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Eugène Delacroix et l’Afrique du Nord

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11 octobre 2022

Le court voyage que Delacroix fit au Maroc et en Algérie est resté célèbre dans l’histoire de l’art du dix-neuvième siècle. Il révéla aux artistes français que l’Afrique du Nord présentait autant d’intérêt que le traditionnel voyage à Rome.

Grâce à ses relations dans les milieux politiques, Delacroix fut invité à faire partie de la suite du comte de Mornay, envoyé spécial de Louis-Philippe auprès du Sultan du Maroc Moulay Abd-er-Rahman. La mission partit de Toulon pour Tanger, où elle débarqua le 25 janvier 1832. Delacroix fut aussitôt frappé par l’allure des Marocains, de même que par l’éclat des couleurs et de la lumière. Tout au long de son séjour, il fit quotidiennement des croquis au crayon et à l’aquarelle, qu’il annota. 

Durant son voyage, Eugène Delacroix a pu vivre au sein d’une communauté juive de Tanger grâce à l’intervention du drogman du consulat de France, Abraham Benchimol. Ce voyage de Tanger vers Meknès permet à l’artiste l’appréhension d’une réalité nouvelle. Les campagnes sont plus sauvages. Dans la capitale chérifienne, Delacroix sent une atmosphère différente de celle de Tanger où l’hostilité des habitants envers les européens est exacerbée. À Meknès, loin de la présence du souverain, la vie est autre.


Femme de Tanger étendant du linge : estampe par Eugène Delacroix
 
La mission débarqua à Alger en juin et Delacroix trouva dans cette ville l’inspiration pour réaliser un des plus célèbres tableaux orientalistes : Femmes d’Alger dans leur appartement (Musée du Louvre). L’année 1834, qui fut celle où fut exposé au Salon ce tableau fameux d'Eugène Delacroix marquait une grande date dans l'histoire de la peinture française. Deux ans s'étaient écoulés depuis qu'un bref séjour en Afrique du Nord avait révélé à Delacroix, alors déjà célèbre, le monde de l'Islam. Bien que ce voyage ait duré cinq mois, ce fut les trois seules journées passées à Alger qui lui permirent de concevoir son chef-d'œuvre.
 
À son insu, Delacroix va créer le courant orientaliste « ce support idéologique des ambitions coloniales », « cette construction de l’image de l’autre » écrira Edward Saïd. Cependant le tableau d’Eugène Delacroix représente une ligne de faille dans l’imagerie coloniale, le regard des femmes est absent et ce placard dans le décor est ouvert, sombre, vidé, voire pillé et il semble nous livrer dans les lignes le dialogue de l’homme. Delacroix a l’intuition forte de ce que va détruire la colonisation. Edward Saïd évoquera deux interprétations possibles ou concomitantes : des femmes soumises au patriarcat comme à l’autorité coloniale, des femmes cloîtrées, image d’un pays violé ou un faire-valoir d’un Occident où les femmes sont plus libres ? Il pose la scène dans un harem, symbole du regard occidental avec des visages indifférenciés qui nous dit la difficulté de l’Occident à saisir la diversité de l’Orient et de son histoire.
 
Au cours des années suivantes, il utilisa ses croquis et ses notes pour peindre les scènes qu’il avait pu voir en Afrique du Nord : religieux, musiciens, sultan du Maroc… À partir des années 1850, tandis que ses souvenirs s’estompaient, les tableaux orientalistes de Delacroix se firent de moins en moins réalistes, évoquant un Orient imaginaire et exotique.
 
La présence des Juifs en Afrique du Nord retient particulièrement son attention. Les Juifs servent d’ailleurs d’intermédiaires obligés dans les négociations politiques : le sultan impose la présence d’un interprète juif choisi par lui.
 

Des scènes de la vie quotidienne reproduites par Delacroix permettent de se plonger dans un univers lointain, encore mystérieux.

 

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