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France-Nouvelle Zélande : histoire d’une compétition

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7 septembre 2023

Le 1er janvier 1906, marque un tournant majeur dans l’histoire du rugby français : pour la première fois un XV de France voit le jour et affronte, ce qui se fait déjà de mieux au monde, les All Blacks !

L’équipe de France de rugby contre la Nouvelle-Zélande, le 1er janvier 1906.
En bas au centre, Henri Armand, le premier capitaine de l’histoire du XV de France, photographie de presse, Agence Rol.

Revenons en arrière : il y a 117 ans, une sélection de joueurs composés de Racingmen et Parisiens s’avance timidement sur le terrain du parc des Princes soutenu par environ 3000 personnes. Pour eux c’est une première ! Ils vont défier l’équipe de la Nouvelle-Zélande pour ce qui restera dans l’histoire le premier match du XV de France. Le rugby en France n’en est qu’à ses prémices ; les clubs parisiens trustent les titres de champions de France, seuls les Bordelais et les Lyonnais offrent une réelle concurrence. La fédération française n’existe même pas, elle sera créée en 1920. Cette équipe de France joue donc sous l’égide de l’Union des Sociétés françaises de Sports athlétiques (USFSA).

On parle bien d’une sélection, car on découvre que deux étrangers portent ce premier maillot blanc avec les deux cercles entrelacés rouge et bleu. L’arrière anglais du Havre William Crichton et le deuxième ligne américain du Racing Allan Muhr font partie des sélectionnés. Autre particularité de taille, la France ce jour-là compte deux joueurs de couleur André Vergès et le Guyanais Georges Jérôme.

1er janvier 1906 : équipe de rugby de Nouvelle-Zélande, photographie de presse, agence Rol.

Cette équipe de Nouvelle-Zélande effectue la première tournée de son histoire en Europe. Après trois mois de voyage, ils font un triomphe partout où ils jouent en Grande-Bretagne. Le public est ravi dans une Europe où le sport devient un enjeu sociétal de plus en plus significatif. Et le rugby s’inscrit dans cette vertueuse éducation. On vient de loin pour voir ceux que l’on surnomme les "Originals". Il faut dire que ces joueurs de classe, virevoltent ballon en main, relancent inlassablement et marquent beaucoup d’essais. Leur tournée doit se terminer par une rencontre contre la France le 1er janvier 1906.

Avant leur voyage à Paris, les Néo-Zélandais gagnent 31 matchs sur 32 (NDLR, ils remporteront aussi 3 matchs en 1906 en Amérique du Nord). Mais les "Originals" vont gagner une autre forme de respect avec un nouveau surnom sorti d’un malentendu et d’une mauvaise transcription. Les hommes à la fougère sont habillés de noir depuis 1901, un journaliste du Daily Mail, subjugué par l’adresse des avants qui jouaient comme des arrières (backs en anglais), aurait donné par téléphone le titre suivant : "They are all backs" (ils sont tous des arrières). Ne comprenant pas trop bien cette phrase, le réceptionniste, en voyant les premières photos des joueurs au maillot noir cru bien faire de corriger en "They are all blacks". Les All Blacks étaient nés. Certains diront après cette tournée qu’ils portent le deuil de leurs adversaires. Entre histoire et légendes, les All Blacks sont les légitimes héritiers de cette équipe "Originals" depuis plus de 100 ans.

Rugbyman, Fédération française de rugby, 1er avril 1999

Mais revenons à notre première opposition. Henri Amand, surnommé le Barby, est le premier capitaine de l’histoire du XV de France. Ce sera son seul match en équipe de France, mais il a aussi l’honneur d’être l’international n°1 sur la longue liste des capés français (NDLR, chaque joueur disputant un match sous le maillot tricolore à un numéro d’international, le dernier en date est Ethan Dumortier, n°1183). La réputation des néo-zélandais a traversé la Manche, les médias, Le Matin et Le Figaro entre autres ne sont pas optimistes quant à l’issue de la rencontre, l’intérêt n’est pas dans son résultat, mais comme le dit Le Figaro du 31 décembre 1905 :

Ce match, dans lequel les nôtres n’ont aucune chance de vaincre, est un évènement considérable dans tous les milieux sportifs."

C’est donc un premier match douloureux qui se joue entre les Français et les Néo-Zélandais par un temps humide ; comme prévu, la France s’incline lourdement 38 à 8 (10 essais à 2). Les 2 essais français sont signés Cessieux et Dufourcq et une transformation de Pujol. Les All Blacks peuvent repartir chez eux, le devoir accompli. Mais ils seront très vite rattrapés par un autre devoir : défendre la liberté !

David Gallaher, surnommé Dave est le premier grand capitaine néo-zélandais de l’histoire, il était à la tête des "Originals" en 1905. Il dispute son dernier test-match contre l’équipe de France le 1er janvier 1906, marquant par cette occasion deux essais. C’est un très bon joueur, mais il est aussi très intéressé par la stratégie, il écrira plusieurs publications sur le rugby. Son destin est lié à tout jamais à l’histoire de la Première Guerre mondiale. Environ 13 000 Néo-Zélandais engagés dont 13 anciens joueurs au maillot noir ont perdu la vie au cours des combats de 14-18. Parmi eux, Dave Gallaher, le pédagogue est mort en Belgique à la bataille de Passchendaele en 1917. Son souvenir reste, chaque année, lorsque les All Blacks sont en Europe, toute la délégation vient se recueillir sur la tombe de leur ancêtre tombé au combat.

Le Petit Journal, 12 janvier 1925.

Depuis 2000, un trophée "Dave Gallaher" est mis en jeu entre la France et la Nouvelle-Zélande. Il est pour l’instant propriété des Français vainqueurs en 2021 de la Nouvelle-Zélande 40-25 au stade de France.

La prochaine rencontre entre les deux nations sera celle de l’ouverture de la 10e coupe du monde le 8 septembre 2023. Le trophée sera au bord du terrain. La même affiche pourrait se dessiner le 28 octobre, jour de la finale du mondial. Mais pour un double trophée cette fois : la coupe Dave Gallaher et le titre de champion du monde.

C’est une autre histoire.


L'Olympiade Culturelle est une programmation artistique et culturelle pluridisciplinaire qui se déploie de la fin de l’édition des Jeux précédents jusqu’à la fin des Jeux Paralympiques. La série "200 ans de ballon ovale : l’histoire du rugby" de Gallica s'inscrit dans la programmation officielle de Paris 2024.

Commentaires

Soumis par Pujol le 09/09/2023

Mon Nom est Pujol et celui qui transforma L'essai lors de ce premier match eut pu être mon Grand père paternel , mort , comme l'un de ses adversaires , à la guerre de 14. Je fais ce rapprochement en rêvant que l'affrontement guerrier qui aura lieu au cours de cette coupe du monde remplace les conflits entre nations avec plus d'ardeur encore mais sans haine ; avec respect et fraternité comme ce sera le cas. Merci pour votre reportage.

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