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Les Fausses Confidences : théâtre et stratagème

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7 juillet 2020

"Dernière des comédies en trois actes de Marivaux" dans laquelle "le comique se fait plus réaliste" et "la critique sociale plus directe", Les Fausses Confidences est au programme du bac de français 2020-2021. Nous verrons comment utiliser Gallica pour l’étudier en classe de première.

L’Amour au théâtre français, Cochin d’après Watteau.
 

Entre la foi dans le présent et la foi en l’avenir, Marivaux le singulier

Comprendre l’esthétique de Marivaux

Étudier Marivaux, c’est découvrir un auteur de la première moitié du XVIIIe siècle (Marivaux est né en 1688 et décédé en 1763) qui renouvelle la comédie. L’amour et les jeunes amoureux passent désormais au premier plan – nous ne sommes plus chez Molière – et si l’ordre social est bousculé, il n’est jamais renversé – nous ne sommes pas encore chez Beaumarchais.
Cette tension très particulière qui fait l’esthétique du dramaturge, Jean Fleury l’analyse dans Marivaux et le marivaudage. Alors que le XVIIe siècle embrassait le monde de manière absolutiste et globale, le XVIIIe siècle doute, cherche, et Marivaux se situe dans un parfait entre-deux, "entre la foi dans le présent, qui caractérise la seconde moitié du dix-septième siècle, et la foi en l'avenir, qui caractérise la seconde moitié du dix-huitième".
 
Pour une approche plus complète, je recommande Marivaux, sa vie et ses œuvres d’après de nouveaux documents. Gustave Larroumet y livre une analyse très précise de l’esthétique du dramaturge : il replace Marivaux dans l’histoire littéraire, explique pourquoi certains héros de Marivaux ont des prénoms italiens, l’influence que le peintre Watteau a pu exercer sur son œuvre. Larroumet y rappelle aussi la modernité des Fausses confidences, cette pièce dans laquelle un roturier, Dorante, tombe amoureux d’une jeune veuve.

Découvrir et s’approprier la pièce

Plusieurs éditions de la pièce sont disponibles, mais celle issue du Théâtre de Marivaux a particulièrement retenu mon attention pour son confort de lecture. Dans l’édition de Haut-Cœur et Gayet jeune, une introduction de Pierre Duviquet, "Jugement sur Les Fausses Confidences", constitue un parfait préambule à la découverte de la pièce.
Un résumé synthétique de la pièce et de ses enjeux  est à lire dans Marivaux et le marivaudage, de Jean Fleury. Un enregistrement sonore de plusieurs scènes, jouées par la prestigieuse compagnie de Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault permet de découvrir une mise en voix du texte. Plusieurs photographies de mises en scène sont disponibles, datant de 1946, 1985, ou 1993.

Le théâtre de la parole

Analyse stylistique du marivaudage

Les héros de Marivaux sont pris dans la nasse de leur propre introspection,  et celui-ci s’exprime par l’art de la conversation, ou marivaudage. Ce marivaudage, comment se traduit-il ? La langue de Marivaux est virevoltante, chaque personnage  a ses champs lexicaux et tournures propres. Mme Argante, par exemple, s’exprime beaucoup à l’impératif.
 
La Linguistique générale et linguistique française constitue une parfaite introduction à une analyse précise du texte. Charles Bally y revient sur les nuances de la phrase, les modalités du langage, la phrase en tant qu’énoncé explicite, ou la différence entre interrogation totale et partielle.
Pour comprendre la dynamique du langage théâtral, on pourra lire des extraits de Questions et exercices sur le Petit traité de rhétorique et de littérature de Bernard Jullien consacrés au dialogue théâtral. L’ouvrage comporte de nombreux exercices sur l’identification des genres et l’analyse des styles théâtraux.

Le marivaudage, ou la mise en scène de la parole

Pour prolonger la réflexion sur le marivaudage, on pourra lire Dix-huitième siècle, études littéraires dans lequel Émile Faguet définit le marivaudage, ces analyses "ramassées en traits rapides et pénétrants", ce "galimatias" contenu et clair, resté "dans les honnêtes limites du précieux". Dans Marivaux et le marivaudage, Jean Fleury parle d’une langue "délicate, raffinée, contournée, mais discrète, une langue de salon".
Pour  exprimer au mieux ces nuances langagières, Marivaux fait jouer Les Fausses Confidences par les Comédiens Italiens, réputés pour leur spontanéité et leur langage non verbal, le 16 mars 1737 à l’Hôtel de Bourgogne. Dans le Dictionnaire historique et pittoresque du théâtre et des arts qui s'y rattachent, Arthur Pougin revient très précisément sur l’histoire des Comédiens Italiens, leur particularité, et sur le moment précis de leur histoire où furent montées Les Fausses Confidences.

Le stratagème, ou le bal des intrigants

Le valet

Les Fausses Confidences est une pièce qui repose sur les épaules d’un valet et témoigne d’une hiérarchie entre domestiques. Arlequin a un rôle mineur, et c’est le valet Dubois, aux motivations troubles, qui tire les ficelles de l’intrigue.
Les Valets au théâtre de Ludovic Celler apporte un éclairage très riche sur l’emploi du valet et sa moralisation grandissante au théâtre, entre servitude, diligence et intérêts. On pourra ainsi comparer Dubois à Scapin et Figaro pour ne citer qu’eux, et mettre en perspective l’honnêteté de Dubois. Le documentaire Le Valet de comédie complète aisément cette lecture et explique ce que représente le personnage d’Arlequin dans l’imaginaire théâtral.

L’oncle et la mère

M. Rémy, l’oncle de Dorante, et Mme Argante, la mère d’Araminte, sont eux aussi instigateurs de fausses confidences. Araminte choisit-elle librement d’épouser Dorante et de renoncer au comte Dorimont, un beau parti ? Comment arrive-t-elle à tenir tête à sa mère ? M. Rémy souhaiterait voir son neveu épouser la suivante Marton. Quel regard Dorante peut-il porter sur cette ingérence ?
Deux classiques de la littérature peuvent apporter un éclairage sur ces questions. On pourra lire Il ne faut jurer de rien d’Alfred de Musset, pièce dans laquelle le héros Valentin voit son oncle menacer de lui couper les vivres s’il n’épouse pas la jeune Cécile de Mantes. On pourra aussi lire Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Lalos. Le roman épistolaire met en scène des héros qui en manipulent d’autres pour arriver à leurs fins. La lettre XCVIII est particulièrement intéressante. Mme de Volanges, la mère de Cécile qui souhaitait voir sa fille épouser Gercourt, pose la question à Mme de Merteuil : ces mariages arrangés, que les parents organisent pour leurs enfants, ne sont-ils pas cause de malheurs et de liaisons ?

Le portrait et la lettre, instruments du stratagème

Portrait et lettre deviennent, dans la pièce, les instruments des stratagèmes. Ces objets ne sont pas choisis au hasard, et il convient de prendre la mesure de leur charge émotionnelle. Dans La Langue théâtrale, Alfred Bouchard rappelle l’importance des accessoires au théâtre ; et dans Histoire du portrait en France, Marquet de Vasselot explique que le portrait, dans sa dimension artistique, est difficilement dissociable de l’amour et de la représentation de l’être aimé. Enfin, Les Liaisons dangereuses offre une réflexion sur le pouvoir et l’importance de la lettre.

La suivante, héroïne sacrifiée du stratagème

Complexe et touchante, la suivante Marton est amoureuse de Dorante. Contrainte de se retirer du jeu amoureux auquel elle est mêlée malgré elle, Marton apparaît comme sacrifiée, même si tout semble se résoudre parce qu’Araminte pense, par son amitié, lui faire oublier sa peine. Ce dénouement laisse songeur, et pour la comprendre, on pourra lire On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset. Rosette y est une Marton à la douleur plus grande et au destin tragique.

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