La bataille d’Hernani dans Gallica
Il y a cent quatre-vingts ans, le 25 février 1830, avait lieu au Théâtre-Français la première représentation du plus fameux drame de Victor Hugo, Hernani, qui conte les amours contrariées d’Hernani et de doña Sol à la cour de Charles Quint. Gallica donne accès au texte et au manuscrit de la pièce, à une esquisse du décor original ainsi qu’à de nombreux documents qui témoignent du rôle majeur que la « bataille d’Hernani » joua dans l’histoire du théâtre romantique.
Fonds Victor Hugo. II -- ŒUVRES. Hernani.
Source: Bibliothèque nationale de France
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b60005257/f11.image
Un affrontement savamment orchestré
Le refus délibéré de se conformer aux règles du théâtre classique, les libertés prises avec la versification française et l’apologie de la jeunesse et de la liberté incarnée par le personnage d’Hernani contribuèrent à cristalliser autour de la pièce un débat à la fois littéraire et idéologique dont la presse se fit l’écho. Les milieux romantiques anticipèrent la bataille et se mobilisèrent activement. Hugo organisa la « claque » des premières représentations en recrutant des dizaines de jeunes artistes acquis à sa cause, comme le rapporte plus tard Adèle Hugo dans Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie (1863).
[Hernani : esquisse de décor de l'acte IV]
Source: Bibliothèque nationale de France
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b70010236
Les premières représentations furent mouvementées ; cris et insultes fusaient, interrompant parfois les acteurs – parmi lesquels la célèbre Mlle Mars. On accusa les partisans de Hugo de jeter de l’huile sur le feu. Armand Carrel, dans les colonnes du National, se montra d’une grande véhémence à leur égard, tout comme le chroniqueur du Figaro et celui du Constitutionnel qui dénonça les « ligueurs » qui « fermaient les issues [du théâtre] à quiconque ne portait pas inscrit sur sa bannière : Hernani »… D’autres journaux furent plus mesurés, voire élogieux : dans ses éditions du 27 février et du 1er mars, le Journal des débats consacra deux articles à cette « production brillante et originale », tandis que la Revue encyclopédique de mars 1830 y reconnaissait « quelque chose de frais, de neuf, de vigoureux… ». Sur une note plus légère, Le Gastronome du 14 mars déclara qu’« il n’y a[vait] pas moyen d’avoir d’indigestion d’une ou d’autre sorte après un spectacle si bienfaisant ! »
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b6903223g/f1.item
La naissance d’une légende héroïque
Le succès de scandale qu’obtint la pièce suscita plusieurs parodies, comme Harnali ou la contrainte par le cor, et stimula la verve des « hugophiles » (Louis Chalmeton et Auguste Dorchain) aussi bien que celle des « hugophobes » (Aliès, Amédée du Leyris ou F.-X. de Céliès). Les romanciers ne tardèrent pas à s’emparer de cette bataille, véritable terreau romanesque où s’épanouissent les héros des Folles nuits (1843) de Jules Lacroix et de Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale (1846) de Louis Reybaud.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le souvenir héroïque des combats d’antan fut entretenu par la publication des mémoires des principaux témoins comme Marie Mennessier-Nodier, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Augustin Challamel ou encore la comtesse Dash. Ainsi naquit une légende faite de répliques cultes (« Vous êtes mon lion superbe et généreux », « Vieillard stupide, il l’aime ! »), d’objets fétiches (le gilet rouge de Théophile Gautier) et d’anecdotes fantaisistes dont on se prend à espérer qu’elles sont vraies…
Mélanie Leroy-Terquem
Publié initialement le 25 février 2010.
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