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Blanqui, l’écriture enfermée

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13 juin 2019

Dans le cadre de l'exposition "Manuscrits de l'extrême", le manuscrit de "l'Eternité par les astres" d'Auguste Blanqui est présenté au public.
Qui est le citoyen Blanqui?

 

Louis-Auguste Blanqui est un homme difficile à présenter. Ses détracteurs l’ont souvent décrit comme un activiste dépourvu de doctrine. L’origine de cette représentation est double. Elle réside d’abord dans la volonté de Blanqui lui-même de ne pas s’ériger en théoricien.

Moi, je n'ai pas de théorie. Je ne suis pas un professeur de politique ou de socialisme. Je suis un homme d'action et d'application.

 (Entretien au journal quotidien, Le National du 27 avril 1879)

Elle tient ensuite à l’absence d’une œuvre complète et structurée. En effet L’éternité par les astres rédigée pendant sa détention au fort du Taureau en 1871 est le seul ouvrage publié de son vivant . La postérité de Blanqui se heurte donc à la difficulté de rassembler et déchiffrer les textes épars d’un homme qui, ayant passé plus de la moitié de sa vie en prison , se méfie de l’écrit tout en y étant contraint par la captivité. Sa pensée s’inscrit essentiellement dans des articles de presse, des notes, des lettres et des discours divers et dispersés. La Bibliothèque nationale de France possède cependant une riche collection de textes manuscrits déposés après sa mort par son disciple Ernest Granger qui éclairent la vie et la pensée de l’éternel insurgé.

 

L’éveil politique

Louis-Auguste Blanqui nait le 8 février 1805 dans les Alpes Maritimes. A 13 ans il rejoint son frère aîné à Paris où il poursuit entre 1818 et 1824 de brillantes études au lycée Charlemagne.

Parallèlement, le jeune étudiant se politise. Il adhère à la Charbonnerie (mouvement initiatique et secret qui conspire contre les Bourbons) dont il gardera toujours la tradition du complot et de la clandestinité.

En 1822 à La Rochelle, l’exécution de quatre sergents accusés d’avoir voulu renverser la monarchie bouleverse le jeune homme de 17 ans et entérine son engagement politique. Il commence alors sa vie de «républicain révolutionnaire ».
 
L’éternel insurgé

Blanqui dénonce les inégalités sociales et l’exploitation des masses. La République telle qu’il la conçoit doit assurer la défense des prolétaires car «qui fait la soupe doit la manger » selon l’une de ses formules restée célèbre. Cette République ne peut arriver que par la violence et par l’action d’un groupe d’hommes déterminés. « Les armes et l’organisation, voilà l’élément décisif du progrès, le moyen sérieux d’en finir avec la misère ! Qui a du fer, a du pain. » (toast de Londres) Blanqui est convaincu de l’inutilité des lentes évolutions et méprise le réformisme et ses représentants. Ce radicalisme qui caractérise sa pensée explique sans doute ses peines d’emprisonnement sous toutes les formes de régime qu’a connu la France au XIXe siècle, de la Restauration à la IIIe République. Blanqui passera plus de 33 ans derrière les barreaux, une vie en captivité qui lui valut le surnom de «l’Enfermé » (du titre d’une célèbre biographie que lui a consacré Gustave Geoffroy).

Libre, Blanqui participe à tous les soulèvements. Il prend part aux journées de Juillet 1830 puis est accusé de préparer une action contre Louis-Philippe en 1836. En mai 1839 il organise une tentative d’insurrection à Paris avec Barbès. En 1848 (à peine un an après sa dernière libération) il se joint au soulèvement de février qui aboutit à la 2nde République mais participe à une révolte contre le nouveau régime le 15 mai. Thiers le fait arrêter en mars 1871, il est en prison pendant la Commune. À chaque action ou tentative d’action, Blanqui est condamné. Prisonnier il continue de dénoncer le système capitaliste et explique inlassablement comment prendre le pouvoir pour libérer le peuple.
 
Résister en prison, lutter en écrivant

Cependant, l’écriture carcérale est très encadrée et Blanqui se défie de l’écrit qui risque d’être exploité contre lui. À un journaliste du Times venu l’interviewer à la prison de Clairvaux en avril 1879 qui lui demande s’il écrit beaucoup, Blanqui répond : « Non, en prison, un manuscrit n’est jamais à vous » . Certes, il désire poursuivre le combat social mais doit d’une part échapper à la censure et d’autre part prendre garde à ne pas dévoiler les noms des compagnons de lutte. Il élabore des techniques de dissimulation pour communiquer secrètement avec l’extérieur (surnoms donnés aux personnes évoquées, encre secrète, messages codés) . Ces précautions rendent l’étude de ses notes particulièrement délicate.Le manuscrit de l’Eternité par les astres (dont l'intégralité des feuillets  est présentée dans l’exposition « Les Manuscrits de l’extrême ») incarne un  exemple de cette écriture entravée. Le texte est rédigé d’une écriture minuscule sur du papier pelure transparent, papier léger qui facilite et diminue le coût des colis envoyés à l’extérieur. Les lignes du verso inscrites dans les interlignes du recto rendent la lecture du document complexe.
 
Un « vieillard étique », le « génie même de la révolution »

Les obstacles à l’appréhension de la pensée de Blanqui sont donc nombreux (censure, dissimulations, difficultés matérielles, dispersions des textes) néanmoins ils n’empêchent pas de dresser le portrait d’un républicain sans concession qui, toute sa vie et malgré les épreuves, a manifesté son refus de transiger avec son idéal. En 1881, Blanqui s’éteint. Ses funérailles seront suivies par des milliers de Parisiens.
 
 
 

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