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Des photographes au Japon : autour de l’album « Stillfried & Andersen »

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30 juillet 2014

Après plusieurs reportages photographiques en Crimée (1855), en Inde (1857) puis en Chine (1860), Felice Beato (1832-1909) vénitien naturalisé anglais ouvre en 1863 un studio photographique à Yokohama. C’est une période de transition où la société japonaise est encore très largement féodale, même si l’ouverture de cinq ports aux navires étrangers en 1858 permet aux Occidentaux de s’y installer. Felice Beato est associé au dessinateur Charles Wirgman, qui l’initie à la technique de la photographie coloriée.

« Hakone – Lac Ashi », Felice Beato

En 1866, l’incendie de Yokohama détruit en grande partie leur atelier mais Beato se remet à l’ouvrage et reconstitue en moins de deux ans son fonds de plaques de verre. Il publie en 1868 ses premières séries de photographies en deux volumes intitulés Views of Japan, recueil de paysages japonais, et Native types, album de portraits et de scènes de la vie quotidienne.

D’autres photographes s’installent bientôt à Yokohama, comme le baron autrichien Raimund von Stillfried Rathenicz (1839-1911), qui travaille avec Beato avant d’ouvrir son propre studio en 1871. Stillfried entreprend plusieurs voyages, dont un reportage à Hokkaidô en 1872 puis, en janvier 1877, il choisit comme partenaire commercial le photographe allemand Hermann Andersen. La nouvelle compagnie Stillfried & Andersen rachète quelques jours plus tard le fonds Beato et exploite le stock de plaques négatives jusqu’en juin 1878.

Les cinq volumes de la Société de géographie intitulés « Japonais » forment un des exemplaires les plus complets au monde de l’album « Stillfried & Andersen » avec trois cent cinquante épreuves photographiques réalisées et coloriées à la main en 1877 et 1878 dans l’atelier Stillfried & Andersen à partir de plaques négatives de Stillfried lui-même, du fonds Beato racheté en 1877, mais également d’autres photographes. La liste manuscrite des photographies, insérée dans l’un des volumes, pourrait être de la main de Stillfried.

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« Guerrier en armure traditionnelle », Raimund von Stillfried, 1875

Les sujets traités, les lieux représentés, souvent empruntés aux maîtres de l’estampe (ukiyo-e), donnent l’image d’un pays immuable alors même que l’archipel entre en 1868 dans la période de profonds bouleversements de l’ère Meiji. Ce décalage s’explique aisément par le public auquel sont destinés les clichés, clientèle naissante de touristes étrangers qui profite de l’ouverture du pays. Les voyageurs au Japon sont nombreux : Aimé Humbert , Emile Guimet , Edmond Cotteau, Hugues Krafft, pour ne citer que quelques Français. Leurs itinéraires dans l’archipel se recoupent en bien des relais du Tokaido, cette route historique qui relie l’ancienne résidence impériale, Kyoto, à la nouvelle capitale du shogun, Tokyo. À la recherche d’exotisme et au goût des voyageurs pour le pittoresque, les photographes répondent par ces images d’un Japon éternel : paysages célèbres, temples et lieux sacrés, portraits de femmes élégantes, figures de samouraïs, métiers et scènes de rues.

En 1881, Kinbei Kusakabe (1841-1934), élève de Beato et Stillfried, ouvre son propre studio à Yokohama et acquiert quatre ans plus tard une partie des négatifs de ses deux maîtres qu’il retirera régulièrement. Les studios japonais sont déjà nombreux et proposent plusieurs milliers de vues touristiques aux voyageurs. Si les images du Japon d’autrefois sont de loin les plus répandues, certaines vues trahissent le processus irréversible de modernisation et d’occidentalisation  que résume l’expression Bunmei Kaika (civilisation et lumière).

Olivier Loiseaux, Département des Cartes et plans

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