L'araignée au fil de nos peurs

Le mot "araignée" est issu du latin Aranea. L’araignée porte de nombreux noms selon les régions, langues ou patois. Ces synonymes ont souvent été utilisés dans de nombreux récits.
Depuis l’Antiquité, l’araignée est entrée dans les mythes : Arachné (en grec ancien Ἀράχνη) se vantait de tisser mieux qu'Athéna. Furieuse, celle-ci détruisit son travail. Humiliée, Arachné alla se pendre. La déesse, prise de remords, décida d'offrir une seconde vie à Arachné : elle la changea en araignée suspendue à son fil, la condamnant à tisser sa toile pour l'éternité. Ce mythe a été repris par Ovide dans Les Métamorphoses, et par Dante dans la Divine comédie, où Arachné hante le Purgatoire.

Beaucoup de croyances sont liées aux araignées. Au Moyen Age, on pensait que la danse et la musique pouvaient aider à la guérison des personnes mordues par la tarentule, victimes d’accès de démence. L’un des dictons les plus connus reste « Araignée du matin, chagrin, araignée du soir, espoir ».
 
Les araignées vivent partout ! Plus de 40 000 espèces d’araignées se répartissent dans le monde (1 600 en France), sous tous les climats, secs ou humides, froids ou chauds, océaniques ou continentaux. On les croise dans les jardins, dans nos habitations, et même sur l’eau. Nous connaissons tous la tégénaire, ou araignée domestique, qui fait sa toile au plafond. Dans nos jardins l’argiope et l’épeire diadème tissent leurs toiles. La veuve noire est la seule araignée venimeuse de France. La lycose, également appelée tarentule, est une araignée méridionale qui vit dans des terriers. Enfin la plus effrayante de toutes, la mygale, araignée des pays chauds, peut atteindre des tailles impressionnantes : la plus grande est la mygale Leblond qui peut atteindre 30 centimètres.
 
Les araignées sont des prédateurs qui chassent des insectes et des petites proies pour se nourrir. Les modes de vie et les techniques de chasse varient d'une famille à l'autre : les araignées-loups poursuivent leurs proies, les araignées-crabes se tiennent à l'affût sur les fleurs, les argyronètes vivent dans l'eau et utilisent des "cloches de plongée", les mygales creusent des puits dans le sol et installent des trappes.
 
Araignée du matin, chagrin
L’araignée a toujours fait peur. Lorsque nous en croisons une, notre cœur bondit. L’arachnophobie est une des phobies les plus communes. Pourquoi avoir peur d’une créature beaucoup plus petite que nous et quasiment sans danger pour l’homme ?
Le côté effrayant des araignées peut être dû à l’aspect et à la taille de leurs huit pattes souvent velues.
Cela pourrait aussi venir de la forme de leur corps, divisé en deux parties, le céphalothorax portant les pattes, et l’abdomen terminé par les filières qui produisent des fils de soie gluante pour construire leurs toiles, s’y déplacer et parfois envelopper leurs œufs.
Est-ce leur toile, qui parfois décore nos maisons et souvent ornent nos jardins, qui nous horrifie ? Ces toiles sont très différentes selon les espèces. Les araignées fileuses sont de véritables architectes en la matière !

Toile régulière de l’Epeire diadème

Les toiles d’araignées ont inspiré de nombreux artistes qui ont représenté la crainte de se retrouver englué ou dévoré. Marcel Roux, Jean Veber ou Gustave Doré ont dépeint des araignées dévorant leurs proies humaines capturées dans une toile géante. Dans un de ses dessins, Odilon Redon l’a bien représentée souriante, mais elle en devient angoissante. Et Arthur Rackham en dresse un portrait particulièrement monstrueux !
 
L’araignée est décrite comme un personnage pas toujours agréable dans des fables de La Fontaine, ici superbement illustrées par Benjamin Rabier : L’araignée et l’hirondelle  où l’araignée est punie de son comportement, et La goutte et l’araignée où celle-ci se montre prudente et fuit le danger.
Le caractère prétendument cruel de l’araignée est dénoncé dans d’autres fables : Le pélican et l’araignée de Antoine Houdar De La Motte, La mouche et l’araignée, L’abeille et l’araignée ou bien encore La coquette et l’araignée de Jean-Baptiste Brossard, dans laquelle c'est cette fois l’être humain qui est sans pitié.
 
Dans certaines œuvres, l'araignée est souvent utilisée pour l'épouvante qu'elle véhicule : c’est un monstre effrayant qui représente une menace à fuir ou à éliminer. En bande dessinée, l'album de Tintin L'Étoile mystérieuse, de Hergé, met en scène une araignée devenue géante. Les araignées sont souvent mises en scène dans la littérature fantastique. Dans la trilogie Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, Arachne (Shelob) est un des monstres que doivent combattre les héros. Dans Harry Potter de J. K. Rowling, Aragog est l’araignée géante qui hante la forêt interdite. Le roman L'homme qui rétrécit de Richard Matheson, dont est tiré un film, met en scène le combat d’un homme, devenu minuscule, face à une araignée. Plus récemment des films comme Tarantula ou Arachnophobia jouent sur l’horreur provoquée par la présence de nombreuses araignées.
 
Le cirque reprend les mêmes imageries effrayantes en proposant des spectacles de monstres dont une femme-araignée. Inspiré des Souvenirs entomologiques de Jacques-Henri Fabre, le ballet d’Albert Roussel, Le festin de l’araignée, raconte l'arrivée des insectes qui lui serviront de repas.

"La femme araignée". Affiche du cirque Daniellis (Ville de Paris / Bibl. Forney)

L’activité prédatrice de l’araignée a parfois été comparée à des traits de caractère attribués aux femmes que l’on accusait d’être des séductrices attirant les hommes dans leurs filets. La danseuse et courtisane Liane de Pougy est ainsi représentée en araignée dans sa toile pour son rôle d’Oriane dans le spectacle L’araignée d’or des Folies Bergères. Un roman d’Aylic Langlé propose en illustration de couverture une femme croquant ses amants au milieu d’une immense toile d’araignée.
En politique, une caricature anglaise dénonce le côté agressif et guerrier de Napoléon «The Corsican spider in his web» en le dessinant comme une araignée au centre de sa toile.
 
 Araignée du soir, espoir
A côté de ces visions horrifiques, l’araignée est parfois représentée de manière plus agréable dans de nombreuses œuvres artistiques ou littéraires.
 
Certains personnages de bande dessinée ou de cinéma apportent une image plus positive de l’araignée, tel Spiderman, super-héros luttant contre le crime à New York.
Victor Hugo réussit à prendre la défense de l’araignée dans le poème "J’aime l’araignée et j’aime l’ortie" et en fait un magnifique dessin. Une odelette de Madeleine Ley rend hommage à la délicatesse de la toile d’araignée.
Benjamin Rabier la met également en scène de manière humoristique dans une histoire courte : L’araignée et les moustaches, et dans les albums Anatole et Un bon petit veau.

Des contes pour enfants montrent une image plus douce de l’araignée : elle guide ainsi un enfant au pays des fées dans Le beau voyage de Michel au pays des fées. L’araignée est aussi chantée avec humour dans une comptine Une araignée sur le plancher se tricotait des bottes.
 
L’araignée peut même devenir un animal familier : plusieurs musiciens mentionnent la présence d’une araignée lorsqu’ils jouent de leur instrument, et l’académicien Pellisson, emprisonné à la Bastille, en apprivoisa une dans son cachot, avec une flûte.

Magnifique création de la nature, l’araignée est parfois effrayante, souvent fantastique, toujours impressionnante. Si vous croisez une araignée le soir d’Halloween, faites-en la reine de la soirée !