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Les parcs du château de Maisons (2/2)

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12 janvier 2023

Les parcs du château de Maisons connaissent des modifications importantes au XVIIIème siècle et surtout au XIXème lorsque le Grand Parc sera démantelé pour être loti. Ce billet présente ces évolutions, notamment à partir des cartes qui sont de plus en plus précises.

L’évolution du parc au XVIIIème siècle

Entre 1731 et 1777, le château connaît deux propriétaires, la marquise de Belleforière et le marquis de Soyecourt. Sur les cartes du milieu du XVIIIème siècle, Maisons voit son parc se transformer : la forêt occupe la majorité du grand parc (au nord-est du château) et les avenues qui le traversent se croisent en carrefours rayonnants caractéristiques des forêts de chasse au XVIIIème siècle. Deux motifs se distinguent en particulier : le premier est formé par les allées qui rayonnent à partir de l’allée principale reliant le château à ses pavillons d’entrée à l’orée de la forêt de Saint-Germain, sept à neuf allées de plusieurs centaines de mètres ; le second est un carrefour au milieu de la forêt où six allées se croisent.
Certaines cartes sont également assez précises quant aux aménagements du petit parc, à proximité du château, ainsi une carte des environs de Paris (voir illustration), inachevée mais gravée avec beaucoup de soin permet de lire ce territoire : autour du château on peut compter les pavillons et deviner les douves sèches et murs ah-ah qui rythmaient la découverte du château pour le promeneur ou le cavalier arrivant (un parallèle intéressant peut être fait avec ce plan en masse du château daté de 1700 . La gravure très fine de la carte permettrait presque de compter les parcelles dévolues aux vignes, les arbres plantés en quinconce, les parterres au pied des escaliers des terrasses du château, etc.


[Les environs de Paris], XVIIIe siècle (détail)
 

C’est ce dont rend également compte la carte des environs de Paris par John Rocque de 1754 ; situé en bordure de carte, tout le territoire de Maisons n’est cependant pas représenté.
Cet état du Grand Parc de Maisons se retrouve sur la plupart des cartes des environs de Paris de la seconde moitié du XVIIIème siècle, par exemple celle dressée par Dom Coutans en 1780 ou sur les cartes de la forêt de Saint-Germain de la même période, voir ainsi le plan de la forêt de 1760 par Louis Denis et JJ Pasquier, ou ce plan manuscrit sur papier calque.
Si les cartes des environs de Paris et les plans de la forêt de Saint-Germain permettent de connaître le territoire de Maisons dans une échelle comparable, ce ne sont souvent pas des documents de même nature. Les cartes des environs de Paris représentent un territoire qui dépasse souvent l’ancien département de la Seine ; elles répondent à la nécessité de diffuser une image du territoire autour de Paris où le pouvoir est installé en différents lieux. En revanche, les plans de la forêt recouvrent des objectifs d’usage d’un territoire : dénombrement et identification des parcelles de la forêt en vue de son exploitation.

En 1777, le comte d’Artois, futur Charles X acquiert le château. Il souhaite y donner des fêtes, recevoir le roi et la reine. Il fait restaurer le château, construire l’orangerie et projette un jardin à l’anglaise (vraisemblablement jamais réalisé). Il fait venir à cette fin le jardinier botaniste écossais Thomas Blaikie, à qui l’on doit les aménagements de Bagatelle.

Les transformations au XIXème siècle

Le XIXème siècle voit une transformation durable du territoire de Maisons. Un état avant ces transformations est présenté dans la splendide carte de l’état-major (voir illustration) ou carte des chasses impériales (gravée en 1807) qui décrit avec minutie et détail les environs de Paris. Nous invitons le lecteur à se plonger dans les détails splendides de la gravure de cette carte où Maisons mais également toute une partie de l’Île-de-France sont représentés à l’aube du siècle.


Carte topographique des environs de Versailles dite des Chasses Impériales,
levée et dressée de 1764 à 1773 par les ingénieurs géographes des Camps et Armées...
1827 (détail)
Confisqué en 1792 comme bien national, le château et son parc sont vendus au citoyen Lanchère qui le revend en 1804 au maréchal Lannes. Sa veuve le revend en 1818 au banquier Jacques Laffitte. S’ouvre alors une période de grands changements pour le château et surtout son parc, dont les cartes rendent compte. Une ligne de chemin de fer Paris-Rouen est initiée dès les années 1830 et il est décidé qu’une branche de cette ligne traverse la forêt et passe dans le village de Maisons, où une station est aménagée. Jacques Laffitte a été un promoteur de cette ligne de chemin de fer.
On remarque sur cette carte de 1848 que deux noms sont proposés pour le village de Maisons : "Maisons-sur-Seine" ou "Maisons-Laffitte". Ce dernier nom est retenu en 1881, suite à une décision du conseil municipal.

Chemin de fer de St Germain avec sa partie atmosphérique et les embranchemens [sic]
des chemins de fer de Versailles et de Rouen..
1848 (détail)

 
Afin de s’éviter la ruine, Jacques Laffitte lance un projet de lotissement du parc qui correspond à un dessein de villégiature francilien. Un plan de 1834 en fait la promotion : on y voit le petit parc entièrement transformé en jardin à l’anglaise et le grand parc divisé en lots et pour lequel on a conservé quelques arbres anciens ; la légende est prometteuse : « les bouquets de bois et de verdure disséminés dans les parties mises en vente offriront aux acquéreurs des promenades variées dont ils auront la jouissance à perpétuité, ainsi que des nombreuses avenues qui coupent le bois dans tous les sens ».

Certaines descriptions (dans le ton de l’époque) rendent compte de l’enthousiasme de certains : dans des journaux, par exemple dans La Gazette nationale (18 novembre 1833), le Glaneur (20 août 1837), La France Littéraire (1837), ou bien dans des publications qui tendent vers le guide, comme Paris et ses environs : description historique, statistique et monumentale... / par M. Leblanc de Ferrière... en 1838 ; voire même plus tard sous forme de réclame dans une publication historique sur Maisons : Monographie de Maisons-Laffitte par Georges Darney.
Le projet de lotissement tient à la fois de la spéculation immobilière et de considérations sociales et hygiénistes, héritées de la pensée rousseauiste. De manière malheureuse et inconsidérée, Jacques Laffitte fait détruire les écuries de Maisons pour disposer de pierres de taille à moindre coût qu’il propose comme matériau de construction pour les demeures du lotissement. 

 

Le Grand Parc devient la majorité de la ville (quasi nouvelle) de Maisons Laffitte, les arbres sont coupés et quelques nouvelles avenues sont tracées, elles sont pour la plupart circulaires : l’avenue de la Gloire, l’avenue Beauharnais, l’avenue Chateaubriand, l’avenue Fénelon, etc. La ville s’organise selon un plan inhabituel qui conserve pour partie le tracé du parc de chasse ; les maisons de plaisance, chalets, belvédères, kiosques et chaumières existent encore et se répartissent dans toute ville comme autant d’exemples d’un habitat cossu et ostentatoir d’Île-de-France dans le tiers médian du XIXème siècle. L’urbanisme de Maisons-Laffitte garde aujourd’hui de nombreux traits de cet urbanisme si particulier dont témoigne par exemple cette carte des environs de Paris de 1887 :


Environs de Paris levés par les officiers du corps d'état-major et publiés par le Dépôt de la guerre en 1832. 1/80.000.
Dernière revision, 1882-1883. 1887 (détail)

Assurément novateur, le projet ne fut pas tout à fait rentable. Jacques Laffitte meurt en 1844. Le domaine revient à sa fille, Albine, princesse de la Moskova qui le vend en 1850. Jusqu’en 1905, le château passe de propriétaire en propriétaire et le domaine est de plus en plus réduit autour du château qui est sauvé de la destruction par son rachat par les Beaux-Arts. Il est classé au titre des Monuments Historiques en 1914. L’étendue de son domaine, de quelques centaines d’hectares, s’est vu réduite à quelques dizaines, pour se cantonner finalement aux abords immédiats du château. Si les abords ont été rénovés dans les années 1960, le château offre aujourd’hui une impression étrange, coincé entre un rond-point et des bâtiments de différentes époques. De son parc il ne reste vraiment qu’une pelouse.

Pour aller plus loin

La Bibliothèque nationale de France ne conserve pas toutes les cartes et plans représentant Maisons. Beaucoup sont conservés dans des services d’archives (Archives nationales en particulier, départementales (Yvelines), municipales, Service historique de la défense) ou de documentation de musées.

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