Le bon docteur Guillotin
Destin étrange que celui de Joseph-Ignace Guillotin (1738-1814). Son nom reste indissolublement associé à celui de la terrible machine à décapiter les têtes, mais est-ce vraiment justifié ?
Une idée révolutionnaire
Elu député du Tiers-Etat, le docteur Guillotin est considéré par ses contemporains comme un esprit libéral et progressiste. Dans un but humaniste et une vision égalitaire de la société, il soumet en 1789 à l'Assemblée nationale une proposition de réforme du mode d'exécution capitale. Ses recherches lui ont appris qu'en Allemagne et en Italie il existait dès le XVIe siècle une machine à décapiter les têtes et qu'en France au XVIIe siècle, on la désignait sous le terme de doloire. L'usage semble s'en être perdu, mais selon le médecin, cela remplacerait avantageusement les anciennes formes de mises à mort publiques précédées d'horribles supplices et déterminées par le statut social des condamnés. La décapitation, considérée moins infâmante pour l'individu et sa famille, était réservée aux nobles tandis que les individus appartenant aux classes plébéiennes étaient envoyés à la potence pour y être pendus. Le décret visant à un traitement égalitaire lors des peines de mort est promulgué.
La mort instantanée ou pas ?
L'autre argument avancé par le médecin est qu'il s'agirait d'un procédé rapide et indolore. En effet, lors de ses recherches sur les différents modes d'exécution capitale, il a découvert que la strangulation provoque des convulsions, des contractions nerveuses, et une agonie particulièrement lente et douloureuse lors des pendaisons. Tandis que le praticien l'affirme :
Avec ma machine, je vous fais sauter la tête d'un clin d'oeil et vous ne souffrez point.[...] Le supplice que j'ai inventé est si doux qu'on ne saurait que dire si on ne s'attendait pas à en mourir et qu'on croirait n'avoir senti sur le cou qu'une légère fraîcheur.
Cette assertion audacieuse provoque l'hilarité de quelques députés, ignorant que nombre d'entre eux l'expérimenteront - à leur corps défendant - en montant à l'échafaud dans les mois ou années suivantes ! En proie à un sentiment de gêne, les participants procrastinent en ajournant le vote du deuxième article.
Mais en 1791, les exécuteurs des hautes-oeuvres ayant fait valoir que la souffrance des condamnés à mort est liée à la durée de l'acte, l'Assemblée vote un décret du code pénal stipulant que : "Tout condamné à mort aura la tête tranchée". Cependant, conscients des conséquences dramatiques que peut avoir la maladresse de certains bourreaux lors des décollations par la hache ou l'épée, les députés exhument l'idée d'une mort instantanée car mécanique.
">Après la décolation de la tête, dans l'homme, les affections de la sensibilité continuent encore.[...] Dans la tête séparée du corps, le sentiment, la personnalité, le moi reste vivant pendant quelque temps, et ressent l'arrière-douleur dont le cou est affecté.
Le véritable inventeur de la guillotine
La mise au point du mécanisme est confiée au chirurgien Antoine Louis (1723-1792). Les sans-culottes désignent d'abord la machine infernale sous les termes de "la petite Louison" ou "la Louisette". Le bourreau Sanson procède à des premiers essais à l'hospice de Bicêtre sur des animaux et des cadavres. Puis le 25 avril 1792, le couperet s'abat sur un bandit de grand chemin. De septembre 1793 à juillet 1794, le mécanisme est industrialisé avec l'installation d'une cinquantaine de guillotines en France. Il s’avère que le recours à la machine à tuer facilite les exécutions de masse estimées à 20 000.
Cependant, le docteur Louis en mourant dès mai 1792 échappe en quelque sorte à toute responsabilité intellectuelle et c'est le malheureux Guillotin qui va porter l'opprobre de l'invention de la veuve, l'instrument qui servit si bien l'épisode de la Terreur. Le prétendu inventeur est cité dans les chants populaires tels que Le fameux Guillotin, mais dans le même temps, la presse contre-révolutionnaire le prend pour cible.
Croyant faire œuvre de salut public, ce philanthrope n’en récolta paradoxalement que haine ou railleries de la part de ses contemporains. La guillotine fut abandonnée définitivement en 1977 et la peine de mort abolie en 1981.
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