Louis Dominique Cartouche (1693-1721) : légende et réalité 1/2
Le véritable portrait de Cartouche, estampe, 18e siècle
Cartouche, la légende
Qui n’a entendu parler de Cartouche ? Ce mot est devenu populaire comme synonyme, ou mieux comme augmentatif du mot voleur. Tout individu qui pratique le vol d’une façon vulgaire est un voleur. Mais il n’est pas donné à tous d’être un Cartouche.
C’est ainsi que Madame de Frémont amorçait un portrait dithyrambique paru dans le Journal des jeunes personnes, en 1842, dans lequel elle envisageait même de sanctifier Cartouche. Sans aller jusque-là, les auteurs montrent généralement le personnage sous un jour séduisant. C’est déjà le cas de la pièce Cartouche, ou les voleurs, écrite par Marc-Antoine Legrand (1673-1728), et représentée à la Comédie-Française, avant même le procès de Cartouche. Ça l’est aussi du poème de Nicolas Racot de Grandval (1676-1753), Le vice puni, ou Cartouche, dont la première édition remonterait à 1723, qui en fait un “Robin des bois”, redistribuant les richesses. Plus tard, aux XIXe et XXe siècles, les titres montrent une sympathie croissante pour le criminel devenu héros. Le romancier populaire Jules Beaujoint (1830-1892), alias Jules de Grandpré, publie Cartouche : roi des voleurs (Arthème Fayard, 1883). On doit à Paul Reboux (1877-1963), Le brigand Cartouche, roi des cœurs (Arthème Fayard, 1939), et à Jean Burnat (1918-1977), Cartouche, mon copain... (R. Laffont, 1957).
complainte sur l'air de la Belle Judith, 1721
Cartouche a dû représenter une aubaine pour les colporteurs, qui diffusaient cette complainte criminelle, ainsi que des gravures représentant le bandit, qu’on s’arrachait, au-delà même des frontières du royaume, preuve de sa popularité. Celle-ci ne tarit pas avec le temps. Au milieu du XIXe siècle, encore, l’imagerie d’Epinal reprend pour le jeune public des scènes d’une pièce jouée au Théâtre de la Gaîté.
Histoire de Cartouche : [histoire enfantine], images d’Epinal de la maison Pellerin, 1859
Vie et méfaits de Cartouche, d’après les sources judiciaires et littéraires de l’époque
Pour apprendre à connaître Cartouche, pouvons-nous plutôt nous fier à l’étude documentée que fait paraître Barthélémy Maurice, en 1857, en feuilletons, dans le Figaro, avant l’édition d’une monographie : “Cartouche : histoire de sa vie et de son procès recueillie à la section judiciaire des archives de l’Empire et parmi les divers documents de l’époque” ?
Barthélémy Maurice décrit l’insécurité de la capitale en ce début du XVIIIe siècle, insécurité décuplée, à partir de 1717, du fait de l’action organisée d’une bande aux ordres d’un chef : Cartouche ! Ni l’instruction reçue - il ne sait ni lire, ni écrire - , ni ses caractéristiques physiques - il est chétif comme un enfant - , ne le prédisposaient pourtant à détenir un tel pouvoir. Barthélémy Maurice, pour donner à ses lecteurs une représentation fidèle du personnage, demande à Nadar (1820-1910) de photographier un buste en cire existant de Cartouche.
Buste en cire de Louis Dominique Cartouche, photographie de Nadar (1820-1910), 1854-1860
Cette assertion est à nuancer ! Barthélémy Maurice reprend là les sources controversées citées plus haut. Or, selon Patrice Peveri, plutôt qu’une vaste organisation criminelle, ce sont des associations éphémères de malfaiteurs qui se nouent à l’époque, au gré des mauvais coups à accomplir. Il est certain cependant que Cartouche était un personnage influent dans le milieu criminel de l’époque et disposait d’un réservoir de collaborateurs important !
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