Les manuscrits de Pasteur (2/3) : la vie de laboratoire et l'invention du microbe
Rentrés tardivement dans les collections de la Bibliothèque nationale, les manuscrits de Pasteur témoignent d’une vie consacrée à la recherche. Ses cahiers de laboratoire donnent à voir plus encore que des faits et des observations : une pensée à l’œuvre.
Ces cahiers sont un témoignage précieux de la vie de laboratoire, faite de relations sociales et de lectures autant que de mesures, d’instrumentations, d’hypothèses et de calculs. Pasteur apporte un grand soin à ses carnets d’écoliers, qu’il étiquette depuis 1856, datant, notant les lieux, corrigeant et soulignant au crayon bleu lors de sa relecture, ajoutant parfois une table des matières.
NAF 17953. Registre de laboratoire, Recherches sur les maladies du vers à soie, 1866, f.1
Pasteur organise ses cahiers non de manière purement chronologique mais par série : sur la cristallographie (7 cahiers), sur les fermentations (9 cahiers), sur les vins, les vers à soie, les maladies infectieuses, le choléra des poules, la rage… autant de séries qui s’accroissent au fil de ses commandes de recherche.
NAF 17941, Expériences sur les fermentations, couverture.
Sur ces matériaux préparatoires de travail, il donne des titres et prend soin de paginer afin de pouvoir faire des renvois. Il y décrit aussi les conditions de son travail, c’est-à-dire du cours de ses expériences, de leurs paramètres techniques et environnementaux. Ainsi peut-on lire la description et le mode d’utilisation du microscope Nachet :
NAF 17944, Renseignements divers, f.3
Mais on y retrouve aussi ses carnets d’enquêtes, commissionnées par le Conseil général du Nord sur les engrais, ou pour la Commission du choléra en 1852 (en 1832 près de 100 000 personnes en étaient décédées). Travaillant pour les viticulteurs sur la fermentation des vins d’Arbois afin de permettre leur transport et leur meilleure conservation, il retranscrit dans son carnet toutes les étapes :
NAF 17946. Cahiers concernant les vins, f.2
Ces carnets reflètent donc la diversité des domaines qu’aborda Pasteur dans ses recherches, mais s’ouvrent aussi à toutes sortes de sujets. On y trouve ainsi des notes sur le vocabulaire provençal relatif aux vers à soie, pour sa recherche dans le Midi sur la sériciculture :
NAF 17972, Recherches sur les maladies du ver à soie, f.2
Mais aussi des retranscriptions de lettres sur l’emploi du mot qu’il faut créer pour décrire tout ce monde vivant que l’on observe au microscope, les « microbes », où l’avis du célèbre lexicographe Émile Littré rejoint celui du médecin Charles-Emmanuel Sédillot, qui forgea le mot en 1878 :
NAF 18013, Recherches sur les maladies virulentes, f.14
Cette interrogation sur le terme à employer se retrouve dans la correspondance de Pasteur demandant à Michel Bréal de nommer la nouvelle science qu’il fonde :
« microbie […] a plutôt l’air de désigner une maladie causée par les microbes. Après y avoir mûrement pensé, je n’ai rien trouvé de mieux que bactériologie. Le mot – qui est bien formé – vient des Allemands ; mais la chose a été créée par les Français, et c’est l’essentiel.
NAF 18102, Lettre de Michel Bréal à Louis Pasteur du 25 février 1889
Mais on découvre aussi dans ces cahiers le compte-rendu d’un moment décisif de l’histoire de la médecine moderne, celui où Joseph Meister, alors âgé de neuf ans, mordu quatorze fois par un chien, fut conduit auprès de Pasteur, qui lui administra treize injections, de plus en plus fortes. Ce fut le premier humain vacciné contre la rage et le sujet autour duquel se fonda la campagne qui conduisit à la création de l’Institut Pasteur.
(À suivre...)
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