Oscar Wilde dans la presse française, épisode 3 : le phénix
Dix ans après sa mort, les journalistes commencent à citer les aphorismes d’Oscar Wilde (Le Journal, 24 octobre 1911). Admiré et attaqué, il continue à faire scandale, car « même après sa mort, Oscar Wilde est destiné à défrayer la chronique ».
« Le monument obscène » du Père-Lachaise
Le 24 juin 1909, Gil Blas annonce que les « restes d’Oscar Wilde » seront transférés au cimetière du Père-Lachaise et qu’une œuvre commémorative a été commandée au sculpteur Jacob Epstein. Cependant, des détails « particulièrement précis » du génie ailé d’Epstein retardent l’inauguration et le monument est couvert d’une bâche (Le Journal, 28 septembre 1912). Epstein refuse de corriger son œuvre et une grande partie de la presse proteste : L’Humanité, Le Temps ou Comœdia, qui titre le 9 octobre 1912, « Oscar Wilde prisonnier de la Préfecture de la Seine ».
Le Journal, 28 septembre 1912
L’année suivante, l’inauguration n’a toujours pas eu lieu (Gil Blas, 25 février 1913). En avril, L’Action d’art lance une pétition signée par Apollinaire et Remy de Gourmont (Le Siècle reproduit sa protestation). Le 31 mai 1913, Séverine écrit même une « requête » au préfet de la Seine dans Gil Blas. Le journal finit par qualifier l’inspecteur des Beaux-Arts de la ville de Paris de « grand culottier des cimetières » le 7 novembre 1913. Pour le treizième anniversaire de la mort d’Oscar Wilde, le monument est débâché sans autorisation (Le Journal, 6 novembre 1913), mais toujours incomplet (Comœdia, 1er décembre 1913).
Rumeurs, doutes et attaques
Des rumeurs sont relayées par les journaux. Très tôt, sa mort est mise en doute (L’Intransigeant, 21 février 1909). Le Rappel (26 mai 1905) cite un journal de Berlin : Oscar Wilde vivrait à New York ; La Croix (13 février 1909) cite un journal italien : il aurait été vu à Turin. En 1913, c’est Arthur Cravan, neveu d’Oscar Wilde (Gil Blas, 19 octobre 1913) qui publie dans sa revue Maintenant des documents inédits et un « Oscar Wilde est vivant ! » (oct.-nov. 1913). Il y a aussi des interrogations sur les réelles causes de sa mort, par exemple Le Journal (29 novembre 1937) évoque un empoisonnement.
« Les métamorphoses d’Oscar Wilde », deux détails de La Lanterne, 16 juin 1895
L’Aurore (26 juin 1909) plaisante « Et tous les homosexuels ne peuvent pas s’appeler Oscar Wilde, que ses admirateurs prétendent aujourd’hui glorifier… » et doute de sa postérité littéraire : « La gloire littéraire de Wilde n’est pas encore si indiscutée qu’elle fasse tout oublier », comme Gil Blas (22 juillet 1909) : « on va sans doute découvrir en Oscar Wilde un génie qu’il n’a pas ».
Léon Daudet dans L’Action française attaque Oscar Wilde violemment sans varier son vocabulaire : « aliéné moral » (7 juin 1912 ou 4 juin 1938), « génial malade » (5 juillet 1937) ou encore « fou moral » (22 juillet 1936). La lecture de Salomé lui donne « le mal de mer » (5 mai 1910) et le 16 juin 1912, en introduction d’un portrait d’Oscar Wilde, il considère que « dans tout salonnard, un salomard sommeille ». Le 23 janvier 1936, il nuance un peu ses propos. Francis Jammes dans La Croix (12 juillet 1917) classe toujours Oscar Wilde parmi les « Littérateurs malades ».
Souvenirs et études
Les articles sur Oscar Wilde ne cessent de paraître. Ses traducteurs témoignent : Jean Joseph-Renaud dans sa préface d’Intentions en 1905 et Henry D. Davray dans le Mercure de France (1er octobre 1925 et 15 octobre 1926). André Gide l’évoque dans le supplément littéraire du Figaro (7 mai 1910). Les origines de Salomé sont rappelées (Gil Blas, 14 et 17 juin, L’Intransigeant, 26 juin 1912). Paris-Soir (26 mai 1925) révèle, à la suite du livre de Frank Harris (The Life and confessions of Oscar Wilde, Brentano, 1916 et the Fortune press, 1925) comment Oscar Wilde refusa de s’évader. Enfin, même son geôlier publie ses souvenirs (L’Intransigeant, 5 janvier 1912).
Illustrations dans Paris-Soir, 25 décembre 1929 et Le Figaro, 23 octobre 1934 (tableau de Toulouse-Lautrec)
Ses derniers jours et sa mort sont évoqués dans Le Temps (11 juin 1912), ou par Henri de Régnier dans Le Figaro (17 janvier 1928). « Oscar Wilde mourrait dans mes bras », récit de l’ancien propriétaire de l’hôtel d’Alsace est publié dans L’Intransigeant (30 novembre 1930). Léon Treich entame une série d’articles dans Le Petit Journal (2 puis 4 et 5 décembre 1935).
De très nombreuses analyses ou études sont publiées. Par exemple, dans le Mercure de France du 1er juillet 1918, Rachilde donne son impression à la lecture du livre de lord Alfred Douglas Oscar Wilde et moi et Claude Cahun relate un nouveau procès autour de Salomé en Angleterre. Pour le 25e anniversaire de sa mort, une société des Amis d’Oscar Wilde est créée (Le Rappel, 27 novembre 1925) et le supplément littéraire du Figaro publie un ensemble d’articles autour du puritanisme d’Oscar Wilde.
Pour aller plus loin :
La salle G (Littératures du monde) propose une bibliographie sur Oscar Wilde. Dans l’enceinte de la bibliothèque, d’autres documents sont consultables dans Gallica intra muros : une belle photographie d’Oscar Wilde, des éditions du Fantôme de Canterville et du Portrait de Dorian Gray, des coupures de presse ou un recueil d’articles sur Le procès d’Oscar Wilde, pièce d’Edmond Rostand.
Billets précédents de la série : Oscar Wilde dans la presse française, épisode 1 : naissance d'un immortel ; Oscar Wilde dans la presse française, épisode 2 : disparition de l'écrivain
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