Le Blog
Gallica
La Bibliothèque numérique
de la BnF et de ses partenaires

La construction du métro

0
17 juillet 2020

Le métro fête ses 120 ans ! Le 19 juillet 1900 était inaugurée la première ligne de métro à Paris lors de l'exposition universelle. Gallica revient sur la construction des premières lignes du métropolitain et leurs défis techniques.
 
Caisson du métro ligne 4, marché aux fleurs, 1907
La loi de 1898 a défini six lignes prioritaires dont une ligne est-ouest au tracé très proche de celui du  "tramway tubulaire" de Berlier, une ligne circulaire, une ligne entre la porte de Clignancourt et la porte d'Orléans. Il est prévu que les trois premières lignes soient livrées au 30 mars 1900 et les trois suivantes en 1906. Les travaux de la ligne 1, qui relie la porte de Vicennes à la porte Maillot, avec 18 stations, débutent donc en novembre 1898 sous la direction de Fulgence Bienvenüe, ingénieur de la Ville de Paris, chargé des travaux d'infrastructures. Le tracé de cette ligne, décrit par le Génie civil en juillet 1900, se compose d’une section de 10,3 km et deux sections de 1,57 km et de 1,43 km partant de la place de l'étoile envisagée comme un nœud de correspondance.

 

 
La ligne à construire est divisée en autant de lots que de points d'attaque pour le creusement du tunnel ou du viaduc à construire. On compte un point d'attaque environ tous les 1000 mètres. La première ligne est en très grande partie souterraine et même si elle est peu profonde, elle rencontre plusieurs conduites importantes sur son passage comme les collecteurs des eaux usées, le collecteur général sous la place de la Concorde ou celui d'Asnières. Les travaux sont un défi technique au regard de la longueur du tracé et du milieu urbain dans lequel ils se déroulent.

Pour la réalisation des tunnels de la première ligne, qui sont à une voie ou à deux voies, pour le passage de deux métros, on utilise en grande partie la méthode traditionnelle des galeries boisées. Les ouvriers commencent par construire la voûte soutenue par des étais et des cintres en bois puis extraient le noyau de terre (stross) et établissent le radier ou partie inférieure du tunnel et les piédroits de chaque côté, en maçonnerie. C’est le même processus, décrit en 1891 par Ernest Pontzen dans Procédés généraux de construction : travaux de terrassement, tunnels, dragages et dérochements, qui a prévalu pour la construction du métro de Londres.
 

 

Le travail se fait à la pioche et les déblais sont évacués par des tombereaux ou wagonnets tirés par des chevaux. Le chantier nécessite de très nombreux ouvriers de différents corps de métiers. Environ 3000 à 4000 mineurs, maçons ou charpentiers interviennent dans la construction du métro. Les méthodes changent progressivement avec l’utilisation de grues hydrauliques.

Dès la construction de la ligne 1, il est prévu de recourir à la technique du bouclier pour faciliter l’avancée du tunnel et espacer les points d’attaque. Le bouclier, mis au point par Marc Isambard Brunel (1769-1849) pour construire le premier tunnel sous la Tamise et dont le fonctionnement est détaillé par le Génie civil dans un numéro de 1898, se présente  comme une armature métallique qui permet de soutenir la terre et de prévenir les ouvriers du chantier contre les éboulements. Les premiers essais sont cependant peu concluants : les engins fabriqués sont peu fiables et leur maîtrise encore incertaine.

Léon Chagnaud (1866-1930) améliore le bouclier, particulièrement dans le guidage et le soutènement de la terre. Le bouclier est alors utilisé pour la construction de la ligne 3 et de la ligne 4. Malgré tout, le système ne donne pas toujours de bons résultats. On essaie également la congélation du sol, technique employée dans les mines qui consiste à faire circuler une solution de chlorure de calcium à température de -20°C.
 

 

Un autre défi technique se présente bientôt : le passage de la Seine. Dès la construction de la ligne 2, le franchissement du fleuve est nécessaire : il sera d’abord aérien, par viaduc. Au niveau de Passy, à l'emplacement d'une passerelle construite pour l'exposition universelle de 1878, on décide la construction d'un viaduc, dont les étapes ont été documentées par des dossiers photographiques.

L'ancienne passerelle est démontée et déplacée. On utilise la technique des caissons à air comprimé pour faire s'enfoncer les culées du pont dans le lit du fleuve. Cette technique a déjà été employée, par exemple dans les fondations de la Tour Eiffel côté Seine. Le viaduc de Passy doit permettre le passage des piétons et voitures dans sa partie inférieure et le passage du métro au-dessus. L'ouvrage de 237 mètres prend appui sur les rives et sur l'île au Cygnes, la voie de chemin de fer est supportée par des arcades et des petites colonnes en métal. D'autres viaducs sont réalisés, comme celui d'Austerlitz d'une portée de 200 m qui franchit, sans étape, la Seine avec ses arcs de métal.

 

Mais c'est surtout la traversée de deux bras de la Seine, pour la ligne 4, en souterrain et la construction de stations à grande profondeur, comme celles de Cité et de Saint-Michel, qui présentent de réelles difficultés. On adopte la combinaison de deux techniques déjà expérimentées : le bouclier et le caisson à air comprimé, appelé aussi fonçage vertical. Plusieurs caissons de structure métallique, dont le cuvelage est en fonte, sont ainsi construits à la surface puis s'enfoncent dans la Seine sous leur propre poids ; on opère la jonction entre ces caissons par des caissons amovibles, le temps de construire les murs entre les caissons déjà installés.
 
Ces travaux entrepris entre 1905 et 1909 sont difficiles en raison de la nature du sol, comme s'en fait l'écho Le Figaro du 20 septembre 1908 ou des crues qui provoquent des éboulements en 1908. Le chantier n'est pas sans risque : les ouvriers sont atteints du mal des caissons dû aux différences de pression, situation dénoncée par Léon Bonneff dans son enquête de 1908. L'explosion du caisson de la station Cité en décembre 1907 coûte la vie à plusieurs ouvriers.
Les riverains doivent composer avec le chantier, les caissons étant construits sur les quais. Pour la station Cité, le chantier s'installe sur le marché aux fleurs mais la construction du caisson pour la station Saint-Michel doit se faire sur des rues très passantes. Le caricaturiste Van Dongen illustrant ces travaux se moque de l'ampleur du chantier : "Les ingénieurs ont prévenu que la circulation serait rétablie en novembre... mais de quelle année ?"
Le croisement des lignes est un dernier défi technique à surmonter : croisement avec les lignes de chemins de fer et croisement entre lignes de métro. C'est le cas pour la station Opéra.

Place de l'Opéra, au débouché de la ligne 3 doivent se superposer 3 lignes. Jules Hervieu détaille les travaux et l'emboîtement des tunnels. La station est montée à ciel ouvert puis l'excavation est réalisée par la technique des caissons à air comprimé. L'évacuation des déblais est complexe puisqu'il est interdit de les remonter devant l'Opéra : on utilise alors les voies souterraines.
 

 

La construction du métropolitain s'accompagne donc de très nombreux travaux depuis les travaux préliminaires, comme la consolidation des anciennes carrières nombreuses sous Paris, la construction d'ouvrages d'art permettant de franchir la Seine jusqu'aux stations elles-mêmes qui sont des réalisations complexes.

Trois types de stations sont ainsi réalisés : des stations en viaduc, des stations voûtées entièrement maçonnées lorsqu'on a pu creuser profondément et des stations à plancher métallique, pour lesquelles il faut prévoir l'accès. Quant aux édicules, il sont en grande partie réalisés par Hector Guimard.
A la veille de la première guerre mondiale, deux compagnies se partagent le réseau,  la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris rejointe à partir de 1901 par le chemin de fer Nord-Sud de Paris, entreprise dirigée par Berlier .

Enfin, le métro lui-même n'a cessé d'évoluer. Initialement composé de trois voitures en bois, d'une seule motrice car les terminus sont construits en boucles, le métro roule à 36 km/h en 1900, puis 45km/h en 1906. Après l'incendie à la station Couronnes en 1903 qui fait 84 morts et émeut les contemporains, une paroi en métal isole les machines motrices des wagons qui restent en bois jusqu'aux années 1906.
Les portes voient leur ouverture élargie et se dotent d'un système électro-pneumatique pour leur fermeture automatique. Les voitures sont équipées de signaux lumineux pour indiquer les stations. Citons également l'apparition des machines à imprimer et distribuer des tickets dans les années 1920.

 

Retrouvez d’autres ouvrages sur le métro sur la page  transports en commun  du nouveau parcours dédié au transport de passagers.
A consulter également sur le site de la RATP : la construction de la station Gare de Lyon et de la station Cité .

Ajouter un commentaire

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.