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L'adduction en eau potable : l'exemple de Paris et sa banlieue : 1/3

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4 mai 2020

L 'accès à l'eau potable est un enjeu majeur pour la santé et l'hygiène publique, particulièrement dans les villes. Les aqueducs romains ont apporté l'eau jusqu'au cœur de la cité mais ont été souvent détruits  ou peu entretenus :  la ville médiévale s'est repliée sur ses puits et ses quelques fontaines publiques alimentées par les fleuves. Enjeu vital, stratégique, politique et sanitaire, l'adduction en eau potable à Paris s'est construite en plusieurs étapes.

 

Au début de l'Ancien Régime, on vient chercher son eau à l'une des douze fontaines, dont celles de Saint-Lazare, des Halles, la fontaine des Innocents, qui alimentent la capitale, ou aux puits, en croisant ainsi une foultitude de porteurs d'eau. L'eau des douze fontaines vient de la Seine, apportée depuis deux aqueducs, celui du Pré-Saint-Gervais, et celui de Belleville avec tuyaux en terre cuite et en plomb. Mais Paris manque d'eau et de nombreux particuliers ont opéré des dérivations de ces conduites à leur seul usage. Une des premières grandes réalisations permettant d'apporter l'eau jusqu'à de nouvelles fontaines est la pompe de la Samaritaine.
 
Les pompes de la Samaritaine et de Notre-Dame
 

 
Sur le Pont-Neuf, initié par Henri III, son successeur Henri IV décide la construction d'une pompe  destinée à puiser l'eau de la Seine pour alimenter de nouvelles fontaines, le quartier du Louvre et des Tuileries. Ces travaux prennent place dans le contexte plus général d''embellissement de la ville : pavage des rues, nouvelles constructions ou nouvelles places. C'est le flamand Jean Linthauer qui conduit les travaux entre 1603 et 1608, installant la pompe  sur la deuxième arche du Pont-Neuf, comme présenté sur le plan, pompe appelée communément « pompe de la Samaritaine » car « on avait placé les figures du sauveur et de la Samaritaine à côté du bassin où tombait l'eau », selon la précision faite par l'abbé P.-F. Guyot-Desfontaines dans son Histoire de la ville de Paris parue en 1735.

 

Emplacement de la pompe au niveau de la deuxième arche du Pont-Neuf (plan de 1641)

Le poète  François de Malherbe peut ainsi écrire le 3 octobre 1608 : « L'eau de la pompe du Pont-Neuf est aux Tuileries », évoquant l'arrivée de l'eau jusqu'aux jardins et bâtiments royaux. Le bâtiment et la pompe ont varié selon les époques : ils furent notamment reconstruits en 1719, avec une nouvelle roue à aube et un étage supplémentaire pour le gardien de la pompe.

Le fonctionnement technique de la pompe est détaillé par Bernard Forest de Belidor dans  Architecture hydraulique, ou L'Art de conduire, d'élever et de ménager les eaux pour les différens besoins de la vie, paru en 1739. Il s'agit d'une pompe aspirante et refoulante : le courant de la rivière actionne une grande roue de 5,20 m de diamètre composée de huit pales. Une manivelle placée à l'extrémité de l'axe de la roue permet de mettre en mouvement deux pompes immergées dans l'eau qui élèvent l'eau jusqu'à un réservoir en hauteur, duquel partent les conduites de distribution.

 

L'apport en eau n'est cependant toujours pas suffisant : la pompe de la Samaritaine peut apporter 700m3 d'eau de la Seine qui s'ajoutent aux 350m3 des aqueducs. L'ingénieur Denis Jolly chargé de l'entretien de la Samaritaine propose alors la construction d'une seconde machine hydraulique placée sur le pont de Notre-Dame et munie de huit pompes. Les travaux sont réalisés par Pierre-Paul Riquet, par ailleurs entrepreneur du canal du Midi, et achevés en 1671. L'ensemble peut fournir 2000 m3 d'eau par jour. L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert propose une description et des planches détaillées sur la pompe de Notre-Dame.
 

Ces machines sont restaurées en 1700 par Rennequin et Turgot et fonctionneront jusqu'au milieu du XIXème siècle. Parallèlement,  des travaux sont réalisés pour apporter l'eau depuis les sources d'Arcueil par un aqueduc.

L'aqueduc d'Arcueil

Il existait un tracé initial d'aqueduc romain, mais Marie de Médicis et Louis XIII décident de la construction d'un nouvel aqueduc pour apporter l'eau des sources d'Arcueil. Commencé en 1613, alimentant quatorze nouvelles fontaines mais aussi directement la maison royale, il est mis en service en 1623 comme l'indique Pierre-Simon Girard, acteur majeur de l'adduction d'eau au XIXème siècle dans ses Recherches sur les eaux publiques de Paris, les distributions successives qui en ont été faites et les divers projets qui ont été proposés pour en augmenter le volume.
 
L'aqueduc alimente un château d’eau situé à l’angle de l’avenue de l’Observatoire et de l’avenue Denfert-Rochereau et duquel partent les canalisations. Son débit de 900m3 par jour est augmenté au cours des années suivantes par le captage de nouvelles sources à Rungis et à Cachan, grâce à la signature d'un traité avec le propriétaire des terres de Cachan, Casimir, ancien roi de Pologne, devenu, après son abdication en 1668, abbé de Saint-Germain-des-Prés.
 

La pompe « à feu » de Chaillot

La fin du XVIIIème siècle est marquée par une nouvelle innovation : l'emploi des pompes à vapeur.  Des pompes « à feu », c'est-à-dire à vapeur, étaient déjà employées dans les mines de Valenciennes et de Condé mais c'est en 1769, comme le relate Victor Delcroix dans son ouvrage La vapeur, que les frères Auguste et Constantin Périer acquièrent à Londres une pompe à vapeur Newcomen pour l'installer à Chaillot comme pompe hydraulique. Et l'auteur d'indiquer :

La machine de Chaillot (…) excita la plus vive curiosité ; mais quoiqu'elle fonctionna bien, on la voyait généralement d'un mauvais œil. Il suffisait qu'elle vînt d'Angleterre pour qu'on se plaignit de la qualité de l'eau qu'elle fournissait, et c'est à peine si les Parisiens consentirent à en faire usage après que l'Académie de médecine ait déclaré que cette eau était parfaitement saine. 

La pompe de Chaillot alimente des fontaines dites « marchandes » où l'eau est vendue au public et aux porteurs d'eau. Les lettres patentes obtenues par les frères Périer en 1778 prévoient même de pouvoir apporter l'eau à domicile contre rétribution, comme le résume la revue La Technique sanitaire et municipale : hygiène, services techniques, travaux publics dans un dossier spécial en 1958. L'accès à l'eau devient payant. Les premières machines sont surnommées « Constantine » et « Augustine » en l’honneur des deux frères, et les deux cheminées s'imposent dans le paysage urbain comme le montre la lithographie ci-dessous de Bacler d'Albe en 1822. D’autres machines sont ensuite établies au Port du Gros Caillou, pour le service de la rive gauche, en service jusqu'au milieu du XIXème siècle.

 

Pour en savoir plus :
Les Eaux de Paris dans le parcours consacré à l'histoire de Paris

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