August Strindberg hier et aujourd’hui
Il y a un siècle August Strindberg (1849-1912) venait de disparaître à Stockholm. C’est l’occasion pour Gallica de présenter des facettes connues et moins connues du grand public de la vie et de l’œuvre du dramaturge suédois…
Strindberg en nihiliste russe, autoportrait, Gersau, Suisse, 1886 (photo Musée Strindberg)
Les lecteurs et spectateurs français ont coutume de considérer Strindberg sous deux angles, le premier étant sa nationalité et sa langue maternelle. Strindberg est suédois, et le Suédois est « la langue de Strindberg ». Il appartient de plein droit à l’univers culturel scandinave. Le second est son œuvre dramaturgique qui a révolutionné le théâtre mondial. Gallica se fait le plus visiblement écho de l’intérêt des Français pour la mise en scène des pièces de Strindberg, et des répercussions que son œuvre dramaturgique a eues sur la scène française durant tout le XXe siècle par la photographie. Mis en scène au Théâtre Sarah Bernhardt à Paris respectivement en 1958 et 1962, Les Créanciersainsi que La Sonate des Spectres ont suscité l’intérêt du photographe Roger Pic.
Or, la vie de Strindberg est en grande partie une vie en exil, ses voyages hors de son pays natal le conduisant à s’établir en Suisse, au Danemark, en Autriche, en Allemagne… mais avant tout, en France, où il séjourne régulièrement au cours des années 1880 et 1890. Durant ces deux décennies, Strindberg va non seulement présenter ses pièces au public français, mais interagir avec la vie culturelle française de manière beaucoup plus large qu’il n’y paraît de prime abord. En effet, il collabore avec la presse française de l’époque, avec L’Écho de Paris notamment, où il écrit dans la langue de Molière.
Si, à notre époque, on retient surtout chez Strindberg la figure du dramaturge, il en allait autrement de ses contemporains lors de ses séjours à Paris, qui voyaient un personnage aux multiples facettes. Henri Albert fait connaître au public français les ouvres de Strindberg dès 1890, et son article de décembre 1894 dans La Revue Blanche sonne comme une consécration auprès du public français. Bien sûr Le Journal des Débats montre très bien quelle place ses contemporains parisiens accordent à Strindberg dans La République des Lettres. Le journal le présente d’abord comme un « sinologue » versé dans l’histoire du Turkestan chinois, avant de s’intéresser à son activité de romancier et nouvelliste, « élève des naturalistes français, qui, malgré tout, est demeuré si suédois », puis, enfin, de dramaturge acclamé par Zola. Pour le Paris du tournant des XIXe-XXe siècles, Strindberg n’est donc pas seulement associé au théâtre. Plus généralement, le public français suit avec une certaine attention non seulement sa carrière de littérateur scandinave, mais ses expériences scientifiques. Ainsi, La Science Française rend compte des expériences menées par Strindberg sur le soufre et l’iode.
À travers ces dimensions moins connues de l’écrivain suédois que nous laisse voir Gallica, on peut comprendre pourquoi la figure de Strindberg, homme aux multiples talents parmi les derniers représentant de la figure du touche-à-tout que le XXe siècle allait faire disparaître, continue à interpeller aujourd’hui.
Anna Svenbro - direction des collections, département Littérature et Art.
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