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Les publications autour du Salon

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Plus grande manifestation artistique en France, le Salon a donné naissance à une multitude de publications : catalogues, critiques, salons illustrés, avant l’apparition vers 1840 d’un nouveau genre, le « salon comique » ou « caricatural », compte rendu satirique en dessins et textes.
Allons donc rire au Salon…

« Exposition pour rire. Salon de 1848 »/ G. Doré, Album du journal pour rire, 1848

Le Salon officiel : le plus grand événement artistique en France

Depuis 1667, date de sa première organisation, et surtout à partir du XIXe siècle, le Salon de peinture et de sculpture, institution unique, occupe une place centrale dans la vie artistique, culturelle et sociale en France.
Pour les artistes, être admis au Salon marque l’entrée dans la profession, y participer est un passage obligé, y rencontrer le succès permet de lancer une carrière. Il représente une rare opportunité de montrer son travail, de rencontrer amateurs, acheteurs et critiques et de bénéficier de commandes et achats de l’Etat.

Exposition de fréquence irrégulière, annuelle ou bisannuelle organisée par l’Académie royale de peinture et sculpture pour présenter les œuvres de ses membres, elle prend le nom de « Salon » d'après le Salon carré du Louvre où elle se tient de 1725 à 1848.

Par la suite, le « Salon » connaît quelques années un peu nomades, au Palais des Tuileries (1849), dans un édifice construit dans la cour d’honneur du Palais National (Palais-Royal), en 1850 et 1852 et à l’Hôtel des Menus-Plaisirs, en 1853.  À partir de 1857, il s’installe au Palais de l’Industrie ou Palais des Champs Elysées, construit pour l’Exposition universelle de 1855 et détruit à partir de 1896, à l’emplacement de l’actuel Grand Palais. On emploie donc alors parfois pour le Salon l’expression d’« Exposition des Champs Elysées ».

Après 1816, le Salon est organisé par la nouvelle Académie des beaux-arts. Depuis 1791, tous les artistes (leur nombre ne cesse de croître…), membres ou non de l'Académie, sont admis à y exposer, après soumission de leurs œuvres à un jury.

L’Académie des beaux-arts reprend ainsi la plupart des fonctions de l’Académie royale de peinture et de sculpture : organisation des compétitions et prix, rédaction du Dictionnaire de l'Académie des beaux-arts, direction de l'Académie de France à Rome, influence sur l'Ecole des beaux-arts, et aussi désormais formation du jury du Salon.

En 1880, l’Etat se retire de l’organisation du Salon dit « officiel », l’organisation en revient aux artistes eux-mêmes par la création de la Société des artistes français (SAF). Le Salon des artistes français se tient également principalement, jusqu’à la fin du siècle, au Palais de l'Industrie ou Palais des Champs-Elysées. 

En 1890, une scission de la Société des artistes français donne naissance à la Société nationale des beaux-arts (SNBA), dont le Salon, « Salon de la Nationale » ou « Exposition du Champ de Mars », se tient essentiellement jusqu’à la fin du siècle, sur le Champ de Mars, au Pavillon ou Palais des beaux-arts, construit pour l'exposition universelle de 1889 et détruit pour celle de 1900. On emploie ainsi souvent l’expression d’« Exposition du Champ de Mars ».

Ecrits et images autour du Salon

De nombreuses publications rendent compte de ces expositions artistiques.

Décrire pour orienter et informer les visiteurs : les catalogues ou livrets du Salon

Les expositions organisées par l’Académie sont bientôt dotées systématiquement d'un catalogue (ou livret), paru au moment de l'exposition, guide à destination des visiteurs, vendu sur place. Il indique le nom de l'artiste, la description du sujet ou le titre de l’œuvre exposée, un numéro qui permet de la situer sur les cimaises, parfois la technique de celle-ci... Ce catalogue officiel du Salon « officiel » ne sera jamais illustré.
 
En revanche, au XXe siècle, les Salons des artistes français puis ceux de la Société nationale des beaux-arts proposeront des éditions illustrées de leurs catalogues officiels.

  
     Explication des peintures, sculptures et autres ouvrages de Messieurs de l'Académie royale...dans le grand sallon du Louvre... 1740 (page de couverture et extrait)
(Quatre de ces œuvres de Chardin sont conservées au Musée du Louvre : n°58, n°59, n°60, n°61)

Tous ces catalogues sont disponibles dans Gallica : 1673, 169917041737, 1738, 1739, 17401741,  1742,  1743174517461737-1793179517961797-1937. Les expositions des années 1667, 1669, 1671, 1675, 1681, 1683, 1706, 1725, 1727 et 1736 n'ont pas fait l'objet d'un livret. Au XIXe siècle, le catalogue indique aussi les noms des membres du jury pour les différentes sections (peinture, sculpture…), le règlement de l’exposition, ainsi que les récompenses décernées au précédent Salon.

 
Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture et gravure des artistes vivants...1859 (page de couverture et extrait)
 

Commenter : la naissance de la critique d’art au Salon

Critique sérieuse, subjective, voire comique et caricaturale, en prose, en vers ou en images... toute une littérature spécifique voit le jour autour du Salon, véritable genre littéraire à part entière. Devenu régulier vers 1750, le Salon a été le lieu essentiel de la naissance de la critique d'art en France. Les « Salons » de Diderot sont publiés entre 1759 et 1781.

À partir des années 1830-1840, alors que le Salon, au cours du XIXe siècle, attire sans cesse plus de visiteurs, la presse, en plein essor, va consacrer toujours plus de place à sa chronique. La presse d'information générale, quotidienne ou non, et la presse artistique et satirique qui naissent alors, s’en emparent. La critique d’art, notamment la critique du Salon, apparaît comme une activité obligée pour tout homme de lettres, ainsi que le souligne de manière ironique Gustave Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues, publié de manière posthume en 1913.

Illustrer pour faire connaître les œuvres et en garder le souvenir : les salons illustrés

À la faveur des progrès des techniques de reproduction de l'image, telles que la gravure, la lithographie, la photogravure, puis la photographie à partir des années 1880, l'édition illustrée se développe tout au long du XIXe siècle.
De nouvelles publications à caractère commercial, illustrées, parfois luxueuses, reproduisent des œuvres exposées au Salon : ce sont les salons illustrés. C’est parfois l’artiste lui-même qui reproduit son œuvre, sous forme de gravure. Ces publications complètent, pour le visiteur, les catalogues officiels du Salon.

Les tableaux Les femmes d’Alger et Un naufrage, d'Eugène Delacroix, sont par exemple reproduits en gravure respectivement dans les Annales du Musée et de l'école moderne des beaux-arts : ou Recueil des principaux tableaux, sculptures et bas-reliefs exposés au Louvre depuis 1808 jusqu’à ce jour, par les artistes vivans ... Salon de 1834 et dans l’Album du Salon de 1841 : collection des principaux ouvrages exposés au Louvre reproduits par les peintres eux-mêmes.


Estampe d’après Les femmes d’Alger de Delacroix, Annales du Musée et de l'école moderne des beaux-arts / C. P. Landon, 1834


Estampe d’après Un naufrage de Delacroix, Album du Salon de 1841 : collection des principaux ouvrages exposés au Louvre reproduits par les peintres eux-mêmes... Wilhelm Tenint. Paris : Challamel, 1841

À partir des années 1840, qui voient la naissance de la presse illustrée, de nombreux journaux et revues proposeront aussi à leurs lecteurs des reproductions d’œuvres exposées au Salon.

Et rire… les salons comiques et caricaturaux

Avant même l’apparition des véritables salons comiques et caricaturaux dans la seconde moitié du XIXe siècle, dès la fin du XVIIIe siècle, le Salon suscite quelques exemples de comptes rendus humoristiques, échos du regard amusé du public. Amusants, ironiques, badins, humoristiques, dénonçant l’emphase, le ridicule, les innovations formelles, ils se présentent comme des promenades commentées, des dialogues satiriques, des propos rapportés. L'effet comique du salon, qui est très rarement illustré, repose tout entier sur le texte. Mentionnons-en quelques-uns : dans la brochure Réponse d'un aveugle a Messieurs les critiques des tableaux exposés au Sallon (1755), c’est un aveugle qui visite le Salon et se fait l’écho des réactions du public ; les Plaintes de M. Badigeon, marchand de couleurs, sur les critiques du Sallon de 1771 naissent de la crainte de celui-ci pour son commerce et comprennent aussi une lettre d’un étranger qui rend compte du Salon de 1771 ; le Coup de patte sur le sallon de 1779, dialogue ; précédé et suivi de réflexions sur la peinture, par Louis-François-Henri Lefébure et Carmontelle (1779), rapporte un dialogue humoristique devant les toiles du Salon, alors que La Peinturomanie ou Cassandre au Sallon, comédie parade en vaudevilles (1781) met en scène plusieurs personnages, tout comme Figaro au sallon de peinture, piece épisodi-critique, en prose et en vaudevilles (1785).

Rendant compte du salon de 1783, la brochure Marlborough au Sallon du Louvre (1783), qui prend la forme d’un dialogue au ton familier, fait exception car elle comporte des illustrations, sept eaux-fortes (aquarellées ou non). Véritable salon caricatural avant la lettre, ces quelques caricatures ridiculisent les principales peintures d’histoire exposées.
 

Dans Les Grandes propheties du grand Nostradamus sur le grand Salon de peinture de l'an de grace 1787 (1787), Nostradamus dicte à « un simple mortel, des arrêts que la postérité se fera sans doute un devoir d’exécuter ».

Dans les années suivantes, ce sont les mœurs artistiques qui seront prises pour cible dans quelques planches isolées dans la presse, mais non les œuvres elles-mêmes.

C’est à partir des années 1840, puis surtout à partir des années 1850 et jusqu’à la fin du XIXe siècle que les salons caricaturaux, compte rendus comiques en images, vont véritablement naître et s’épanouir. Ils empruntent au livret du Salon pour sa présentation, aux salons illustrés pour l’image, à la critique d’art irrévérencieuse et à la caricature pour la satire par le texte et par l’image.

En 1842, pour la première fois, le journal satirique Le Charivari publie, outre un texte au sujet du Salon et des planches reproduisant fidèlement certaines œuvres, un « Salon de 1842 » de quatre planches (4 avril, 11, 14 et 21 mai) composées de dessins à charge, qui sont des interprétations comiques d’œuvres.

Le Charivari publie de même, en 1843, du 19 mars au 29 mai, dix planches sous le titre de « Premières impressions du Salon de 1843 » puis « Salon caricatural de 1843 ». On y trouve par exemple cette parodie de la toile de Victor Robert,  Néron chantant devant l’incendie de Rome.
 


Salon caricatural de 1843, Le Charivari : publiant chaque jour un nouveau dessin, 29 mars 1843

En 1845, dans ce même journal paraît un véritable salon caricatural, Revue véridique, drolatique et charivarique du Salon de 1845 illustrée par Cham, dans la lignée du « Salon caricatural de 1843 », du dessinateur Bertall, considéré comme le premier du genre.

  Couverture du journal Le Charivari, 19 avril 1845
Le Salon de 1843. Appendice au livret, avec 37 copies par Bertal.
Le Charivari, 19 avril 1845

En 1846, paraît Le Salon caricatural, critique en vers et contre tous. Il est illustré de soixante caricatures dessinées sur bois et Baudelaire en est l’un des auteurs principaux. Le grotesque et échevelé « prologre », portant à chaque main « des trousseaux gémissants de peintres suspendus », donne le ton. Grâce aux « armes pacifiques » que sont ses « plumes » et ses « pinceaux », l’objectif est « d’amuser ceux-là mêmes à qui [le] crayon vif infligea le tourment de la caricature ».

 
Le Salon caricatural, critique en vers et contre tous.... Première année. Paris, Charpentier. 1846 

Ces publications sont les premières d’un genre qui fera florès.
 

À suivre prochainement…

Salons caricaturaux. 2, Les salons caricaturaux : critique graphique et satirique

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