La soie et la sériciculture, du Bombyx au tissu 2/2
Le fil de soie est extrait du cocon de la chenille d’un papillon, le Bombyx Mori. Son élevage est appelé sériciculture et inclut par extension les différentes transformations du fil de soie. Découvrez-les dans ce second volet.
Le nom commun du papillon le plus utilisé en sériciculture est Bombyx du Mûrier car sa chenille ou ver à soie se nourrit exclusivement des feuilles du Mûrier, une plante de la famille des Moracées, originaire de Chine.
D’autres Bombyx comme le Bombyx du Chêne, du jujubier ou du prunier ont été utilisés pour la production de la soie mais le Bombyx du Mûrier est resté comme le plus utile et le plus avantageux . On trouve aussi trace d’espèces sauvages utilisées dans certaines régions du monde.
Pierre Pomet, Histoire générale des drogues, traitant des plantes, des animaux et des minéraux. 1694
On utilise essentiellement le Mûrier blanc (Morus alba) et le Mûrier noir (Morus nigra), dont la feuille doit être fraîche et sans maladie, afin d'avoir une soie de qualité. Cependant les vers à soie peuvent aussi apprécier d’autres variétés comme le Mûrier platane (Morus platanifolia) ou le Mûrier multicaule (Morus multicaulis). La femelle du Bombyx pond de 300 à 500 œufs, appelés "graines" que l’on conserve au froid avant leur utilisation.
Pour les faire éclore et obtenir les vers à soie, on dirige les œufs vers des locaux appelés magnaneries (de « magnan » signifiant vers à soie dans le sud de la France) ; ils sont mis dans des castellets (couveuses aux parois remplies d’eau chauffée).
Couveuse Orlandi (Verson et Quajat). Pierre Vieil, Sériciculture.1905
Placés sur des claies sur lesquelles les feuilles de mûrier sont entassées, les vers passent cinq semaines à se nourrir sans discontinuer. Ils peuvent multiplier jusqu’à 10 000 fois leur poids au cours de plusieurs mues. Les chenilles se fixent alors sur leur support (des tiges de bois dressées entre deux claies). Elles commencent à tisser leur cocon à l’aide d’un fil réalisé à partir de deux baves sécrétées simultanément par deux longues glandes placées sur leur flanc. Le ver à soie peut régurgiter de un à deux kilomètres de fil en quatre jours.
Plusieurs étapes amènent ensuite du cocon au tissu. La première est le décoconnage : après récolte des cocons sur leur support, on enlève la bourre ou « blaze » ayant servi à leur fixation. Lors de la seconde étape, l’étouffage, on empêche l’animal au stade de la chrysalide de se transformer en papillon car ce dernier casserait le fil en sortant du cocon. On tue donc les chrysalides à l’intérieur des cocons en les plaçant dans des étuves (armoires chauffées à la vapeur ; cette technique est dite à chaleur humide). On peut aussi pratiquer le fournoiement ou étouffage par chaleur sèche, technique plus hasardeuse qui risque de détériorer la soie par excès de chaleur.
Les Chemins de la soie, Itinéraires culturels en Cévennes : Bas-Languedoc, Cévennes, Vivarais.1993
Autrefois, en Chine, les cocons étaient mis en état d’asphyxie naturelle, traitement qui préserve mieux les qualités physiques des cocons mais est trop lent pour une exploitation industrielle. L’étouffage à froid par des gaz a été étudié au dix-neuvième siècle mais ne s'est pas conservé.
Une fois étouffés, les cocons sont immergés dans de l’eau bouillante afin de dissoudre la première couche collante du fil appelée gomme ou mucoïdine ; on obtient ainsi de la soie grège, constituée encore de deux couches : le grès (ou séricine) qu’il faudra éliminer, et la fibroïne (soie véritable). Seule une partie des chrysalides est conservée intacte à fin de reproduction.
Dévidage ou tirage de la soie. Documents pour la classe : moyens audio-visuels, 12/08/1966
Puis vient le tirage ou dévidage de la soie pour trouver l’extrémité du fil sur les cocons. Pour cela, ils sont tout d’abord battus avec de petits balais en bois qui accrochent les premiers fils de soie grège. Une machine à dévider réunit alors de 4 à 10 brins pour les renforcer, nouveaux fils qui sont enroulés sur des dévidoirs puis sur des écheveaux ou flottes.
Cette soie renforcée n’étant pas encore assez solide pour supporter la traction du tissage sur les métiers, on va augmenter sa résistance lors du moulinage : la soie est enroulée sur des bobines (rochets ou roquets), elles-mêmes placées sur une autre machine, le moulin qui tord le fil plus ou moins fortement, selon la qualité de fil que l’on souhaite obtenir.
Michel Alcan, Études sur les arts textiles à l'exposition universelle de 1867.1868
Cette soie torsadée est mise sur de nouvelles flottes et amenée sur le métier à tisser. Le tissage est la dernière étape et consiste à entrecroiser des fils horizontaux (fils de chaine) et verticaux (fils de trame) pour créer les différents types de tissus ou d’étoffes.
L'art du fabricant d'étoffes de soie, par M. Paulet,.... Section 7,Partie 1, 1773-1789 [8 vol. illustrés]
Deux autres opérations de préparation des fils sont à mentionner. La première est le décreusage, c’est-à-dire l’élimination du grès (séricine), en faisant bouillir les écheveaux dans de l’eau savonneuse mélangée avec du dissolvant. Cette opération s’effectue sur la soie en flottes ou sur la soie déjà tissée qu’on appelle dans ce cas soie cuite . La deuxième est la teinture qui s’effectue toujours sur la soie décreusée. Pour fixer la teinture sur les fils, on les imbibe d’alun.
Après tous ces traitements, les tissus obtenus serviront à créer divers produits comme les vêtements et les draps. La soie naturelle (à ne pas confondre avec la soie synthétique ou viscose) reste à ce jour l’un des tissus les plus connus, avec la laine et le coton.
Pour aller plus loin
Sélection d’ouvrages autour de la soie dans le parcours textile
Commentaires
La soie
Quel génie divin ! Et dire que Dieu n'existe pas !
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