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Sens dessus dessous : l’histoire du soutien-gorge de la fin du XIXème aux années 1950

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Pièce emblématique de la lingerie féminine, régulièrement décrié, voire promis à l’abandon, le soutien-gorge a une histoire foisonnante que Gallica permet de (re)-découvrir. Petite exploration en mots et en images de cet accessoire qui a profondément marqué la mode et la silhouette féminine.

 
Publicité pour les soutiens-gorge Kestos, Vogue, janvier 1937

Si le port du corset est controversé tout au long du XIXe siècle, il faut attendre les années 1880-1890 pour voir naître, en France, des alternatives à ce dessous féminin. C’est en effet lors des Expositions universelles de Paris de 1889 et de 1900 que plusieurs innovations en matière de lingerie féminine sont proposées au public. Herminie Cadolle (1842-1924), ancienne communarde proche de Louise Michel, tenant une boutique de lingerie à Buenos Aires, montre pour la première fois son « corselet-gorge » lors de l’Exposition de 1889.

  
Dessin du modèle du « corselet-gorge » de Mme Veuve Cadolle  / Détail du « corselet-gorge »
Tetonania, Les seins dans l’histoire, 1903 / Le Corset, histoire, médecine, hygiène... étude historique, 1905   

                                                                

Herminie Cadolle fera breveter son invention en 1898.

La doctoreure Olga de Grimewitch propose, sous le joli nom grec de « Callimaste » (beauté des seins) « une sorte de suspensoir des seins formé de bandes de tissu élastique ».


Dessin du « callimaste » présenté dans Tetonania, Les seins dans l’histoire, docteur Witkowski, 1903

 

Notons aussi, dans ces mêmes années, le « Péri », le « Mamelia », lancé par la Samaritaine, ou encore le « corset de la Doctoresse ». Pour autant, aucune de ces innovations n’adopte le terme « soutien-gorge ». Une des premières occurrences de ce mot se trouve dans le numéro du 1er juillet 1900 du Petit Echo de la mode. Une publicité y propose un soutien-gorge « à 7 francs 90 », « en tulle grec écru [qui] s’attache devant par des agrafes invisibles ». La forme, encore loin de celle qu’adoptera cet accessoire une dizaine d’années plus tard, est très couvrante et ressemble encore assez au corset, dont il est un « supplément ». 


Le Petit Echo de la mode, 1er juillet 1900
 

Le soutien-gorge ne remplace pas du jour au lendemain le corset, loin s’en faut. La transition est longue et cette nouvelle pièce de lingerie met du temps à entrer dans la garde-robe de la majorité des femmes. À cette époque, son port est surtout recommandé pour les « personnes délicates qui ne peuvent pas porter de corset », comme en témoigne le numéro du 14 septembre 1902 de L’Echo de la France, journal populaire de la famille. Progressivement, le terme « soutien-gorge » fait florès et se retrouve dans de nombreuses publications de l’époque et particulièrement dans les annuaires professionnels, comme le Didot-Bottin, Paris adresses ou Paris Hachette, annuaire illustré de Paris, témoignant ainsi de la disponibilité de ce nouveau produit sur le marché. La catégorie « soutien-gorge » qui regroupe les fabricants et les distributeurs apparaît peu à peu dans les annuaires, comme dans l’Annuaire du commerce Didot-Bottin de 1909

Les années 1920 voient le grand essor de cette pièce de lingerie. Avec la vogue du style « garçonne », il est souvent intégré à la gaine, pour donner « la ligne souple et mince que réclame la mode », comme le préconise La Liberté dans son numéro du 4 octobre 1924. La forme « brassière », qui permet d’aplatir et de réduire la poitrine est recommandée pour celles qui ne possèdent pas la silhouette androgyne de rigueur.


Publicité pour la « brassière réductrice Junon », La Mode du Temps, 15 avril 1913
 

Le soutien-gorge s’adapte également à la coupe des robes du soir, désormais plus échancrées, notamment dans le dos, et dégageant davantage les épaules comme le montre cette publicité pour les modèles aux fines bretelles et à l’attache basse de la marque « Ferréro » dans le numéro de janvier 1923 de Vogue. Sur ce modèle, la forme moderne du soutien-gorge est quasiment déjà là : les bonnets sont bien distincts et séparés et  on note la présence de bretelles.


Vogue
, janvier 1923
 

Le soutien-gorge se doit avant tout d’être discret et, pour ce faire, les bretelles peuvent même, être invisibles comme le conseille le numéro d’août 1924 de Vogue. Si le soutien-gorge intégré à la gaine est toujours de mise pendant les années 1930, des innovations technologiques arrivent sur le marché, comme le « Self-Tonic » qui prétend raffermir la poitrine avec ses ondes électro-toniques. Les notions de « maintien » et de « modelage » des seins sont essentielles. 


Publicité Berlé, Vogue, janvier 1937
 

Les années 1940 et le début des années 1950 marquent une nouvelle étape dans l’histoire du soutien-gorge, avec l’essor d’une forme qui, bien que née dans la décennie précédente, restera emblématique de l’après-guerre. C’est l’ère du soutien-gorge « obus », aux bonnets pointus caractéristiques, comme ce modèle commercialisé par « La Sirène » et présenté dans le numéro du 4 décembre 1950 de Elle.


Elle
, 4 décembre 1950
 

Les années 1950 voient aussi un grand développement des modèles sans bretelles, qui existaient, mais de façon plus timide, dès les années 1910, pour aller avec les robes « bustier » désormais très à la mode pour les soirées, comme ce patron proposé pour un « soutien-gorge du soir » dans le Elle du 24 janvier 1949. 

 

Elle, 24 janvier 1949
 

Le décolleté se fait pigeonnant et marque un retour à une féminité traditionnelle, où, à travers la fameuse ligne « Corolle » de Dior, la femme doit être semblable à une fleur. Le soutien-gorge fait aussi son apparition comme haut du fameux « bikini », maillot deux pièces créé par Louis Réard en 1946 et très décrié à l’époque.

Le soutien-gorge est ainsi le reflet de la variation des modes et l’instrument des standards de beauté imposés à la silhouette féminine à travers les décennies.
 

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