Lhéritier (1807-1885) ou Cinquante ans d’une carrière au théâtre du Palais-Royal
Pour poursuivre notre série de billets sur les portraits d'artistes de la scène du XVIIIe au XXe siècle, nous vous proposons aujourd'hui de découvrir une figure oubliée du théâtre français mais qui connut la gloire en son temps : Romain Thomas dit Lhéritier (1809-1885).
Le 15 octobre 1881, le théâtre du Palais-Royal s'apprête à vivre une soirée mémorable, de celles qui font date dans les annales de l'histoire de ce théâtre.
Après le spectacle splendide souper, suivi d'un bal offert par les directeurs M[essieurs] Delcroix et Briet, à tous les artistes du Palais royal, ainsi qu'à M[essieurs] les journalistes pour fêter le cinquantenaire de Mr L'héritier. Belle fête ! Très cordiale, très imposante, beaux discours de M[essieurs] Delcroix et Briet, belle poésie faite et lue par Mr René Luguet régisseur général. Très grand succès !... bien mérité, un charmant petit couplet fait et chanté par Mr Pellerin mais surtout un petit bijou, une véritable perle, c'est un couplet fait par Mr Luguet et chanté par Mr Chaumont avec un grand talent. Enfin, au milieu du dîner, l'on a offert à Mr L'héritier au nom de tous les artistes un superbe bronze. Si l'émotion fait vivre vieux, L'héritier vivra mille ans, à 6h tout était fini.
C’est en ces termes que le journal de bord du théâtre (1) relate l'évènement et célèbre la carrière du comédien Romain Thomas dit Lhéritier, carrière placée sous le signe d'une longue et constante fidélité au service de ce théâtre. Et pour la petite histoire, en l'honneur de cet anniversaire, les répétitions des nouvelles pièces sont interrompues et surtout, les amendes de la journée encourues par les artistes et les employés sont effacées.
Les journaux de bord sont autant de témoignages émouvants de la vie quotidienne du théâtre et en feuilleter les pages revient à s'introduire sur la pointe des pieds dans les coulisses, les loges et les couloirs où se croisent toutes les personnes qui mettent en œuvre soir après soir la « machine à faire rire » (comédiens, musiciens, machinistes, régisseurs, coiffeurs, etc.), au premier rang desquels Lhéritier.
Le comédien
Lhéritier est engagé (2) en 1831 au théâtre du Palais-Royal par les directeurs Joseph Dormeuil et Charles Poirson. Il y fait ses débuts aux côtés de Samson, Lepeintre aîné, Regnier et Virginie Déjazet, dans le rôle du cocher de fiacre Brindavoine, dans la pièce Le coin de la rue ou Le rempailleur de chaises, vaudeville en 1 acte de Théophile Dumersan et Nicolas Brazier. La pièce, créée au théâtre des Variétés le 24 janvier 1820, est reprise au Palais-Royal le 3 septembre 1831.
Les registres du théâtre font état des retards fréquents du jeune comédien tant aux répétitions que lors des levers de rideau, ce qui lui vaut des amendes comprises entre 75 centimes (par exemple à la date du 9 avril 1832, pour avoir retardé de 10 minutes le lever du rideau de Pékinet ou Le filleul de la fée) et 6 francs (autre exemple à la date du 23 janvier 1832, pour être arrivé avec un quart d'heure de retard à la représentation de L'enfance de Louis XII ou La correction de nos pères).
Si l’on en croit Eugène Héros, Lhéritier participe à la création de 362 pièces, sans compter les reprises. Plébiscité par le public dès ses débuts sur la scène du Palais-Royal, il remporte de vifs succès dans plusieurs pièces d'auteurs célèbres en leur temps comme Brazier, Dumersan, Mélesville, Dumanoir etc., auteurs dont les œuvres toutefois ne sont guère passées à la postérité.
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