Les collectionneurs britanniques et le Grand Tour
La figure du connoisseur
Les premières « country houses » d’Angleterre sont visitées par les réseaux de collectionneurs. La propriété des Stourton « Stourhead », située dans le Wiltshire, fut vendue en 1717 à Henry Hoare I, qui démolit le manoir médiéval pour le remplacer par une demeure de style palladien en 1722. Son fils en hérita à vingt ans et fit ajouter des ailes entre 1793 et 1795 pour y loger une galerie de peintures ainsi qu’une imposante bibliothèque. Ainsi Walpole se rend en août 1772 à Castle Howard, demeure des Comte de Carlisle, pour laquelle Charles Howard, le troisième Comte, fit construire un palais de style rococo, qui abritait la collection de marbres acquis par Henry Howard, après son Grand Tour entre 1740 et 1747. Walpole affirme qu’il n’aime pas l’architecture de la maison, mais mentionne néanmoins une collection de « fine antique statues and busts and the finest collection in the world of antique tables in colored marbles». Outre l’importance de les exhiber à leurs cercles d’amis et de relations sociales, il était de bon ton d’aménager également des parcs, comme le fit Robert Sawyer Herbert, 9e comte de Pembroke, en installant sa collection de tableaux de famille et d’œuvres de Joshua Reynolds dans son château de Highclere, situé dans le Hampshire, dont le parc fut aménagé par Capability Brown.
Les réseaux de collectionneurs liés au Grand Tour
S’ils ne bénéficient pas d’une institution comme l’Académie de France à Rome, les aristocrates et les artistes anglais développent néanmoins des liens avec Rome, notamment avec le soutien de la Society of Dilettanti, qui décide en 1774, sans doute sous l’influence de Joshua Reynolds, de payer aux élèves lauréats de la Royal Academy leur voyage en Italie. Arrivant en 1739 à Rome, le Français Charles de Brosses, dans son Voyage d’Italie, témoigne : « Les Anglais fourmillent ici […] L’argent que les Anglais dépensent à Rome et l’usage d’y venir faire un voyage, qui fait partie de leur éducation, ne profitent guère à la plupart d’entre eux. J’en vois tels qui partiront de Rome sans avoir vu que des Anglais et sans savoir où est le Colysée. » C’est principalement autour de la place Navonne, un lieu très fréquenté des grands-touristes, que se rencontrent les collectionneurs. Le Café Anglais, fondé dans les années 1760, est situé près de la Piazza Spagna et contribue aux échanges entre les artistes et les voyageurs, ainsi que les boutiques d’antiquaires, les ateliers de peintres et les galeries, telle celle de la Bibliothèque Vaticane.
Dès les années 1740, de nombreux intermédiaires s’établissent à Rome, comme le peintre écossais Gavin Hamilton ou le peintre anglais Thomas Jenkins, devenu banquier, dont le rôle était de guider les collectionneurs sur les sites de fouilles archéologiques ou de leur expédier leurs acquisitions en Angleterre.
Des antiquaires, comme l’écossais Colin Morison, orientent les grands touristes dans leur découverte du patrimoine antique et moderne de Rome. Thomas Jenkins, par exemple, fournit à ses clients des logements dans les environs de la place d’Espagne et les introduit dans la bonne société locale. Parmi les objets fréquemment recherchés par les collectionneurs, les petits objets, comme les pierres gravées et les médailles, étaient très recherchés car ils sont plus facilement transportables et d’une acquisition moins coûteuse que les marbres. Des intermédiaires romains, des antiquaires ou des marchands se chargent de mettre en caisse les objets antiques comme les chefs-d’œuvre qui sont ensuite expédiés pour l’Angleterre par bateau et sont installés dans les demeures des collectionneurs.
Le collectionneur britannique qui a fortement marqué la fin du XVIIIe siècle est Sir William Hamilton, qui fut ambassadeur de Grande-Bretagne à la cour de Naples de 1764 à 1800, et qui étudia l’activité volcanique, en publiant notamment Campi Phlegraei en 1776. Il fit un compte-rendu de l’éruption du Vésuve de 1766 pour la Royal Society de Londres. Étudiant l’antiquité, il collectionnait les vases grecs et vendit une partie de sa collection au British Museum en 1772, ce qui constituera l’origine du département des antiquités grecques et romaines. Son épouse, Emma, rencontrée en 1786, fut une muse pour les peintres anglais, notamment George Romney. Maîtresse du Lord Amiral Nelson, elle fut caricaturée par James Gillray, qui la montre sous les traits de la figure mythologique de Didon, reine de Carthage, qui pleure le départ de son Énée, figuré par lord Nelson. Derrière elle, son mari, sir William Hamilton, dort dans son lit. Se trouvent pêle-mêle représentés des fragments de statues anciennes se rapportant au collectionneur d'antiquités sir William.
Pour aller plus loin
- Découvrir l’amitié entre Horace Walpole et Madame du Deffand
- S’informer sur la mode des jardins anglais en France
- Connaitre le site Digitens et en savoir plus sur le projet Digitens à la BnF
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