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Pont couvert : de l’idée à la construction

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31 mars 2022

Les ponts couverts existent depuis des siècles. Le blog Gallica vous emmène à la découverte de ces ponts aux formes et structures particulières.

Félix Narjoux, Histoire d'un pont. Hachette 1884

À l’époque médiévale où l’on invente les premiers ponts couverts, les constructeurs ont pleinement conscience que la pourriture due aux intempéries et à l’eau des rivières est l’ennemi majeur du bois et peut être évitée en conservant le matériau au sec. Si le pont est protégé par une toiture et éventuellement des murs pleins, sa longévité sera fortement accrue. Une autre façon de protéger le pont est le pont bâti, c’est à dire un pont avec des habitations sur toute la longueur du pont . Le Pont Notre-Dame, à Paris comporte par exemple soixante maisons réparties sur les deux côtés, ce qui n’empêchera pas son écroulement en 1499 par manque d’entretien et de réparations régulières.

Jacob Leupold, "Theatrum pontificiale", oder Schau-Platz der Brücken und Brücken-Baues.1774

Au Moyen-âge, un pont non couvert est constitué généralement de deux éléments principaux : des fondations en bois ou maçonnées qui supportent le tablier, route permettant le passage des véhicules et des personnes. Le pont couvert va s’enrichir de nouveaux éléments : des murs latéraux, une deuxième charpente qui repose sur ces murs et qui porte le toit servant de couverture, d’où la dénomination de ce type de pont.

Illustrations de Tableaux topographiques, pittoresques, physiques, historiques, moraux, politiques, littéraires de la Suisse et de l'Italie.1780-1786

Les fondations les plus simples des ponts sont constituées avec des troncs entiers ou travaillés qui sont épointés et fixés profondément dans le cours d’eau ou dans les berges. On trouve ensuite des fondations à pilots, pieux pointus ferrés à un bout et cerclés à l’autre que l’on enfonce dans le lit de la rivière pour constituer des pilotis.

Pont en bois. Chine.Les Colonies françaises. 340 photographies. 1931

Pour rendre encore plus solide les ponts, on édifie des piliers de différentes formes, appelés palées ou piles selon qu’ils sont réalisés en bois ou maçonnés. Pour ce dernier type d’ouvrages, on utilise des enceintes construites avec des pieux ou des talus de terre, servant de moules à l’intérieur desquels on pompe l’eau et où l’on construit ensuite les piliers de pierres ; on retrouve ces techniques de batardeaux ou caisses étanches expliquées dans La science de l’ingénieur de J. R. Delaistre (illustrations complémentaires dans l’atlas correspondant). Les bâtardeaux seront remplacés par les fondations à l’air comprimé. Avec le temps, on pourra aussi trouver des fondations mêlant structures en bois et en maçonnerie.

Entre les piliers, quand ils existent, une première charpente en bois est établie pour supporter le tablier. La forme d’arche restant la plus solide en la matière. S’il n’y a pas de piliers dans l’eau, une arche unique  ou un tablier plat repose sur les deux berges entre deux piles appelées culées. Notons que ces arcs charpentés en bois peuvent servir à la construction des cintres, les arcs provisoires de soutien des futurs arcs en pierres ou cimenté. On complète cette charpente par un assemblage précis et complexe de traverses (énormes poutres), croix de Saint-André (fig.4) et autres pièces structurelles qui s’entrecroisent pour former le tablier.

J.-R. Delaistre, La Science de l'ingénieur.. 1825

Le revêtement du tablier peut être constitué grossièrement avec des fagots de branchages, ce qui rend le passage difficile ou impossible pour des véhicules. Pour permettre de marcher ou rouler plus facilement, l’ossature ouverte de ce tablier est complétée par un plancher en lames ou  madriers. Ces derniers peuvent être légèrement espacés ou bien jointés et recouverts de terre, sable, pavés de pierres ou de bois, de chanvre ou encore de goudron afin de créer un chemin le plus praticable possible. Avec le temps, le revêtement du tablier pourra être métallique ou constitué avec du ciment, du béton armé, de l’asphalte ou du bitume, pour le rendre de plus en plus lisse et roulant. Une association et/ou superposition de plusieurs de ces revêtements est également possible. Notons de façon anecdotique qu’il est possible de dresser un plancher de dalles de pierres immenses directement sur les piliers.

Utagawa Hiroshige issei (1797-1858).[Vues des sites célèbres de la capitale de l'Est. Japon.1832-1834

Sur les deux côtés latéraux du pont on installe ensuite le premier élément du pont couvert proprement dit : les murs. Ils doivent mesurer plusieurs mètres de hauteurs afin que les véhicules et personnes puissent passer sous le toit. Ils sont à distinguer d’avec les éventuels murets ou balustrades des ponts non couverts. Les murs sont réalisés avec des poutres verticales ou obliques qui se croisent en formant des treillis le plus souvent ouverts. Ils peuvent s’appuyer sur la charpente du tablier ou directement sur les piliers, les culées ou les berges. Ces murs charpentés peuvent cependant être totalement ou partiellement recouverts de planches ou fenêtrés, pour créer une sorte de tunnel et mieux isoler le pont contre les intempéries ou les attaques en temps de conflits. Des colonnes de marbre, de granit ou autres roches peuvent remplacer les murs de bois ; le pont de Bassano en est un bel exemple (fig 1).

 Jean-Charles Krafft, (1764-1833)
Plans, coupes et élévations de diverses productions de l'art de la charpente, Krafft,CNUM

Sur ces murs vient se positionner la seconde charpente, celle de la toiture. Elle est constituée d’éléments principaux appelés fermes, en bois et/ou métal, de formes triangulaires, placées perpendiculairement aux murs que l’on nomme parfois gouttereaux ou goutterots car ils peuvent porter des gouttières. Notons que les fermes peuvent aussi servir en pièces essentielles à la charpente des arcs du pont. De multiples pièces comme les longerons, solives ou pannes, sont assemblées avec les fermes pour réaliser la charpente de toit. Enfin on pose la couverture, en planches ou en tuiles mais aussi en lauzes ou en ardoises, voire en végétaux (principalement en Asie).

L’art de la charpenterie se modifie au cours des siècles, révélant le génie de l’homme pour la construction de ponts de plus en plus complexes. Les ponts de bois couverts évoluent vers la pierre comme à Florence ou à Pavie, mais restent peu nombreux, du fait de l’avènement des structures métalliques ou cimentées n’ayant plus besoin de couverture pour durer dans le temps, à de rares exceptions près.
 

Pour aller plus loin :

Heritage  : la bibliothèque numérique de l'Ecole des Ponts et Chaussées

Commentaires

Soumis par association pat... le 15/04/2022

Magnifique document très agréable à lire et passionnant, merci pour la possibilité d'aller d'un document à un autre et de revenir au texte principal. Un grand bonheur de pouvoir avoir accès sans sortir de chez soi, c'est encore plus agréable quand ça remplit le temps d'insomnie. Merci à l'équipe de la BN
NP

Soumis par Michelle Yverna... le 09/07/2022

Dans le Berry
Commune du Pont Chrétien (indre)
L’un des derniers pont couvert de France
Encore utilisé aujourd’hui

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