L'if
Il habite les poèmes de Wordsworth et constitue un ingrédient de choix de la potion des sorcières de Macbeth. Pour conjurer son air morose, il arrive qu’on le taille en boule et il faillit disparaître pour les besoins de la science : heureusement, l’if est coriace.
L'if est un conifère qui appartient à la famille des Taxacées. Le genre Taxus auquel il se réfère comprend une demi-douzaine d’espèces qui peuplent les côtes nord-ouest et nord-est des Etats-Unis (Taxus brevifolia Nutt.) et le Canada (Taxus canadensis Marshall), la Floride (Taxus floricana) et le Mexique (Taxus globosa), le Japon (Taxus cuspidata Siebold & Zucc.) et la Chine (Taxus marei et Taxus wallichiana).
Sous nos latitudes, c'est l'if à baies (Taxus baccata) ou if commun que nous rencontrons le plus souvent, présentant ses longues branches tombantes dans les forêts ou taillé au cordeau dans les parcs et jardins. Dans les temps anciens, et selon la région où il se trouvait, l’if était dénommé ivos ou eburos, par les Celtes, ou revêtait le nom latin de Taxus. Un peuplement d’ifs est appelé ivaie et même si cette dernière se fait maintenant rare, elle subsiste au travers de nombreux toponymes tels qu’Evreux, Ivry ou encore Tasso en Corse.
Comme tous les conifères, l’if est gymnosperme – dont l’ovule est à nu, contrairement aux angiospermes – mais dans cet ordonnancement il fait figure d’original ; il ne possède pas d’aiguille mais de petites feuilles aciculaires persistantes, et il ne produit ni résine, ni cônes. Son mode de reproduction est assez lent et il ne mesure jamais plus de vingt mètres. L’if fleurit à la fin de l’hiver et le pollen fécondant se répand au cours du printemps. Le fruit, constitué d’une graine autour de laquelle se forme un arille rouge, est mûr à la toute fin de l’été et peut rester encore sur l’arbre un long moment avant de tomber. Il faut souligner que si rien ne semble bon à manger dans l’if, l’arille est, quant à lui, comestible. On en fait de la confiture ou du sirop pectoral.
Charles-Louis Gatin, Les arbres, arbustes et arbrisseaux forestiers (2e tirage)
L’if est craint depuis l’Antiquité, en raison de sa grande toxicité et il était même déconseillé de s’asseoir sous un if, de peur d’être empoisonné par ses vapeurs. Il est aussi révéré depuis fort longtemps en raison de sa longévité, due en grande partie à sa croissance très lente. On compte l’if parmi les plus vieux arbres d’Europe. Certains dépassent le millénaire et l’on croise souvent leurs silhouettes tortueuses dans les anciens sanctuaires et les cimetières, notamment en Normandie et en Bretagne, ainsi qu’en Grande-Bretagne.
Dans la tradition druidique, l’if était l’arbre des ovates – les savants, médecins et gardiens de la nature – et le symbole de la connaissance. Pour les Grecs et les Romains, il était l’arbre d’Hécate et de figures mythologiques telles que Déméter et Perséphone. Un peu rapidement considéré comme un arbre de tourments et de mort, l’if représente aussi le retour perpétuel de la nature et la persistance de la vie. Il est une porte entre les vivants et les morts, et parfois même de manière littérale par sa capacité à marcotter et enraciner ses branches périphériques les plus basses qui en enveloppant le tronc central, le font disparaître.
L’if-chapelle de la Haye de Routot, Gadeau de Kerville, Henri. 1895-1937
Les vieux arbres de la Normandie Fascicule I-[VI] : étude botanico-historique, J.-B. Baillière et fils (Paris).
L’ambivalence de l’if tient aussi aux usages qui en sont faits.
Il est l’arbre redoutable dont le bois imputrescible, solide et souple, était très prisé durant l’Antiquité et le Moyen-Âge pour fabriquer arcs et flèches que l’on pouvait enduire de poison obtenu à l’aide d’une décoction de feuilles et de graines d’if.
Auguste Bertsch, Bois d’if : coupe verticale.
Il est aussi, depuis l’Antiquité et particulièrement à la Renaissance française, le sujet privilégié des coupes audacieuses des artistes topiaires. Le voilà bien peigné mais sujet aux railleries de ceux qui préfèrent les formes naturelles du jardin à l’anglaise.
Ifs et buis taillés à Clermont en Argonne, 1928
Il est enfin, la source du taxol, une molécule anticancéreuse très puissante développée dans les années soixante-dix et dont la recherche de synthèse faillit décimer les populations d’if américaines.
La vie d’un empoisonneur n’est somme toute, pas si reposante.
Pour aller plus loin
Retrouvez les arbres et arbustes dans la sélection Botanique du parcours Gallica La Nature en images.
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