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Les grands poèmes épiques indiens (2) : le Mahābhārata

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21 mars 2019

Ces 20 et 21 mars, nous célébrons Holī, fête indienne associée à plusieurs cultes, comme ceux de Viṣṇu et Kṛṣṇa, qui annonce l'arrivée du printemps. Aussi, à cette occasion, nous vous proposons de découvrir le Rāmāyaṇa et le Mahābhārata, textes fondamentaux de la culture indienne à travers les documents disponibles dans Gallica.

Arjuna fait jaillir une source pour apaiser la soif de Bhīṣma

Après le Rāmāyaṇa, notre découverte des poèmes épiques indiens se poursuit avec le Mahābhārata, poème composé de plus de 107 300 śloka ainsi que l'évocation de la persistance de ces mythes dans le monde indianisé et de leur présence dans la culture occidentale.

Tout ce qui se trouve dans le Mahabharata est autre part. Ce qui n’y est pas n’est nulle part.

 

Mahābhārata

Contrairement au Rāmāyaṇa, l'avatāra de Viṣṇu n'est pas la figure centrale du poème. En effet, si Kṛṣṇa, que l'on retrouve dans d'autres textes à l'instar du Bhāgavata Purāna, est un personnage important de par son rôle en maints moments du récit, il est avant tout une figure protectrice, un conseiller avisé, dont le caractère divin est reconnu par les héros.

Selon la tradition, l'auteur du Mahābhārata est le ṛṣi Vyāsa qui est né de l'union de Satyavati et Parāśara. Le sage aurait dicté l’épopée dont il est un des nombreux protagonistes au dieu Ganesha. Le divin scribe à tête d'éléphant, ne disposant pas d’outil pour écrire, brisa à cette occasion une de ses défenses.


Ganesha

Le Mahābhārata narre, sur plusieurs générations, l'histoire de la lignée des Kuru descendants de Bhārata, roi d'Hastināpura. Le cœur de ce poème est la rivalité entre deux fratries, les Kaurava et les Pāṇḍava, pour la succession du trône jusqu'à un combat final.

Quand leur ancêtre, le roi Vichitravirya, meurt sans héritier bien qu'il ait deux épouses. Sa mère Satyavati demande à son fils Vyāsa, l'auteur du poème, de perpétuer la lignée. Chacune des deux veuves donne naissance à un fils. Ambika, qui devant la laideur du ṛṣi ferme les yeux, met au monde un fils aveugle, Dhṛtarāṣṭra. Ambalika, elle, qui devient blanche en voyant Vyāsa, enfante Pāṇḍu, le pâle à la faible constitution.

Selon les droits d'aînesse, le trône doit revenir à Dhṛtarāṣṭra, mais un roi ne pouvant être aveugle, Pāṇḍu est couronné. Grâce à l'intervention de plusieurs dieux, ses épouses Kuntī et Madrī lui donnent cinq fils, les Pāṇḍava : Yudhiṣṭhira, Bhīma, Arjuna, le meilleur des guerriers, et les jumeaux Nakula et Sahādeva.
Dhṛtarāṣṭra et sa femme Gāndhārī ont cent fils, les Kaurava, dont l'aîné Duryodhana, violent et envieux, est le plus connu.

 


Avatara de Visnu devant 5 princes probablement Krisna devant les Pandava

À la mort prématurée de Pāṇḍu, les enfants étant trop jeunes, Dhṛtarāṣṭra exerce le pouvoir en dépit de sa cécité. Les deux fratries grandissent ensemble, reçoivent les enseignements des mêmes maîtres, Bhīṣma, Vidura et Droṇa. Ils saisissent à cette époque la moindre occasion d'entrer en rivalité.

À leur majorité, Duryodhana et Yudhiṣṭhira revendiquent le trône. L'un est le premier fils de la branche aînée et l'autre est né avant lui. Tout d'abord, Dhṛtarāṣṭra proclame son neveu comme étant son héritier mais son fils manœuvre de façon à faire écarter les cinq frères et leur mère.

Alors qu'ils séjournent dans un palais, ils échappent à un incendie. Tous les croient morts. Cachés dans la forêt sous les habits de brahmanes. Un jour, les cinq frères assistent incognito à un svayaṃvara. À l'issue d'un concours d'adresse à l'arc, Arjuna gagne la main de Draupadī. Le sort fait qu'en lieu et place d'avoir un époux, elle épouse les cinq frères.

L'exploi accompli par Arjuna révèle que les Pāṇḍava sont vivants et Dhṛtarāṣṭra fait revenir ses neveux et sa belle-soeur. De retour à Hastināpura, Yudhiṣṭhira se voit attribué la moitié du royaume scindé par son oncle. Duryodhana fait en sorte qu'il s'agisse de terres désolées. Contre toute attente, les Pāṇḍava en font une région prospère dont la capitale somptueuse Indraprastha suscite la plus grande jalousie de Duryodhana. Celui-ci, souhaitant récupérer les richesses des Pāṇḍava, influence son père pour créer l'occasion de dépouiller ses cousins.

Jouant de la faiblesse de Yudhiṣṭhira pour le jeu de dés, Duryodhana réussit à faire perdre à son cousin la moindre de ses possessions, chacun de ses frères, lui-même et Draupadī. Grâce à celle-ci qui intervient auprès de  Dhṛtarāṣṭra, la servitude qui les attendait devient un exil de treize années au terme duquel ils retrouveront leurs biens à la condition de ne pas être découverts.

Au cours de la dernière année, les cinq  Pāṇḍava et Draupadī entrent au service du roi Virata. Déguisés chacun tient un rôle à la cour. Arjuna déguisé en femme vient un jour en aide au roi dont les terres sont menacées par une armée. Il révèle son identité au jeune prince qui doit conduire l'armée. Devant les prouesses accomplie, l'identité d'Arjuna est dévoilée aux yeux de tous au terme des treize années.
 

Scène de bataille de char

Les Pāṇḍava rentrent alors à Hastināpura pour réclamer leurs biens. Les Kaurava refusent car selon eux leurs cousins ont été découverts avant la fin des treize années. Les négociations ayant échouées, la guerre est inévitable.
Chaque camp fit appel à ses soutiens. Sollicité par les deux fratries, Kṛṣṇa propose de mettre toutes ses armes, toute son armée au service d'un camp et d'être seul sans arme au service de l'autre. Duryodhana veut renforcer ses forces et opte donc pour les armes et les hommes du roi de Dvārakā. Yudhiṣṭhira, lui, choisit Kṛṣṇa car là où est Kṛṣṇa est la victoire.
 

 

Sur la plaine de Kurukshetra les deux armées se font face. Arjuna dont le char est conduit par Kṛṣṇa hésite à démarrer cette guerre fratricide et suspend son geste au moment de souffler dans la conque qui annoncera le début du combat. Dans le camp qui lui fait face, il voit les visages de ses cousins, de ses maîtres, d’amis. C’est alors que Kṛṣṇa parle longuement à Arjuna. Ce passage du Mahābhārata est communément appelé Le Chant du Bienheureux : Bhagavad-Gītā.
 

La bataille fait rage pendant dix-huit jours. Si les règles de la guerre sont respectées pendant les premiers jours de combats, les deux camps cèdent à des actions moins nobles. Au terme de la bataille, rares sont les survivants. Gāndhārī qui a perdu tous ses fils maudit Kṛṣṇa qui sera tué une trentaine d'années plus tard d'une flèche dans le talon.

Dhṛtarāṣṭra, Gāndhārī et Kuntī se retirent dans la forêt et Yudhiṣṭhira est couronné roi d'Hastināpura. Au terme de leur vie, les Pāṇḍava partent pour les montagnes de l'Himalaya où une dernière épreuve les attendra avant d'atteindre le séjour des bienheureux.

Ces mythes y sont toujours vivants dans le sous-continent indien. Ils y sont présents sous diverses formes traditionnelles et modernes, par fragments tel le Śakuntala et dans des versions plus exhaustives. Le poète Attippat Krishnaswami Ramanujan a recensé 300 versions différentes du Rāmāyaṇa.

 

Photographie de Roger Pic, La légende du Mahabharata, Théâtre Kathakali, 1967

 

Des épisodes sont peints, sculptés comme à Angkor, contés, chantés, dansés et interprétés au théâtre comme le Kathakali et au théâtre d’ombres tel le Wayang kulit. Au XXe siècle, on a vu l'émergence de nouvelles formes à l'instar des bandes-dessinées, des films d'animation et des films produits par les diverses industries du cinéma indien qui adaptent et font référence fréquemment à ces textes.
 

Le premier film indien sous-titré en anglais, hindi et marathi s'inspire un épisode du Mahābhārata : Raja Harishchandra(1913). Son réalisateur Dhundirāj Govind Phalke (Dadasaheb Phalke) fit une seconde version à Calcutta en 1917 sous-titrée en langue bengali Satyawadi Raja Harishchandra.

Des auteurs contemporains puisent aujourd'hui encore leur inspiration dans ces textes, comme Shashi Tharoor avec Le Grand roman indien (1989) et Chitra Banerjee Divakaruni qui, dans Le Palais des illusions (2008), narre le Mahābhārata à travers les yeux de la reine Draupadī. De même, Samhita Arni a, à l’âge de 12 ans, écrit et illustré une version du Mahābhārata. Et plus récemment cette auteure a publié, en 2012, Sita's Ramayana, une version du Rāmāyaṇa racontée par Sītā dans la lignée du texte de Candrāvatī, poétesse bengalie du XVIe s. Samhita Arni a aussi publié en 2013 un thriller contemporain The missing Queen autour de la disparition de la reine d’Ayodhyā.

Ces textes dépassent les frontières de l'Asie. Les premières traductions occidentales ont permis la diffusion de ces récits en Europe. Flaubert fit une traduction du latin vers le français du Nalus, extrait du Mahābhārata dont la version latine est de Franz Bopp (1819). Hippolyte Fauche, élève d’Eugène Burnouf, fit des traductions de ces textes. Jules Michelet mentionne le Rāmāyaṇa en 1864 dans Bible de l'Humanité. En 1898, Le Ramayana, poème dramatique de Paul Vérola est publié dans une édition illustrée par A. Mucha.

Photographie de Daniel Cande (Tous droits réservés), Le Mahabharata, mise en scène Peter Brook, 1985

En 1985, Peter Brook et Jean-Claude Carrière ont adapté le Mahābhārata au théâtre en soulignant le caractère universel de ce récit par la présence d’acteurs venant de différents pays. Plus récemment, en 2005, Nina Paley a réalisé Sita sings the Blues, un film d'animation qui évoque la trame du Rāmāyaṇa du point de vue de Sītā.

 

Holī Hai !

Pour mémoire : Les grands poèmes épiques indiens (1) : le Rāmāyaṇa

Pour aller plus loin, découvrez une sélection de documents sur l'Inde dans le "Gallica vous conseille" qui lui est consacré.

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