Jacques Tenon (1724-1816)
On suppose avec raison que, comme ses semblables, l’hôpital parisien Tenon doit tirer son nom d’un illustre médecin. Mais qui était ce médecin et à quoi doit-il cette postérité ?
Globes oculaires et instruments (©BIU Santé), extraits de
Mémoires et observations sur l'anatomie, la pathologie et la chirurgie (1806)
Jacques René Tenon (1724-1816) n’est pas devenu médecin par hasard. Né à Sépeaux (Yonne) dans une famille de chirurgiens (ses deux grands-pères et son père le sont), il suit la tradition familiale et, en 1741, part faire ses études de médecine à Paris, où il fréquente notamment l’Hôtel-Dieu. Au Jardin du Roi (aujourd’hui Jardin des Plantes), il suit les cours du chirurgien Jacques-Bénigne Winslow, qui l’accueille dans son laboratoire et l’initie à l’anatomie.
Tenon s’est intéressé à beaucoup de domaines de la médecine. Après une pratique de la chirurgie militaire sur le terrain, durant la campagne de l’armée de Flandres en 1744, il exerce pendant six ans à la Salpêtrière. Dès le début de son activité, il procède à des variolisations et crée, au sein de cet hôpital, un centre d’inoculation de la variole. Il s’intéresse aussi de près à l’ophtalmologie. En 1755, il présente devant l’Académie un Mémoire sur la cataracte qui fut primé et publié dans les mémoires des savants étrangers. Sa thèse de médecine, soutenue en 1757 sous la présidence de Jean-Baptiste Andouille, porte sur le même sujet : De cataracta. Des années plus tard, en 1803, il décrit la membrane qui entoure le globe oculaire et le cône rétrobulbaire, membrane qui lui est toujours associée aujourd’hui puisqu’elle porte le nom de « capsule de Tenon » ou « gaine de Tenon ». A partir de 1757, il occupe la chaire de pathologie au Collège de chirurgie.
Cependant, si un hôpital parisien porte aujourd’hui son nom, c’est peut-être parce que Tenon fit beaucoup pour la réforme des hôpitaux à la fin du XVIIIe siècle. En 1785, le roi charge l’Académie des sciences (où Tenon était entré en 1759, dans la section d’anatomie) de rédiger un rapport sur la reconstruction de l’Hôtel-Dieu de Paris qui, en 1772, fut en partie détruit par un incendie.
Plan du bâtiment méridional de l’Hôtel-Dieu
C’est pour Tenon l’occasion de rendre public le fruit de vingt années d’observations sur les hôpitaux qu’il met à disposition de l’Académie. En 1788 il publie ses Mémoires sur les hôpitaux de Paris, que l’Académie considéra alors comme « l’ouvrage le plus approfondi et le plus complet dans ce genre ». En quatre mémoires, Tenon liste et décrit les hôpitaux de la capitale (leur organisation, leurs spécificités, leurs avantages et inconvénients), avant de s’intéresser plus particulièrement à l’Hôtel-Dieu. Il y développe un certain nombre d’idées modernes : la séparation des blessés et des malades selon leurs affections, l’importance de l’hygiène, l’amélioration du sort des aliénés, ainsi que la construction d’un hôpital d’inoculation pour enfants (à Saint-Mandé).
Passionné de réforme sociale, Tenon s’engage également en politique. Élu député de la Législative en 1791, il siège parmi les modérés. Il participa au comité de salubrité, et fut chargé de plusieurs rapports, notamment sur les hôpitaux et les écoles de médecine.
Portrait de Tenon à 90 ans,
dessiné par Jean-Noël Halle, un confrère de l’Institut où Tenon siège à partir de 1795 (©BIU Santé)
Son mandat de député se terminant en septembre 1792, il n’est pas réélu sous la Convention et décide de se retirer à Massy. Il a alors près de 70 ans. Il y demeure jusqu’en juillet 1815 lorsque, chassé par les armées russes, il se réfugie à Paris où il meurt le 15 janvier 1816. Au cours de sa retraite à Massy, il s’intéressa particulièrement à l’étude de la croissance des dents, sacrifiant ainsi ânes, mulets et chevaux pour étudier leur denture en fonction de leur âge. Parmi les sept cartons de papiers personnels conservés par la bibliothèque de l’Académie nationale de médecine, on trouve un écho de ces recherches que Tenon ne publia jamais.
Pour beaucoup, Tenon fut un précurseur en matière d’anatomie comparée, d’odontologie et d’assistance.
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