Anne Brontë : la recluse de Haworth
Patrick Branwell Brontë, Les Soeurs Brontë (Anne, Emily, Charlotte), huile sur toile, vers 1834
National portrait Gallery (Londres)
L’enfance à Haworth
Née le 17 janvier 1820 à Haworth, un petit village isolé du Yorkshire, Anne Brontë a grandi auprès d’un père vicaire et d’une tante venue s’occuper des enfants après le décès de sa mère Maria en 1821. Ses deux sœurs aînées, Maria et Elizabeth, sont mortes de la tuberculose durant leur séjour à l’école de Cowan Bridge. C’est dans ce climat austère qu’elle grandit auprès de son frère Branwell et de ses sœurs Charlotte et Emily.
Lorsque le frère Branwell reçoit en cadeau des soldats de plomb, les enfants Brontë vont créer le royaume de Glasstown, qui sert de territoire d’écriture à Charlotte et Branwell dans une Afrique imaginaire, tandis qu’Anne forme un duo avec sa sœur Emily autour du royaume imaginaire de Gondal, situé dans une île du Pacifique Nord. C’est dans des livres miniatures de la taille d’une boîte d’allumettes qu’ils rédigent et compilent ces sagas autour de personnages imaginaires. Ce n’est que bien plus tard, en 1941 que l’universitaire Fanny Ratchford retranscrira intégralement les juvenilia, ces écrits de jeunesse collectifs considérés comme les prémices des romans des trois sœurs.
Patrick Branwell, Brontë, Blackwoods magazine, 1829 © Harvard Library
Vers la publication
Nourrie par des lectures variées, qui vont des romans de Walter Scott à Milton et Byron, véritable héros romantique qui fascine les sœurs Brontë, Anne s’entraîne très jeune au métier d’écrivain et rédige des sagas et des poèmes. Sous l’impulsion de Charlotte, les trois sœurs publient dès 1846 leurs poèmes dans un recueil collectif sous le pseudonyme d'Acton, Ellis et Currer Bell. Celui-ci aura peu de succès, mais confortera les sœurs dans leur envie d’écrire. Les poèmes lyriques y sont souvent associés au royaume de Gondal, exprimant la mélancolie et la nostalgie.
La vie de gouvernante
Devant gagner sa vie à 19 ans, comme ses sœurs, Anne va être irrémédiablement marquée par son expérience de gouvernante, dont elle tire un portrait amer dans son premier roman Agnes Grey (1847), dans lequel elle dénonce le manque de rectitude morale chez les enfants de certaines familles riches.
Inspirée par Walter Scott et les romans gothiques d'Ann Radcliffe ou d'Horace Walpole, Anne continue d’écrire, seule, créant un univers plus réaliste que celui de ses sœurs Emily et Charlotte.
À l’avant-garde des combats féministes
Dans The Tenant of Wildfell Hall, son second roman, Anne relate avec justesse l’expérience de la déchéance en s’inspirant de son frère Branwell, qui s’est enfoncé dans l’alcool et le laudanum. Le livre suscitera le scandale par son réalisme et l'attitude de l'épouse, Helen, qui se rebelle contre son mari volage et finit par prendre la fuite avec leur enfant, ce qui à l'époque était illégal. Publié en 1848, ce roman sera considéré comme l’un des premiers romans féministes.
W.J. Cleaver, Scarborouh, South Shore, 1886
Pour aller plus loin :
La banque d’images de la Brontë Society
Découvrir les manuscrits d’Anne Brontë à la British Library
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