, leurs préjugés religieux, leur superstition, « plus injurieuse à Dieu que l’athéisme », et leur fanatisme. Il expose ensuite les trois positions philosophiques relatives à l’existence de Dieu : l’athéisme, le scepticisme et le déisme. Naturellement, cette attaque contre la religion établie fit scandale, ce que Diderot avait bien entendu anticipé : « Je connais les dévots : ils sont prompts à prendre l’alarme. S’ils jugent une fois que cet écrit contient quelque chose de contraire à leurs idées, je m’attends à toutes les calomnies qu’ils ont répandues sur le compte de mille gens qui valaient mieux que moi. Si je ne suis qu’un déiste et qu’un scélérat, j’en serai quitte à bon marché »  (LVII).
En 1746, le livre est condamné par un arrêt du Parlement de Paris en même temps que l’Histoire naturelle de l'âme de Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) :
 

Arrêt de la cour du parlement, qui condamne deux livres intitulés : l'un, Histoire naturelle de l'âme ; l'autre, Pensées philosophiques, 1746.

L’arrêt reproche notamment aux Pensées philosophiques de présenter « aux esprits inquiets & téméraires le venin des opinions les plus criminelles & les plus absurdes dont la dépravation de la raison humaine soit capable ; & par une incertitude affectée, place toutes les Religions presque au même rang, pour finir par n’en reconnaitre aucune ».
 
 
En 1763, Diderot prolonge les Pensées avec une Addition. D’abord diffusé dans la Correspondance littéraire, philosophique et critique de Friedrich Grimm (1723-1807), le texte est publié par Jacques-André Naigeon (1738-1810) en 1770 dans le Recueil philosophique ou Mélange de pièces sur la religion et la morale sous le titre de Pensées sur la religion. Naigeon republie le texte en 1792 dans l'Encyclopédie méthodique. Philosophie ancienne et moderne sous le titre : Objections diverses contre les écrits de différents théologiens, pour servir de suite aux pensées philosophiques.
Dans un préambule, Diderot précise la nature de ce texte : « Il m’est tombé entre les mains un petit ouvrage fort rare intitulé Objections diverses contre les récits de différents théologiens. Elagué et écrit avec un peu de chaleur ce serait une assez bonne suite des Pensées philosophiques ». Plus encore que les Pensées, l’Addition est une critique radicale, aux accents voltairiens, de l’absurdité et de la cruauté de la religion : « Voilà ce que je pense du dogme chrétien : je ne dirai qu'un mot de sa morale. C'est que, pour un catholique père de famille, convaincu qu'il faut pratiquer à la lettre les maximes de l'Évangile sous peine de ce qu'on appelle l’enfer, attendu l'extrême difficulté d'atteindre à ce degré de perfection que la faiblesse humaine ne comporte point, je ne vois d'autre parti que de prendre son enfant par un pied, et que de l'écacher contre la terre, ou que de l'étouffer en naissant. Par cette action il le sauve du péril de la damnation, et lui assure une félicité éternelle ; et je soutiens que cette action, loin d'être criminelle, doit passer pour infiniment louable, puisqu'elle est fondée sur le motif de l'amour paternel, qui exige que tout bon père fasse pour ses enfants tout le bien possible» (Pensée LXIX).

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