Molière dans les collections sonores de la BnF
Cécile Sorel, « notre Célimène nationale »
Si une actrice de la Belle Epoque a marqué le rôle de Célimène par son interprétation, c’est bien Cécile Sorel. 339e sociétaire de la Comédie française, aussi connue en son temps que Sarah Bernhardt, l’élève de Maria Favart brille, par son caractère excentrique dans les emplois de « grande cocotte ». A la fois majestueuse, altière et coquette, elle a fait de Célimène son rôle fétiche, au point d’être régulièrement nommée dans la presse « notre Célimène nationale ».
Les Archives de la parole, fondées en 1911 par Ferdinand Brunot et Emile Pathé pour conserver la mémoire orale de l’époque, nous permettent aujourd’hui de l’entendre dans ce rôle qui était sa marque de fabrique.
►Cécile Sorel dans le Misanthrope
Cécile Sorel interprète ici la tirade de Célimène dans la scène 4 de l’acte III (Madame, j’ai beaucoup de grâces à vous rendre »). Célimène, figure mondaine rompue à l’art du persiflage, aimée du misanthrope Alceste, répond de manière cinglante à l’attaque de sa rivale Arsinoé. Dans cette tirade, qui constitue un portrait satirique et sans concession d’Arsinoé, le « grave extérieur » et la dévotion de cette dernière sont tournés en dérision dans un morceau de bravoure condamnant l’hypocrisie :
Dans tous les lieux dévots elle étale un grand zèle ;
mais elle met du blanc et veut paroître belle.
L’enregistrement réalisé par les Archives de la Parole permet d’apprécier le style plein d’éclat de Cécile Sorel, qui se manifeste dans sa diction précieuse et son ironie appuyée.
Suzanne Bing : Molière au théâtre du Vieux Colombier
En 1922, Jean Poirot, directeur des Archives de la parole ayant succédé à Ferdinand Brunot, enregistre Suzanne Bing dans une tirade du personnage d’Eliante, tirée du Misanthrope de Molière.
Plus on aime quelqu’un, moins il faut qu’on le flatte.
Suzanne Bing livre ici une interprétation pleine d’humour et d’esprit de la tirade d’Eliante, beau contrepoint à la Célimène railleuse de Cécile Sorel.
C’est ainsi qu’un amant dont l’ardeur est extrême,
Aime jusqu’aux défauts des personnes qu’il aime.
Léon Bernard : Cléante ou la vraie dévotion
354e sociétaire de la Comédie Française, Léon Bernard s’est illustré dans des registres variés, alternant rôles comiques et sérieux. Interprète de Monsieur Jourdain dans le Bourgeois Gentilhomme et du rôle-titre de Tartuffe, sa voix nous est connue grâce aux disques commercialisés dans les années 1930 par le label français Pathé. Plusieurs de ces disques, libres de droits, sont conservés à la Bibliothèque nationale de France et écoutables en ligne sur Gallica.
Ils ne censurent point toutes nos actions :
Ils trouvent trop d'orgueil dans ces corrections ;
Et laissant la fierté des paroles aux autres,
C'est par leurs actions qu'ils reprennent les nôtres.
Louis Jouvet interprète d’Arnolphe dans l’Ecole des femmes
Outre les archives sonores et documents libres de droits, la Bibliothèque nationale de France conserve des documents sonores toujours protégés par le droit d’auteur. Certains de ces documents ont été numérisés et sont consultables par extraits sur Gallica, et dans leur intégralité sur les plateformes de streaming sous le label « BnF collections sonores ». Parmi ces enregistrements se trouvent de nombreuses pièces de Molière, captées dans leur intégralité et enregistrées sur microsillons dès la fin des années 1940. Deux extraits de scènes, l’un tirée de l’Ecole des femmes, le second du Bourgeois Gentilhomme sont disponibles à l’écoute librement sur « Les Essentiels BnF », site proposant des ressources culturelles et pédagogiques, accessible sur bnf.fr.
Engagé au théâtre du Vieux Colombier par Jacques Copeau en 1913, puis à la Comédie des Champs-Elysées, avant de devenir directeur du théâtre de l’Athénée à partir de 1934, Louis Jouvet brille tout au long de sa carrière dans les pièces de Molière, qu’il interprète et met en scène. Un enregistrement commercialisé par le label Pathé nous permet d’entendre aujourd’hui son interprétation du rôle d’Arnolphe dans l’Ecole des femmes, captée lors d’une représentation au Colonial Theatre de Boston le 16 mars 1951.
Maquette de décor pour l'Ecole des femmes, par Christian Bérard, 1936,
fonds Louis Jouvet
Arletty face à Jacques Fabbri dans le Bourgeois Gentilhomme
En 1952, Georges Hacquard fonde la collection L’Encyclopédie sonore, chez l’éditeur Ducretet-Thomson-Hachette, afin d’enregistrer et de commercialiser de grands textes de la littérature sur microsillons. C’est dans cette collection que paraît en 1962 un enregistrement du Bourgeois Gentilhomme de Molière interprété par une distribution prestigieuse réunissant Jacques Fabbri, Arletty, Jean Poiret ou encore Michel Serrault.
►Extraits du Bourgeois gentilhomme,1962
L'enregistrement complet, issu de BnF collection sonore, est accessible sur les plateformes Deezer, Qobuz, et Youtube.
Le Bourgeois Gentilhomme
Editeur : Ducretet Thomson,1962
BnF collection sonore - BnF-Partenariats / Believe digital
BnF, dept Son, vidéo, multimédia
►Jacques Fabbri, Arletty et Sophie Desmarets dans Le Bourgeois Gentilhomme, sur "les Essentiels BnF"
Pour aller plus loin :
-Série de blogs Gallica Molière 2022
-Georges Forestier, Molière, Gallimard, Paris, 2018
-Suzanne Bing, collaboratrice de Jacques Copeau : enquête sur la constitution d’un patrimoine théâtral, Raphaëlle Doyon, OpenEdition
-Fonds Louis Jouvet, Bibliothèque nationale de France, Département des Arts du spectacle
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