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Mémoire du peuple français en insurrection

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6 novembre 2019

A l’occasion du premier Rendez-vous du politique consacré au thème "Les Gilets jaunes, un an après" , retour fragmenté et en images, sur les insurrections qui ont marqué la mémoire des luttes en France, au cours du « long XIXe siècle », théâtre de l’ère des Révolutions, comme l'appelait Eric Hobsbawm.

Horrible massacre à Lyon : [estampe], 1834 (Révolte des canuts)

« La nouveauté révolutionnaire réside dans l’irruption du petit peuple, tant rural qu’urbain, sur le devant de la scène publique », rappellent Michelle Pigenet et Danielle Tartakowsky, dans Histoire des mouvements sociaux en France, La Découverte 2014. La Révolution française consacre en effet l'émergence du peuple sur le pavé.
 

Sans-culotte et fier de l'être

Et d’abord, lors de la période révolutionnaire, c’est la figure du sans-culotte qui émerge dans les rues des grandes villes françaises. 
 
Le Journal d’agriculture et de prospérité publique, organe du comité central de l’agriculture, une éphémère publication qui émet en l’an I de la Ière République, s’enorgueillit ainsi de l’appellation sans-culotte. Alors qu'il s'agit de nommer les cinq jours complémentaires du calendrier révolutionnaire qui en comporte initialement 360 (12 mois de 30 jours), la réflexion de la gazette s'oriente autour de l'antériorité de ce terme et sur son caractère, déjà, de résistance :
Une recherche aussi intéressante que curieuse, nous apprend que les aristocrates en prétendant nous avilir par l’expression de sans-culottes, n’ont pas eu même le mérite de l’invention. Dès la plus haute Antiquité, les Gaulois nos aïeux s’étoient fait honneur de cette dénomination. L’histoire nous apprend qu’une partie de la Gaule, dite ensuite lyonnaise (la patrie des Lyonnais) était appelée la Gaule culottée, Gallia braccata : par conséquent le reste des Gaule jusqu’aux bords du Rhin étoit la Gaule non-culottée ; nos pères dès-lors étoient des sans-culottes
Ces jours complémentaires du calendrier seront nommés sans-culottides, jusqu’en l’an III. Le manifestant populaire, portant fièrement le pantalon à rayures en opposition aux culottes courtes et bas de l'aristocrate, fait une entrée fracassante sur la scène des villes dans son « costume révolutionnaire ».
 

 

"Trois Glorieuses" journées pour une abdication

Le peuple surgit de nouveau, massivement, près de quarante ans plus tard, lors de trois journées de Juillet qui conduisent à la destitution de Charles X. Le 28 juillet 1830, les objets volent de toute part rue Saint-Antoine empêchant les cavaliers de la garde royale de rejoindre l’Hôtel de Ville.  Un plan des combats de Paris permet de visualiser l’ampleur des émeutes et des barricades dressées contre les tenants du pouvoir royal.

 
Dans ses carnets, Victor Hugo note, « Depuis Juillet, Paris a sur toutes les capitales le haut du pavé ». Eugène Delacroix brosse, quant à lui, le portrait de ces journées dans une peinture qui fera date, initialement intulée Scènes de barricade lors de sa présentation en 1831 au Salon de Paris. Pendant qu’un monument s’élève, place de la Bastille, « à la mémoire des citoyens morts pour la liberté ».
 
 

"Vivre en travaillant ou mourir en combattant"

Un an plus tard, c’est le peuple ouvrier de Lyon qui convulse. Sur la colline de la Croix-Rousse, les ouvriers et artisans tisserands, surnommés les Canuts, se soulèvent en novembre 1831, prenant pour devise « vivre en travaillant ou mourir en combattant ». Une manière de défendre leurs conditions de travail et la spécifité du métier de tisserand. Une adresse au préfet du Rhône, le 18 octobre 1831, laissait, pourtant, présager d’une insurrection future : « Le moment est venu où, cédant à l’impérieuse nécessité, la classe ouvrière veut et doit chercher un terme à sa misère ».  
 
Dont acte. La révolte des canuts, dont l’histoire immédiate s’écrit sous la plume de Jean-Baptiste de Monfalcon, médecin et bibliothécaire de la ville de Lyon, connaîtra plusieurs soubresauts, jusqu’en 1834.
 

 

1848, Révolution de Printemps

"Nous chercherons à nous tenir dans un juste-milieu, également éloigné des abus du pouvoir royal et des excès du pouvoir populaire", avait déclaré Louis-Philippe Ier, comme un dessein pour le nouveau régime. Celui qui n'est plus roi de France mais roi des Français voit toutefois ressurgir ces Français à la fin de l'hiver 1848.
 

Après l’interdiction de plusieurs banquets "républicains", le peuple parisien appelé à manifester le 22 février, s'insurge pendant 3 jours. Les rues de Paris renouent avec les barricades jusqu’à l’abdication de Louis-Philippe Ier ; jusqu’à l’effondrement de la Monarchie de Juillet et la proclamation de la IIe République. De passage à Paris, Karl Marx, qui vient de publier le Manifeste du parti communiste avec Friedrich Engels, observe dans Les Luttes de classes en France :

Cette fois, les ouvriers étaient résolus à ne plus tolérer un escamotage semblable à celui de juillet 1830. Ils étaient prêts à engager à nouveau le combat et à imposer la République par la force des armes

 

1871, Commune en insurrection

D’escamotage, il n’est pas non plus question en 1870 après la défaite des armées françaises contre la Prusse. Défiants envers l'Assemblée élue en 1871, composée d’une majorité de députés monarchistes, les ouvriers des quartiers populaires du Nord et de l’Est parisien se révoltent poussant le gouvernement à la fuite vers Versailles. L’histoire balbutie, Paris retrouve ses barricades, entre la rue de Ménilmontant et le boulevard de Belleville, ou là entre la rue Basfroi et la rue de Charonne.
 
 
Le 26 mars, une élection municipale est organisée. A ce moment, « Tout est encore en suspens », écrit le Journal de Paris. Elie Reclus, directeur de la Bibliothèque nationale sous la Commune, tient un récit des événements « au jour le jour ». Le peuple parisien tiendra le pavé jusqu’au 28 mai, date à laquelle s'achèvent les derniers combats au cimetière du Père Lachaise sur le mur des fédérés.
 
En conclusion, dans une incise intitulée Méditations philosophiques d'un arrière petit-fils de Gringoire sur les pavés de Paris, Victor Hugo fournit matière à réflexion et comparaison avec le XXIe siècle, avec cette formule saisissante :
Le plus excellent symbole du peuple c’est le pavé : on marche dessus jusqu’à ce qu’il vous tombe sur la tête

 

 

Commentaires

Soumis par balus le 16/11/2019

je découvre ce genre d'article sur Gallica, bravo pour le travail.

découverte également de vos conférences, pas assez de pub ?...merci beaucoup, j'irai

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