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Soulèvements de la mémoire

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Pour remettre notre mémoire en mouvement, rendons nous au Jeu de Paume... Jusqu'au 15 janvier 2017, s'y trouve la riche et vaste exposition conçue par Georges Didi-Huberman, Soulèvements, à l'occasion de laquelle l'équipe Gallica a sélectionné quelques documents en ligne.

« Suffragettes et Policemen ». L’Œil de la police, 272, Paris, 1914

En 5 chapitres aux titres évocateurs – Par éléments (déchaînés), Par gestes (intenses), Par mots (exclamés), Par conflits (embrasés), Par désirs (indestructibles) – le visiteur avance en terrain parfois connu (« Les désastres de la guerre » de Francisco de Goya, planche n°7), parfois moins (« Les camps de reconcentration au Transvaal », illustration de Jean Veber).

« Permettre un reclassement général des valeurs lyriques et […] proposer une clé capable d’ouvrir indéfiniment cette boîte à multiple fond qui s’appelle l’homme » écrivait André Breton dans son Dictionnaire abrégé du surréalisme en guise de définition de l’écriture automatique. La révolution surréaliste, sans être centrale dans le parcours proposé, n'y est pas complètement étrangère (l'original du numéro 1 de la revue La révolution surréaliste, en 1924, porte une couverture rouge que la numérisation dans Gallica, ancienne et en noir et blanc, ne permet pas de voir). On y découvre des œuvres dont le rapprochement sur les murs ou dans l'espace, au-delà de leur beauté individuelle ou de leur histoire propre, fait sens, avec humour comme le Marteau brisé qu'Antonin Artaud utilisait à l'asile d'Ivry pour marteler sa diction et sur lequel le regard tombe immédiatement après les 4 minutes 42 de The glass of milk, une œuvre vidéo de 1972 de Jack Goldstein qui fait voir et entendre le martèlement régulier du poing fermé sur la table, jusqu'à disparition du verre de lait ... Le sens jaillit aussi de manière imprévue quand, au détour de l'accrochage, on s'arrête enfin devant la projection de quinze bouches qui fredonnent un air easy to remember (2002) de l'artiste contemporaine Lorna Simpson, cet air que l'on entendait depuis l'entrée dans la deuxième partie de l'exposition, « Par gestes (intenses) », et dont on pensait d'abord qu'il s'agissait d'une plainte sourde, intense et profonde mais que l'on découvre finalement joyeux et sensuel.

Des écrivains, familiers, et plus particulièrement les poètes, omniprésents, viennent apporter leur scansion dynamique à l'exposition, par allusion, par référence, par citation ou par détournement : Victor Hugo (« Toujours en ramenant la plume »), Charles Baudelaire (« Depuis trois jours, la population de Paris est admirable de beauté physique ... » écrit-il dans l'éphémère issu des journées révolutionnaires de février 1848 : le Salut public), Henri Michaux pour ses peintures et dessins mescaliniens, Bertolt Brecht et son Antigone, Philippe Soupault et le tract de 1921 : « DADA soulève TOUT ». Que chacun d'entre eux entretienne un rapport à l'art libre, puissant et savant n'est pas le fait du hasard : à l'engagement des écrits (la troisième partie de l'exposition « Par mots (exclamés) » s'en fait essentiellement l'écho) se superpose le regard en alerte, l'œil tout à la fois averti et innocent.

L'art apporte sa force aux soulèvements : Tina Modotti, Marcel Gautherot, Gilles Caron (dont le détail de l'une de ses photos sert d'illustration à la 1ère de couverture du catalogue de l'exposition), Henri Cartier-Bresson, Ever Astudillo Delgado, Alberto Korda, Dennis Adams... pour chaque artiste, une ou plusieurs photos dont la beauté et la simplicité en manifestent la puissance évocatrice. Et ce n'est pas le moindre attrait de l'exposition du Jeu de Paume.

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Les Camps de reconcentration au Transvaal : estampe de Jean Veber, L'assiette au beurre, 28 septembre 1901

Pour aller plus loin

On peut retrouver des ressources éducatives et culturelles et de nombreuses autres images sur la plateforme de l’exposition. Sous l’onglet « Cartographie » y figurent aussi, de manière plus originale, des documents qui ne sont pas présentés dans l’exposition mais ont été sélectionnés dans leurs collections par de nombreux établissements partenaires comme la BnF.

Dans le billet « Soulèvements : ciné œil, ciné-poing » du blog Lecteurs (27 octobre 2016), on trouve la programmation audiovisuelle de la BnF autour de cette exposition.

Et l'émission « Ce qui nous soulève »  (Les regardeurs, le 16 octobre 2016 sur France Culture) apporte d’intéressants éclairages par son concepteur Georges Didi-Huberman sur le sens de ce parcours.

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