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Petit déjeuner "transcontinental" à bord du Normandie

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6 septembre 2024

Traverser l’Atlantique à bord du Normandie à la fin des années 1930, c’est profiter du moyen le plus rapide de rejoindre les Etats-Unis, en un peu plus de quatre jours. Seulement quatre occasions, donc, de profiter d’un petit déjeuner à la carte.

Menu du petit déjeuner de la 1ère classe du paquebot Normandie de la Compagnie générale Transatlantique, Compagnie générale maritime, French lines & compagnies, 1935

L’opulence transparaît dès la couverture, la Compagnie Générale Transatlantique ayant choisi d’illustrer son menu de reproductions des peintures de Vary représentant le Soleil Royal, le vaisseau-amiral de la flotte de Louis XIV, aussi lourdement armé qu’il est ornementé.

Ces prestigieuses peintures, réalisées sur vélin et réhaussées d’or, sont conservées à la BnF et seraient des copies de dessins originaux réalisés par Jean Bérain, créateur des décors de ce vaisseau.

Menu du petit déjeuner de la 1ère classe du paquebot Normandie de la Compagnie générale Transatlantique, Compagnie générale maritime, French lines & compagnies, 1935

Mais ce qui intéresse les passagers au petit matin, c’est évidemment le contenu de ce menu. Si les Français peuvent bien sûr composer un petit déjeuner "continental" à partir d’une boisson chaude et de viennoiseries, ils devront pour cela fouiller du regard parmi l’abondance de choix qui s’offrent à eux, car ils pourraient tout autant opter pour un repas complet.

En effet l’idée, alors déjà bien répandue aux Etats-Unis, que le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée, se traduit ici par une très grande variété de plats de viandes, de poissons et de légumes. Ils sont complétés par des préparations à base de fruits, d’œufs et de céréales.

Pour ces dernières, quelques marques familières et encore présentes dans nos bols font ici une de leurs premières apparitions dans un texte français. Les célèbres Corn Flakes du Dr Kellogg côtoient les All Bran (son de blé) de la même marque mais aussi la concurrence des Quaker Oats (flocons d’avoine), des Wheatena (blé grillé) ou des Grape Nuts (préparation à base de levure).

Ces noms américains devaient en revanche interpeller les passagers français qui les lisaient pour la première fois, l’adoption généralisée des céréales dans le petit déjeuner français intervenant plutôt dans les années 1970 et 1980, avec l’implantation des premières usines sur le territoire et, surtout, avec le lancement de campagnes publicitaires intensives.

A l’inverse, quelques noms de plats à consonance bien française semblent être tombés dans l’oubli. Ainsi, les pommes de terre "Pont-Neuf" désignent tout simplement des frites tandis que les "Pommes Bonne Femme" proposées parmi les fruits correspondent à une recette de pommes au four.

La recette en question varie d’ailleurs énormément dans le courant de l’exploitation du Normandie. En 1934, à l’aube de sa mise en service, celle qui est retranscrite par Bertrand Guégan est particulièrement riche et savoureuse, sur le fond comme sur la forme.
En pleine seconde guerre mondiale, en 1941, le Normandie est réquisitionné par les Etats-Unis pour transporter leurs troupes. En France, le régime de Vichy impose un rationnement qui se ressent jusque dans les "Pommes Bonne Femme". La recette alors proposée par Prosper Montagné dans La cuisine avec et sans tickets est autrement plus frugale et rédigée sur un ton bien plus sobre.

paquebot.png

Normandie, Transatlantique, French Line, Le Havre-Southampton-New York, affiche, 1935

Ce menu, d’abord franco-américain, atteint une portée internationale pour s’adapter à la clientèle cosmopolite et exigeante de la 1ère classe. Chacun devait pouvoir retrouver en mer ses habitudes matinales mais aussi se voir offrir l’occasion de s’en écarter. Le temps suspendu et contraint de la traversée était-il alors propice à l’échange et à l’expérimentation gustative des passagers ? Les voyageurs américains se laissaient-ils tenter par les "Pommes Bonne Femme", et les passagers français goûtaient-ils aux corn flakes de leurs voisins de cabine ?

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