Émilie du Châtelet et les sciences
Émilie du Châtelet (1706-1749) est une femme de sciences et de lettres à l’époque des Lumières. Longtemps, elle reste connue comme femme d’esprit et compagne de Voltaire. Mais elle est, aussi, mathématicienne, physicienne et traductrice de Newton. Elle est la première femme à avoir été publiée par l’Académie des sciences.
Mme du Chatelet. Portrait gravé par Geoffroy d'après un tableau de La Tour, MNHN
Femme cultivée et libre
Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de Breteuil (1706-1749) fille du baron Louis Nicolas Le Tonnelier de Breteuil (1648-1728), est issue d’un milieu aristocratique. Elle est née à Paris en 1706. Son père, diplomate sous Louis XIV, est ouvert d’esprit et donne la même éducation à Émilie qu’à ses garçons. Elle reçoit, donc, une éducation exceptionnelle pour une femme de cette époque. Particulièrement douée, elle apprend les langues dont le latin et le grec, et la philosophie naturelle, autrement dit les sciences. Elle excelle aussi dans les arts comme le théâtre et la musique.
En 1725, âgée de 19 ans, elle épouse le marquis Florent Claude du Châtelet qui fait une carrière militaire. Ensemble, ils ont trois enfants dont le dernier ne survit pas, décédant au début de 1734. Elle écrit dans une correspondance à Maupertuis : « Mon fils est mort cette nuit, Monsieur ; j’en suis, je vous l’avoue, extrêmement affligée. » Par la suite, d’un commun accord, le couple décide de se séparer, après neuf années de vie commune.
Sa rencontre avec Voltaire et des scientifiques
Voltaire peint par de Latour en 1736 ; gravé par Balechou, 1736-1764
En 1733, elle rencontre Voltaire dans les salons parisiens. De retour d’Angleterre, il lui fait découvrir Newton. Tous deux décident de quitter la vie mondaine et de s’installer au château de Cirey-sur-Blaise en Champagne où ils vivent de 1733 à 1749 par intermittence. Voltaire y fait installer un cabinet de physique, en vogue au XVIIIe siècle. Il est alors en disgrâce à la cour de France et est menacé d’arrestation pour ses Lettres philosophiques (1734).
Durant l’hiver 1733-1734, Pierre Louis Moreau de Maupertuis (1698-1759), mathématicien, physicien et astronome, lui donne des leçons de mathématiques et l’initie aux travaux de Newton. Elle devient sa maîtresse.
Pierre Louis Moreau de Maupertuis, 1755
Alexis Claude Clairaut (1713-1765), mathématicien de l’Académie royale des sciences, lui donne des leçons de mathématiques et écrit Elémens de géométrie pour elle. Elle prend aussi des cours de mathématiques avec l’Allemand Johann Samuel Koenig qui lui enseigne les théories de Leibniz.
Reconnaissance par l’Académie royale des sciences
Émilie Du Châtelet veut concourir pour le prix de l'Académie royale des sciences. Le thème de l’année 1738 est sur la nature du feu. Voltaire veut y participer et prépare un manuscrit. Aussi, rédige-t-elle, la nuit, à l’insu de Voltaire, un mémoire sur la nature et la propagation du feu. Pour participer aux réunions en marge de l’Académie, elle s’habille en homme. Elle fait une synthèse de toutes les connaissances sur le sujet. Comme à son habitude, elle y fait preuve d’une vraie érudition mais ses réflexions ne s'appuient pas sur l'expérimentation. De plus, le rôle de l’oxygène dans la propagation du feu n’est pas encore connu. Il faudra attendre 1775 pour qu’Antoine Laurent de Lavoisier découvre les principes de la combustion par l’oxygène. Les dissertations sont présentées au concours de l’Académie de manière anonyme. Le prix est décerné à Leonhard Euler, membre de l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Toutefois, l’Académie décide de publier le manuscrit d’Émilie du Châtelet en 1739. C’est la première fois que le texte d’une femme est publié par l’Académie. Ainsi, la jeune femme obtient sa place au sein de la communauté scientifique française.
Jamais femme ne fut si savante qu’elle, et jamais personne ne mérita moins qu’on dît d’elle : c’est une femme savante. [...] Elle ne parlait jamais de science qu’à ceux avec qui elle croyait pouvoir s’instruire, et jamais n’en parla pour se faire remarquer.”
Elle écrit en 1740 Institutions de physique où elle expose la théorie de Leibniz sur les monades. Koenig essaie, sans y parvenir, de se faire passer pour l’auteur de l’ouvrage. Le premier chapitre de l’ouvrage Des principes de nos connoissances fait, encore aujourd’hui, référence en la matière.
Figures in Institutions de physique / [par la Marquise Du Châtelet], 1740
Outre la brouille avec Koenig, cet ouvrage fait l’objet d’une controverse scientifique avec Dortous de Mairan sur la théorie des forces vives. Elle y répond brillamment. Les années suivantes, le livre est traduit en italien puis en allemand. Ce qui la fait connaître au-delà de la France. Ainsi, en 1746, elle est élue membre de l'Académie des sciences de l'institut de Bologne, la seule institution d’Europe alors ouverte aux femmes. Elle compte alors parmi les dix savants les plus célèbres d'Europe.
Traductrice de Newton
Initiée par Voltaire et Maupertuis à l’œuvre de Newton, elle en devient une fervente admiratrice. En 1745, elle commence la traduction de Philosophiae naturalis principia mathematica pour lequel elle fait toujours autorité.
Elle traduit la troisième édition de l’œuvre écrite en latin et publiée en 1726. La première édition date de 1687. La traduction Principes mathématiques de la philosophie naturelle est publiée à Paris en 1759 en deux tomes, de manière posthume, 10 ans après sa mort, avec une préface en forme de poème de Voltaire. Dans cet ouvrage, Newton développe les lois mathématiques appliquées aux phénomènes naturels comme la loi de la gravitation, le mouvement des corps, le mouvement des planètes ou la théorie des marées… Parallèlement à la traduction, elle est l’auteur de commentaires Exposition abrégée du système du monde selon les principes de Monsieur Newton où elle explique de manière didactique les théories de Newton, qui sont l’objet du second tome. Elle envoie ses manuscrits à la Bibliothèque du Roi peu avant sa mort probablement dans un souci de postérité.
Même si elle n’invente pas de nouvelles théories, elle a la volonté de comprendre et de rendre accessible les travaux scientifiques de ses prédécesseurs au plus grand nombre. Elle vulgarise les sciences, à sa façon, avant l’heure.
Elle décède en 1749, à l’âge de 43 ans, quelques jours après l’accouchement de son quatrième enfant né de sa relation avec le poète et philosophe Jean-François de Saint Lambert. Voltaire et Monsieur du Châtelet sont aussi à son chevet.
J’ai perdu un ami de vingt-cinq années, un grand homme qui n’avait de défaut que d’être femme… Voltaire.”
Portrait gravé par Pierre Gabriel Langlois en 1786 d'après un tableau de Marianne Loir, MNHN
Pour aller plus loin :
Catalogue d’exposition : Madame Du Châtelet : la femme des lumières / sous la direction d’Elisabeth Badinter. BnF, 2006
Essentiels de la littérature sur Madame du Châtelet
Fiche pédagogique sur Madame du Châtelet
Commentaires
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Commentaires
J'adore c grv instructive et sa nous apprend bcp de choses
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