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Aux origines de la route des Grandes Alpes - I

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4 juillet 2019

720 kilomètres de cheminement à travers les Alpes françaises, franchissant 17 cols de montagne, entre le Lac Léman et la mer Méditerranée, la route des Grandes Alpes est un itinéraire touristique bien connu des vacanciers d’été et des cyclistes du tour de  de France. Classée en 1912, l’itinéraire mit pourtant plusieurs décennies à aboutir parmi les hauts massifs. Retour sur une épopée, en haute altitude

Briançon-Grenoble [Route des Alpes, service de transport automobile assuré par la compagnie PLM,] départ des auto-cars du chalet du PLM du Lautaret : [photographie de presse] / [Agence Rol]

 

Il n'est pas rare lorsque l'on s'aventure dans les Alpes, l'été, sur la route des cols de voir apparaître un panneau marron portant l'inscription "route des Grandes Alpes". Il renseigne l'automobiliste en vacances sur l'itinéraire pittoresque qu'il emprunte et dont l'aménagement remonte à plus d'un siècle.

 

A l’origine, fin XIXe siècle, construire des routes, surtout en montagne, est avant tout guidé par une préoccupation militaire. Il s’agit, à ce moment-là, de se doter d’un axe nord-sud reliant entre eux les forts édifiés par Vauban et permettant de garantir la frontière. C’est à cette époque que sont ouverts les cols de Vars (1890) et d’Izoard (1893-1897) notamment afin de relier les fortifications de Briançon à la sentinelle du fort de Tournoux, qui surplombe l’Ubaye.
 

 
La Condamine et le fort de Tournoux, issu de la Route des Alpes, Touring Club de France. Editeur scientifique 1913-1920
 

A l’origine, il y a aussi l’avènement de l’automobile. Devant la faible rentabilité financière d’une voie de chemin de fer, serpentant parmi les contreforts escarpés qui relient entre elles les vallées, l’automobile signe la véritable conquête de la montagne.

 

La route du tourisme

Et puis il y a surtout le Touring Club de France, association créée en 1890 pour promouvoir le cyclotourisme et qui va rapidement concourir au développement du tourisme global en France dans la première moitié du XXe siècle. En 1904, Léon Auscher, vice-président du comité du tourisme en montagne du Touring Club de France (TCF) est l’un des premiers à plancher sur un projet de route des Alpes :
 
S’il est un projet séduisant, c’est bien celui de grande route des Alpes, destinée dans l’idée du Touring Club, à permettre d’effectuer le trajet direct Nord-Sud entre Evian et Nice, le lac de Genève et la Méditerranée, entre les deux points qui marquent les extrémités cardinales de la partie française de la grande chaîne des Alpes
 

 

Route des Alpes, 651 kilomètres, telle que présentée par Léon Auscher au Touring Club de France en 1909

 
 

Auscher part d’un constat : les grandes vallées françaises des Alpes, contrairement à celles de Suisse, ne communiquent pas entre elles et constituent de véritables culs de sacs, dont la seule issue est l’Italie, eu égard à leur ancienne appartenance au Royaume de Sardaigne. Et en premier lieu, les deux plus grandes vallées savoyardes, la Tarentaise et la Maurienne « qui ne communiquent à l’heure actuelle que par leurs débouchés inférieurs ». C’est-à-dire par Albertville et Saint-Michel de Maurienne.
 
Ainsi entre Val d’Isère et Bonneval, il y a seulement 25 km, mais il faut en parcourir 226 en passant par Albertville si l’on veut rejoindre les deux communes par une route carrossable. L'itinéraire projeté envisage donc de passer par le col de l’Iseran, à 2770 mètres. Un attrait de plus car la voie deviendrait alors la plus haute route d’Europe devant sa cousine autrichienne la route du Stelvio, dans le Tyrol et dépassant l’actuelle plus haute route de France, un tunnel percé dans le col du Parpaillon, à 2644 mètres d’altitude, entre Ubaye et Embrunais.
 
Depuis le Lac Léman, le premier vrai point d’achoppement sur la route des Alpes, c’est donc le col de l’Iseran, chemin muletier de 16 km qui fait obstacle à la liaison Tarentaise-Maurienne, au plus près des cimes du massif de la Vanoise. Et cette voie sans issue le restera encore une trentaine d'années avant que 16 km de revêtement permettent aux automobilistes de franchir le défilé entre les deux vallées.
 

Chamonix - Evian-les-Bains, agence Rol, 1922

 

 

Vers le classement de la route

Un autre obstacle barre la route des Alpes, un peu plus au sud, le col de la Cayolle qui mène à la source du Var. François Arnaud, enfant de Barcelonette et de la vallée de l’Ubaye, s’en est fait l’écho dès 1900, défendant l’idée d’un tracé direct et plus pittoresque dans les Alpes méridionales que l'actuel passage par la chaussée étroite du col d'Allos. Le guide Gallimard de la route des Alpes retranscrit ses propos :
« Le jour prochain où la route nationale reliant l'Ubaye au Var, par le col de la Cayolle, sera terminée, on aura de Nice à la Savoie par les cols de la Cayolle, de Vars et du Galibier, à 20 km en arrière de la frontière, une route carrossable qui sera le passage favori, obligé presque, du grand tourisme et des colonies étrangères qui partagent leur séjour en France entre le littoral de la Méditerranée et la Savoie. »

Le classement d’une nouvelle route nationale empruntant le col de la Cayolle remonte à une délibération du 31 décembre 1896. Mais depuis, les travaux n’ont pas vraiment avancé. Et pour cause : afin de mener à bien ces projets, il faut des financements. Qui pour subventionner les travaux : l’Etat ? Les départements concernés ?  
 

Le 22 janvier 1906, le ministre des travaux publics annonce dans une dépêche que la route des Alpes, d’une longueur totale de 601 km, empruntera des routes nationales existantes sur 472 km, 30 km étant en construction et 50 km restant à construire. Et réclame, pour ce faire, le concours des départements de Savoie, des Hautes et Basses Alpes.

 

 

Entre 1906 et 1909, le classement et la construction de la route donnent lieu à une passe d’arme entre le ministère des travaux publics et le conseil général des Hautes Alpes, qui se déclare dans l’incapacité de répondre aux investissements exigés par les pouvoirs publics. C'est, à nouveau, l'appui du Touring Club de France, qui permet de remettre le projet sur les rails. Une aubaine pour le conseil général des Hautes Alpes, évoquée lors de la session extraordinaire du 22 novembre 1913: « Le classement et la construction de la Route des Alpes devaient déjà à cette époque préoccuper vivement les sociétés sportives, et cette préoccupation devait être très vive puisque la très importante association du Touring Club de France crut devoir (…) proposer son intervention financière ».

 

Abel Ballif, le président du Touring Club de France, résume, en effet, l’entrain du TCF pour ce projet dans Le Matin.

 

La Route des Alpes !... Ce n’est ni celle d’Annibal (…) ni celle de Bonaparte (…) Notre route des Alpes ne menace point les fertiles plaines de la Lombardie et ne prépare nulle invasion (…) Sa valeur, pour nous, est d’être la voie touristique la plus remarquable dont la France puisse se glorifier bientôt
Un tel dessein valait bien les 188 000 francs de rallonge accordée au Conseil général des Hautes Alpes par l’association de tourisme.
 
Le pouvoir politique embraye le pas du TCF, déclarant la route « d’utilité publique » le 5 avril 1912. Le classement d’une nouvelle route nationale 212, dite « route des Alpes » est officiellement adopté. Reste désormais à finaliser l’itinéraire mais la guerre va venir s'interposer sur le tracé.

 

 

 

Bibliographie

 

 

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