Les manuscrits de Pasteur (3/3) : chercheur et dessinateur
Rentrés tardivement dans les collections de la Bibliothèque nationale, les manuscrits de Pasteur témoignent d’une vie consacrée à la recherche. Ses cahiers de laboratoire donnent à voir plus encore que des faits et des observations : une pensée à l’œuvre.
Témoins des multiples curiosités et talents de Pasteur, ces cahiers réservent encore d’autres surprises, comme ce cahier contenant une liste d' « ouvrages à acheter » dont un « Jura, guide pittoresque et historique », côtoyant un traité sur le « sucrage des vins » ainsi que le Coran, Goethe, ou Pascal :
NAF 18002, Recherches sur les maladies virulentes, LXXX, cahier 1er août 1876, f. 11
C’est aussi tout un ensemble de dessins techniques qui parsèment les cahiers. Cristaux, cuves, dispositifs et instruments font l’objet de descriptions, de même que les microbes. Ainsi ce « dessin assez fidèle auquel j’ai mis beaucoup de temps en regardant toujours le champ » :
NAF 17932. X. 1er cahier. Fermentation. 1856-1857, f. 16
Car on l’oublie souvent, mais avant de se destiner à la carrière scientifique, Pasteur s’était rêvé artiste. Cette acuité du regard se retrouve dans son œuvre ultérieure et se remarque notamment dans les cours qu’il suivit auprès d’Achille Valenciennes.
NAF 18079, f. 52. Dessin anatomique (non numérisé)
Car à l’instar du grand médecin de son époque, le docteur Jean-Martin Charcot, Pasteur a d’abord eu une vocation artistique avant d’embrasser la voie scientifique. Cette capacité d’attention au monde, à ses signes, Pasteur en fait l’éloge dans sa conférence de 1854, lorsqu’il prend son poste de doyen de la nouvelle faculté des sciences de l’Université de Lille :
dans les champs de l’observation, le hasard ne favorise que les esprits préparés.
NAF 18079. Dessins de la « description du cerveau (dissections) », 16e et 17e conférence (non numérisés)
On ne trouve qu’un seul exemple de dessin à la fois artistique et sentimental dans les registres de laboratoire. C’est dans le premier carnet de 1848-1850, à la toute fin du cahier, au verso du cartonnage : un dessin représentant Marie Pasteur, jeune mère, qui allaite leur petite fille, Jeanne.
NAF 17923. Cahier du 24 octobre 1848 au 10 juillet 1850. Contreplat inférieur.
Marie Pasteur (dont il demanda très officiellement la main) l’accompagna dans ses recherches, et après l’attaque d’hémiplégie qui frappa son mari, rédigea les manuscrits que Pasteur lui dictait. L’écriture de Pasteur change d’ailleurs en amont de sa crise, au fil des carnets, passant d’une belle écriture scolaire et déliée à des notes d’une plume de plus en plus fine entassées de manière compacte sur la page, se faisant presque micrographiques par moments. D’autres mains que celle de Pasteur se mettent aussi à intervenir, des collaborateurs prenant le relais des notes et compulsant le cahier, devenu un outil collaboratif de la recherche.
Pour aller plus loin
- Pasteur à l’œuvre, sous la direction de Philippe Bruniaux et Marie-Laure Prévost, les éditions du Sekoya, 2018
- Françoise Balibar, « Les carnets de laboratoire de Pasteur » dans Les sentiers de la création : traces, trajectoires, modèles. Editions Diabasis. 1994
- La sélection : Gallica vous conseille https://gallica.bnf.fr/conseils/content/louis-pasteur
- Cahiers d’expériences retrouvés au laboratoire de la Sorbonne : https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc91235
- Fonds des manuscrits de Pasteur donné par sa famille : https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc7262k
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