Madame de Genlis, de l'Encyclopédie aux maquettes
A l’occasion de la réouverture de l’exposition Top modèles. Une leçon princière au XVIIIe siècle, consacrée aux maquettes pédagogiques de Madame de Genlis et organisée par le Conservatoire national des Arts et métiers, Gallica se penche sur les sources imprimées de leur inspiration.
Gouvernante des enfants du duc de Chartres, Madame de Genlis, née Caroline Stéphanie Félicité Du Crest de Saint-Aubin (1746-1830), imagine des maquettes pédagogiques pour faire découvrir les arts et métiers à ses élèves, le futur Louis-Philippe et sa sœur Adelaïde. Observer et manipuler sont les fondements de sa pratique d’enseignante selon les nouveaux modèles portés par l’abbé Etienne Bonnot de Condillac (1714-1780) pour qui la connaissance vient de l’observation de la nature à l’aide de tous les sens. Madame de Genlis expose les principes qui la guident dans La Logique, ou les Premiers développements de l'art de penser en 1780. La curiosité pour les objets qui caractérise l'époque se manifeste par le succès continu des cabinets de curiosité désormais plus scientifiquement agencés et thématiques. Dans son Journal, Madame de Genlis note ses nombreuses visites dans les différents cabinets de marine, de monnaies, ou d’histoire naturelle. Elle explique également dans ses Mémoires le but de sa démarche d’apprentissage ludique par la manipulation d’objets :
L’hiver, à Paris (…) j’avais mis un tour dans une antichambre et aux récréations, tous les enfants ainsi que moi apprenions à tourner. J’appris avec eux ainsi successivement tous les métiers auxquels on peut travailler sans force (…), gaînier, vannier (…), nous avons fait des lacets, des rubans, de la gaze, du cartonnage, des plans en relief, des fleurs artificielles, des grillages de bibliothèque en laiton, du papier marbré, la dorure sur bois, tous les ouvrages imaginables en cheveux(…) enfin pour les garçons, la menuiserie.
Le Plombier, fabrication des tuyaux, L'Encyclopédie. Planches t. 8
Pour que ses élèves puissent expérimenter l’usage des outils, Madame de Genlis commande en 1783 des maquettes d’ateliers et de laboratoires aux frères Jacques Constantin et Augustin Charles Perier, ingénieurs, membres de l’Académie des sciences. Ces maquettes sont réalisées à l’échelle 1/8 par le fondeur François-Étienne Calla (1762-1836), ancien élève de Vaucanson.
Dans ses Mémoires, Madame de Genlis revient sur ces maquettes. « Outre leur palais des cinq ordres de l’architecture, qu’ils montaient et démontaient, je leur avais fait faire, dans les mêmes proportions et avec la même perfection, les outils et tous les ustensiles qui servent aux arts et métiers : l’intérieur d’un laboratoire avec les cornues, les creusets, les alambics… »
Cependant, ces maquettes sont considérées comme des divertissements qui ne se substituent pas à l’étude classique. Madame de Genlis les qualifie de « Joujoux ». Poursuivant ses réflexions sur l’éducation, elle rédige en 1799, sa Nouvelle méthode d’enseignement puis en 1801 Le Petit La Bruyère, ou Caractères et moeurs des enfans de ce siècle. Ouvrage fait pour l'adolescence.
Faïencerie, Encyclopédie. Planches. t. 4
Dix-sept maquettes sont donc réalisées, dont treize subsistent encore aujourd'hui, qui prennent principalement pour modèle les planches de l’Encyclopédie comme l'atelier du cloutier.
L’ouvrage de Diderot et D’Alembert, rédigé entre 1751 et 1772, ne devait à l’origine comporter que quelque 130 gravures. Ce sont finement onze volumes de planches, soit plus de 600 dessins et gravures qui paraissent entre 1762 et 1772. Plus compréhensibles que le texte, plus accessibles, les planches de l’Encyclopédie peuvent aussi échapper plus facilement à la censure. En effet, alors que le 7ème volume de texte vient de paraître, le privilège sur l’impression et la vente est révoqué en 1759. Le Recueil des planches sur les sciences et les arts reçoit en revanche toutes les autorisations en 1760 : privilège du roi, approbation et certificat de l’Académie dont les Commissaires, De Parcieux, Nollet, Morand, Delalande indiquent qu’ils n’ont « rien reconnu qui ait été copié d’après les planches de Monsieur Réaumur ».
Le potier de terre, L'Encyclopédie, Planches t. 8
L’Encyclopédie se rattache à une lignée d’ouvrages incorporant des dessins techniques, planches explicatives accompagnées de légendes qui donnent à l’image un rôle important de transmission des savoirs. De re metallica, écrit par George Agricola (1494-1555) est un exemple de dialogue entre le texte et l’image avec ses 293 gravures portant sur la mine et la métallurgie.
Les Descriptions des arts et métiers, faites ou approuvées par Messieurs de l’Académie est l'ouvrage le plus proche de l'Encyclopédie. Le projet est initié par Colbert. « Le roi voulut que l’Académie travaillât incessamment à un traité de mécanique, où la théorie et la pratique fussent expliquées d’une manière claire et à la portée de tous. (…) » indiquent les Mémoires de l’Académie royale des sciences en 1675. Les Mémoires permettent suivre l’élaboration des premiers écrits. Mr Buot est ainsi chargé de dresser un catalogue des machines qu’il réalise en faisant faire des modèles des machines anciennes et en s’appuyant sur les inventions présentées par leurs créateurs. La monumentale entreprise que constitue la rédaction de cette collection est dirigée par Réaumur à partir de 1709 puis Duhamel du Monceau. Enrichi par de nombreuses planches, l’ensemble est édité entre 1761 et 1782 et inspire les collaborateurs de l’Encyclopédie. Les planches servent également de modèles dans l’élaboration des maquettes commandées par Madame de Genlis comme l’atelier pour la fabrication d’eaux-fortes ou l’atelier du menuisier.
La Description des métiers et l’Encyclopédie partagent le souci de la précision et du détail, ce même souci qui anime les concepteurs des maquettes. Ainsi, le laboratoire de chimie représenté dans l’Encyclopédie donne à voir une variété d’instruments comme des cornues ou des alambics.
La description d’un métier ou d’une activité technique se décline en un lieu, des gestes et des outils, donnant lieu à plusieurs planches, divisées en bandes et figures accompagnées de lettres et chiffres renvoyant aux légendes plus fournies. Parmi les graveurs et dessinateurs qui participent à l’Encyclopédie, on peut citer les dessinateurs J. R Lucotte ou Radel et le graveur Goussier qui réalise par exemple le premier volume de planches. La première page indique ainsi : « C’est le sieur Goussier qui a dessiné sur les objets même(…) ce sont les srs Prevost, Ferht et Le Canu qui les ont gravés ».
Laboratoire et table des rapports, L'Encyclopédie, Planches, t. 3
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