Cet ouvrage traite de toute l'histoire du jouet depuis l'Antiquité jusqu’à la fin du XIXe siècle, mais aborde la question de sa place dans la société, de son apport éducatif, et des affiches de magasins de jouets, de la publicité de l’époque.
Léo Claretie, dans Les jouets : histoire, fabrication… commente une illustration du XVIII
e siècle où l’on voit quelques douzaines de têtes de ces chevaux de bois
émerger d'un tonneau placé à côté de la boutique d’un marchand.
Les jouets : histoire, fabrication..., Léo Claretie, 1893
Voici passer le marchand dans les Cris de Paris, de Lauron et Boitard (XVIIe siècle). [...] Les chevaux sont piqués au bout d'un bâton qu'il porte sur l'épaule. Ce sont des paquets ronds de carton-pâte, roulés au bout d'une canne, et terminés en tête de cheval [...]. Ces mêmes coursiers sont adossés en tas contre le mur dans la boutique de jouets des "Emblèmes" de Cats, mais ils ont en plus deux pattes de devant et un poitrail à peu près figuré."
Jusqu’au XVIIIe siècle, on peut encore voir représenter le cheval bâton mais il peut alors côtoyer le cheval à bascule comme sur cette gravure extraite de Les jouets : histoire, fabrication… de Léo Claretie :
Les jouets : histoire, fabrication..., Léo Claretie, 1893
L'apparition du cheval à bascule
Ce jouet sous sa forme actuelle n’apparaît pas avant le début du XVIIe siècle. L'un des plus anciens encore existants au monde, réputé avoir appartenu au roi Charles Ier d’Angleterre, daterait de 1610. Il est actuellement conservé au Victoria and Albert Museum de Londres.
Enfant faible et maladif, souffrant probablement de rachitisme d’après la plupart des historiens, Charles Ier avait de grandes difficultés à marcher. Les registres domestiques mentionnent, pour son usage, la fabrication d'un type de fauteuil roulant. Il portait également des bottes orthopédiques en cuir et en laiton. Ces traitements correctifs auraient pu inclure un cheval à bascule pour lui fournir de l'exercice et renforcer ses jambes. Et pourtant si ce cheval lui avait appartenu, il daterait probablement plutôt de 1605-1608, et non de 1610, car il est extrêmement improbable qu'un garçon issu d'une famille aristocratique ou royale joue encore avec un cheval à bascule à l'âge de neuf ans. Compte tenu de la datation, nécessairement approximative, on peut émettre l’hypothèse que ce cheval aurait pu être destiné à un autre enfant royal. De plus, en 1610, Charles a fait de grands progrès dans sa mobilité et peut monter de vrais chevaux.
Sur cette gravure du XVIIIe siècle, réalisée d'après une peinture d’Anton van Dyck, Portrait de Charles 1er, roi d'Angleterre (1600-1649), à la chasse, on voit le roi tout juste descendu de cheval après une course à bride abattue.
Charles Ier, roi d'Angleterre, accompagné du marquis de Hamilton et d'un page, gravé par Robert Strange, 1782
Évolution et popularisation du cheval à bascule
Au XVIIIe siècle, le cheval à bascule devient plus fréquent, notamment en Angleterre. En France, du XVIe au XVIIIe siècle, la fabrique des jouets se développe dans les villes. Beaucoup sont alors fabriqués en bois. Sous l’Ancien Régime, la production de jouets est répartie entre artisans, tourneurs sur bois, poupetiers, bimbelotiers, potiers, et diffusée par colportage ou sur les marchés. Objet neutre, sans implication contestataire pour le pouvoir du roi, le jouet animalier, n’a pas de mal à être propagé à grande échelle par une corporation des colporteurs par ailleurs surveillée. La suppression des corporations en 1791 par la loi Chapelier entraîne une forte augmentation du nombre de fabricants de jouets en France. C'est alors que certains secteurs commencent à se mécaniser. De nouveaux modèles, parfois luxueux, de chevaux à bascule, font leur apparition, qui peuvent être réalisés avec des matériaux précieux.
C'est la diffusion d'une gravure qui va apporter une nouvelle popularité au cheval à bascule au début du XIXe siècle. Il s'agit de « La première course de l'Enfance », gravure de Louis Charles Ruotte d'après John Condé, représentant le roi de Rome monté sur un cheval à bascule nouveau modèle. Quelques années plus tard, sur cette image du Monde illustré de 1859 montrant la chambre d'enfant du fils de Napoléon III à Compiègne, on constate que le cheval à bascule figure toujours en bonne place parmi les jouets impériaux.
Le Monde illustré, 26 novembre 1859
Apparus au début du XIXe siècle, à Paris, les « grands magasins de nouveautés », Au Pauvre Diable, A la Ville de Paris ou Au Coin de Rue, sont les ancêtres du Bon Marché et de la Samaritaine. Quelques années plus tard, la Restauration et la monarchie de Juillet voient se développer le commerce de nouveautés qui vend beaucoup lors de la période de Noël. Dans le domaine du jouet, le cheval, à l’image de sa place dans la société, est alors l’un des principaux animaux représentés. D'autres modèles moins luxueux de cheval à bascule sont vendus et ce jouet trouve sa place dans de nouveaux foyers. Le cheval à bascule peut être fabriqué en bois, en carton moulé ou encore en tôle.
Léo Clareti explique à la fin du XIXe siècle comment se façonne le cheval en carton moulé :
Les jouets : histoire, fabrication..., Léo Claretie, 1893
De l'utilité du cheval à bascule
Au moment du développement de la réflexion sur le jouet pédagogique, le cheval à bascule est mis en avant comme favorisant le développement moteur des jeunes enfants : en se balançant sur son dos, les enfants améliorent leur coordination et leur équilibre. Selon Léo Claretie, l'un des autres mérites de ce jouet est aussi d'"accoutumer l'enfance au mal de mer" (Les jouets : histoire, fabrication, 1893)...
Alors qu'aux XVIIe et XVIIIe siècles les chevaux à bascule se caractérisent par leur grande taille, difficile à atteindre pour des enfants en bas âge, on peut voir que les catalogues du Bon Marché proposent plusieurs tailles pour chaque modèle en vente afin que le cheval choisi soit adapté à la physionomie de l’enfant auquel on le destine :
Catalogue d'étrennes, Le Bon Marché, 1919
Catalogue d'étrennes, Le Bon Marché,1931
Vers la fin du XIXe siècle sont conçus de nouveaux modèles très perfectionnés : des chevaux à double système avec bascule et roulettes, pour galoper plus vite...mais toujours déclinés en plusieurs tailles :
Catalogue d'étrennes, Le Bon Marché, 1903
Catalogue d'étrennes, Le Bon Marché, 1919
Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1926
Il existe aussi des modèles plus onéreux comme le « cheval mécanique », présent dans les catalogues des grands magasins dès le début du XXe siècle :
Catalogue d'étrennes, Le Bon Marché, 1912
Mais attention à ne pas galoper trop vite et trop fort...
Jumbo : hebdomadaire illustré pour enfants, 22 août 1936
Pour aller plus loin
- Cheval à bascule, vers 1610, Victoria and Albert Museum, Londres, Royaume-Uni
- Histoire des jouets : ouvrage contenant 250 illustrations dans le texte et 100 gravures hors texte dont 50 planches coloriées à l'aquarelle, Henry René d'Allemagne, Librairie Hachette & cie, 1902
- Faire du jouet et du jeu des enfants des objets d’Histoire. Un long cheminement du xvie au xixe siècle, Michel Manson, OpenEdition Books
- « Histoire de la culture enfantine à travers le jouet », Michel Manson et Hélène Meyer-Roudet, Enfances & Psy n°85, 2020
- La petite histoire du jeu éducatif, blog Gallica, Laurence Jung
- Jouets et étrennes des grands magasins, blog Gallica, Isabelle Servajean
- Les catalogues de jouets et étrennes sur Gallica
- Les grands magasins et la publicité, Passerelles - BnF