Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

La saxifrage

0

Après la bataille contre les Titans, le Mont Olympe est dévasté. Jupiter demande à la déesse Flore d’y remédier mais aucune plante ne réussit à pousser. Alors, Zéphyr lui apporte une petite fleur, la saxifrage. Peu exigeante, celle-ci s’acclimate rapidement aux parois rocheuses leur redonnant vie.

Philippe Picot de Lapeyrouse, Figures de la flore des Pyrénées, avec des descriptions... Tome I, 1795 - Saxifraga aretioides, illustration de Pierre-Joseph Redouté

Les saxifrages appartiennent à la famille des Saxifragacées, constituées d’environ 600 espèces réparties dans une trentaine de genre. Issues des régions arctiques, les saxifrages ont peu à peu colonisé les régions tempérées de l’hémisphère Nord et se sont adaptées à toutes sortes de milieux. En France, on compte 3 genres et 63 espèces, principalement des plantes de montagne dont certaines sont endémiques.

Philippe Picot de Lapeyrouse, Figures de la flore des Pyrénées, avec des descriptions... Tome I, 1795-
Saxifraga luteopurpurea

Les saxifrages sont des plantes à fleurs dicotylédones, herbacées parfois succulentes, annuelles ou vivaces. Elles présentent des feuilles simples sans stipules et des fleurs de type 5, c’est-à-dire constituées de 5 pétales, 10 étamines et 2 carpelles surmontés de 2 styles. La petite taille des fleurs leur a valu le nom de « Désespoir des peintres ». Certaines espèces ont développé une morphologie en coussin leur permettant de résister à un environnement difficile.

 Philippe Picot de Lapeyrouse, Figures de la flore des Pyrénées, avec des descriptions... Tome I, 1795- Saxifraga ladanifera

Le nom saxifrage, du latin saxifraga (saxum, pierre, et frangere, briser) signifie brise-pierre. Si la plupart des saxifrages poussent dans les rochers, l’éthymologie renvoie plutôt aux calculs reinaux présents dans la vessie, qu’elle est censée soigner selon Dioscoride. La théorie dite des signatures, répandue à la Renaissance, établit des liens directs entre la morphologie botanique et la pathologie médicale et certaines saxifrages comme la Saxifraga granulata, présentent des renflements au niveau du collet semblables à des calculs.

Eugène Lesacher, Nouvelle botanique médicale comprenant les plantes des jardins et des champs susceptibles d'être employées dans l'art de guérir.... Tome 1, 1976-1883

La Saxifraga florulenta, endémique du massif du Mercantour, développe une floraison exceptionnelle. Elle pousse dans les fissures des parois verticales ou dans des chaos rocheux. Décrit en 1824, par le botaniste italien G. Moretti, elle se développe très lentement, sa rosette spectaculaire grandit pendant une période estimée entre 40 et 75 années. Elle fleurit une seule fois se fane puis meurt, c’est une plante monocarpique, c’est-à-dire n’effectuant qu’une seule fructification.

Léon Marret, Les fleurs de la Côte d'Azur (de Toulon à Menton), 1926

Dans le massif des Pyrénées, la Saxifraga longifolia est une autre espèce endémique, assez rare. Elle se caractérise par une rosette composée de feuilles longues et étroites. Du centre de celle-ci, s’élève une tige portant de nombreux rameaux floraux qui, à maturité, forment une inflorescence pyramidale de petites fleurs blanches s’épanouissant en juillet-août. La plante disparait après la floraison.

Bernard Verlot,  Les Plantes alpines, choix des plus belles pièces, description, station, excursions, culture, emploi, 1873

Cette saxifrage a été décrite par le naturaliste Philippe Picot de Lapeyrouse (1744-1818), dont le projet éditorial Figures de la flore des Pyrénées est resté inachevé. L’unique volume réalisé et présenté dans ce billet est presque exclusivement consacré aux Saxifrages.

Philippe Picot de Lapeyrouse, Figures de la flore des Pyrénées, avec des descriptions... Tome I, 1795- Saxifraga longifolia

Les saxifrages ont très tôt séduit les horticulteurs pour leurs qualités florifères et leurs propriétés d’hybridation. Vers 1850, le botaniste britannique Robert Fortune (1812-1880) effectue plusieurs voyages en Asie pour étudier la culture du thé et du riz. Ses expéditions permettent l'introduction en Europe de nombreuses espèces ornementales dont un cultivar de saxifrage à la floraison tardive, qui pousse naturellement dans les montagnes de Chine et du Japon.  Les horticulteurs en ont créé de multiples hybrides sous l’appellation Saxifraga fortunei, en hommage au botaniste.

hortalia3.jpg

Severeyns, G., Descamps-Sabouret, L., “Saxifraga fortunei,” Hortalia dans Revue horticole, 1892

Les saxifrages ont de multiples qualités qui intéressent aujourd’hui les scientifiques. Par exemple, la Saxifraga oppositifolia dont les feuilles ovales et épaisses sont opposées et les fleurs rose pourprée, détient les records d’altitude : elle a été trouvée à plus de 4000 m dans les Alpes françaises et à 4 507 m dans le Valais. Des chercheurs autrichiens ont mesuré sa résistance au froid et ont observé qu’elle supportait des températures de -80° et plus encore car elle a résisté à l’azote liquide !

mnhn_vel_portefeuille049_fol035_-_v7.jpg

Saxifraga Alpina, ericoides flore purpurascente, (saxifrage à feuilles opposées), Collection des Vélins du Muséum national d'histoire naturelle

On sait depuis longtemps que certaines saxifrages dont la Saxifraga cochlearis, produisent une croûte crayeuse sur la bordure de leurs feuilles grâce à un phénomène qu’on appelle guttation. Celle-ci est composée de calcite, un minéral répandu sur Terre mais des chercheurs britanniques ont découvert sur la Saxifraga scardica, de la vatérite, un cristal instable très rare, dont les propriétés pourraient intéresser la médecine.

Gaston Bonnier, Flore complète illustrée en couleurs, de France, Suisse et Belgique (comprenant la plupart des plantes d'Europe). Tome 4, Paris, 1914-1935

Pour aller plus loin 
- Visitez la section Botanique du parcours Gallica La Nature en images.
- Redécouvrez les autres billets de L'Herbier de Gallica

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.