De l'hygiénisme au développement durable, cent ans de la revue TSM
TSM (Techniques, Sciences, Méthodes) est la revue de référence des acteurs opérationnels de l'environnement éditée depuis 1906 par l'ASTEE (Association Scientifique et Technique pour l'Eau et l'Environnement). Tous les numéros publiés entre 1906 et 2006 sont consultables dans Gallica.
La Technique sanitaire et municipale, n°5, 1955,
Association générale des hygiénistes et techniciens municipaux, Paris.
En plus d'un siècle d'existence, la revue TSM a traversé les changements environnementaux et politiques importants de la société française et, au-delà, du monde occidental. Le titre s'adapte, mais conserve chaque fois son acronyme : La Technique sanitaire et municipale devient en 1958 Techniques et sciences municipales avant de prendre en 1986 son nom actuel, Techniques, Sciences, Méthodes.
La revue TSM a accompagné l'urbanisation du pays, de 40% environ de la population en 1905 à plus de 80% moins de cent ans plus tard. Elle s'est fait l'écho de l'essor des métiers de l'environnement, dans le sillage de la demande des collectivités locales en services d'eau et d'assainissement, et du développement de nouvelles formations universitaires (promotion d'un "brevet d'hygiéniste-technicien" dans les années 1920 ; plus récemment voir TSM d’octobre 1979, sur la "Fondation de l'Eau" de l'université de Limoges). Son champ d'intérêt a été vaste, des compteurs à eau aux châteaux d'eau, en passant par les diverses techniques de mesure de la pollution, ou d'épuration. Les anciens numéros nous redonnent à voir l'intérêt de l'Association Générale des Hygiénistes et Techniciens Municipaux (l'AGHTM, qui devient ensuite l'ASTEE) pour les évolutions politiques et institutionnelles qui la concernaient, comme la reconstitution des cités dévastées par la Première Guerre mondiale, la disparition décriée d’un "ministère de l'Hygiène" à part entière en 1924, ou encore la création d'un "ministère de l'Environnement" en 1971. La dimension internationale et francophone (Belgique, Luxembourg, Suisse) des contributeurs et du lectorat était très présente dès la fondation, la revue ayant succédé à un mensuel belge créé en 1895, La Technologie sanitaire.
Techniques et sciences municipales, n°11, 1975,
Association générale des hygiénistes et techniciens municipaux, Paris.
La numérisation de la revue a permis de préserver un patrimoine précieux, dont ne subsistaient, ailleurs qu'à l’association qui a créé la revue, que des bribes dispersées dans quelques bibliothèques ou dépôts d’archives municipaux ou des collections datant de la seconde moitié du XXe siècle.
Comme son titre l'indiquait dans les années 1970, c’est en effet aux techniciens des collectivités locales que la revue s'est largement adressée, convoquant également dans ses colonnes les entrepreneurs de l'eau, de l'assainissement et de la collecte et valorisation des déchets. Parmi ces derniers, nombre d’entreprises, nées au début du siècle, ont poursuivi leur existence par-delà les fusions-absorptions dans de grands groupes qui occupent des positions importantes au niveau du marché international des services environnementaux. Les publicités de la revue sont ainsi un témoignage des évolutions, mais également de remarquables permanences, dans un secteur d'ingénierie qui a tendance à regarder vers l'avenir et à oublier un peu vite les expériences du passé. Elles appelleraient une recherche historique à part entière, tout comme l'évolution du conseil d'administration et des comités techniques, sur lesquels la numérisation de la revue permettrait de faire des travaux prosopographiques, ou bien encore les programmes des congrès annuels et des visites qui les accompagnent, ainsi que les discours prononcés, parfois poétiques, lors des banquets !
Au-delà de la technique sanitaire, cœur historique de la communauté de spécialistes qui s'est structurée autour de l'AGHTM et de sa revue, divers domaines de la gestion des villes ont été abordés par la revue : elle a participé à la naissance du champ de l'urbanisme, dans les années 1910-1920 ; elle a consacré également des pages au logement et à l'habitation salubres, aux transports urbains (numéro de décembre 1973 par exemple), ainsi qu'à la pollution de l'air. Les nombreux articles qui ont été publiés dans la première moitié du siècle sur des expériences étrangères permettent enfin de retracer l'histoire des innovations en matière de technologie sanitaire, processus réellement international.
Stéphane Frioux
Université Lyon 2 / UMR CNRS 5190 LARHRA
Contributeur bénévole au sein de l'ASTEE sur l'histoire du génie sanitaire
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